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Texte juridique

Avis n° 2009-5 du 26 mai 2009 relatif au projet de décret portant sur le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions

Publié le

Saisi pour avis par le Gouvernement, en application de l'article 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, du projet de décret portant sur le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré en assemblée plénière le 26 mai 2009, émet l'avis suivant.
 
Le présent avis s'inscrit dans la continuité de la réflexion et des recommandations exposées dans le rapport du Conseil de juin 2008 intitulé « Observations et propositions concernant la ligne éditoriale des chaînes de France Télévisions ». Le Conseil y avait réaffirmé les missions des chaînes publiques, qui ont vocation à rassembler le public le plus large dans la diversité de ses composantes, en proposant tous les genres de programmes, dans un souci d'exigence de leurs contenus et avec un objectif de haut niveau de satisfaction des téléspectateurs. Pour atteindre ces objectifs, il avait préconisé une modernisation du cadre juridique du service public, grâce à un cahier des charges unique et à un contrat d'objectifs et de moyens dont la durée correspondrait à celle du mandat du président du groupe, ainsi qu'une clarification des lignes éditoriales des chaînes, destinée à la fois à diversifier les contenus et à rendre les antennes plus complémentaires.
 

I. Le projet de cahier des charges reprend de nombreuses propositions du Conseil 

Le Conseil prend acte, avec satisfaction, de l'intégration dans le projet de cahier des charges de nombreuses propositions formulées dans son rapport.
 
Il approuve notamment la rédaction d'un seul cahier des charges pour les différentes chaînes de la société unique France Télévisions, permettant, par une rédaction resserrée, une modernisation du cadre juridique applicable aux chaînes publiques et un accroissement des synergies entre leurs antennes.
 
Il note que cette société unique garantit le respect de la collégialité des instances de sélection artistique (article 2 du projet de cahier des charges) qu'il avait souhaité dans son rapport ainsi que dans son avis du 7 octobre 2008 sur le « projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels ». Il souhaite que cet article soit complété par une disposition sur la diversité de l'accueil des projets. Garant du respect du cahier des charges de France Télévisions, le Conseil s'assurera de la bonne application de cette disposition lors de l'établissement du bilan annuel de la société.
 
Le Conseil se félicite également que le projet de cahier des charges reprenne plusieurs de ses propositions relatives aux obligations de programmes. Ainsi, le projet de cahier des charges regroupe les obligations des chaînes au niveau du groupe France Télévisions, permettant à ses dirigeants de se conformer à des objectifs globaux tout en conservant la latitude nécessaire pour les mettre en oeuvre sur les différentes chaînes.
 
Le Conseil s'interroge cependant sur deux exceptions au principe de fixation des obligations au niveau du groupe. En effet, le projet de cahier des charges continue à attribuer la programmation, d'une part, des émissions religieuses à France 2 (article 15), alors même que la loi ne vise plus de chaîne particulière pour leur diffusion, et, d'autre part, d'un « bulletin d'information sur l'outre-mer » à France 3 (article 3-2°). La programmation sur une chaîne spécifique des émissions religieuses devra être réexaminée, fin novembre 2011, lorsque, à l'extinction de la diffusion hertzienne analogique, l'e nsemble de la population recevra toutes les chaînes hertziennes numériques dans des conditions similaires.
 
De plus, le projet de cahier des charges privilégie des objectifs d'exposition des programmes plutôt qu'une quantification systématique des obligations. Le Conseil relève ainsi avec satisfaction que le projet fixe pour la première fois, dans un souci de respect du public, des obligations relatives aux horaires de programmation des chaînes publiques, pour les premières et pour les secondes parties de soirées (article 18). Le Conseil approuve l'attention portée à l'adaptation de ces horaires outre-mer dont il souhaite être tenu informé par France Télévisions.
 
Par ailleurs, le Conseil considère que l'exposition quotidienne d' un programme culturel en première partie de soirée sur l'une des chaînes publiques (article 4) répond à ses remarques réitérées sur la programmation tardive de certaines émissions à dimension culturelle. Il souhaite toutefois que cette exposition ne se fasse pas au détriment de la diversité de leurs formats et de leurs thèmes. A cet égard, le Conseil insiste sur le fait que la vocation culturelle des chaînes publiques doit continuer à trouver sa traduction dans des émissions aux genres et formats diversifiés.
 
Le Conseil prend acte avec satisfaction de l'engagement de France Télévisions en faveur de la création audiovisuelle européenne et d'expression originale française, qui se traduit par un engagement de diffusion pour l'ensemble des chaînes du groupe au-delà des obligations légales et par une contribution à la production audiovisuelle très supérieure aux seuils réglementaires en vigueur (article 9). Le projet de cahier des charges renvoyant au contrat d'objectifs et de moyens la fixation de la répartition des investissements par genre, le Conseil s'a ssurera du respect de ces engagements. Soucieux de favoriser une bonne circulation des oeuvres entre tous les diffuseurs, le Conseil propose d'introduire une disposition en ce sens à l'a rticle 9-I.
 
Parmi les mises à jour de certaines obligations qu'il avait appelées de ses voeux, le Conseil approuve l'introduction d'une disposition sur les modalités de déploiement de l'offre en haute définition. L'article 19 du projet de cahier des charges, relatif aux nouvelles technologies, renvoyant directement au contrat d'o bjectifs et de moyens le soin de les fixer, le Conseil s'estime compétent pour s'assurer du respect de ces engagements. Cet article devrait être complété d'une référence à la possibilité d'u ne bonne réception en mobilité.
 
Le projet de cahier des charges a par ailleurs intégré de nombreuses dispositions relatives à l'honnêteté et au pluralisme de l'information figurant dans les conventions des chaînes privées et désormais applicables à France Télévisions. Le Conseil souhaite cependant qu'elles soient complétées par des mesures déontologiques entourant le traitement des affaires judiciaires en cours et la vérification des sources de l'information.
 
Le Conseil note que les lignes éditoriales de France 2 et France 3 reprennent ses propositions, notamment en ce qui concerne la complémentarité entre l'information nationale et régionale sur France 3, exprimée tant dans son rapport que dans son avis sur le projet de loi.

Il se félicite enfin du renforcement de l'identité des chaînes généralistes de proximité locale et régionale de RFO que sont les « télés pays », comme il l'avait souhaité dans son « Rapport sur les modalités de développement de la télévision numérique dans les collectivités d'o utre-mer » en juillet 2008. Dans la perspective technologique permettant la réception des chaînes métropolitaines en mode numérique terrestre dans les collectivités territoriales d'outre-mer, le Conseil appelle l'attention sur la nécessaire adaptation, à moyen terme, du droit de reprise par RFO des émissions issues d'autres chaînes de télévision.

II. Les réserves et les propositions du Conseil
 
Le Conseil émet des réserves et présente des propositions sur d'a utres points du projet de cahier des charges.
 
Il tient, tout d'abord, à réaffirmer l'importance de la valeur de référence du service public qui doit guider l'ensemble du cahier des charges.
 
Il estime ainsi que certaines grandes missions de service public énumérées dans la loi telles que la promotion de la langue française, l'innovation, le pluralisme ou la représentation de la diversité des origines et des cultures relèvent de principes éthiques et doivent donc imprégner la programmation de chaque service de France Télévisions. Il considère que le préambule devrait avoir pour objet de préciser ces grandes missions transversales, et propose qu'il soit enrichi afin de les expliciter.
 
S'agissant tout particulièrement de la diversité, le Conseil regrette que le projet de cahier des charges ne réponde pas totalement aux ambitions de la loi. Le renforcement de ses exigences vis-à-vis du groupe public aurait pu se traduire, dès le préambule, par l'affirmation que chaque antenne de France Télévisions participe à l'objectif de meilleure représentation des origines et des cultures de la société française.
 
En ce qui concerne le positionnement éditorial de France 4, le Conseil comprend l'objectif poursuivi par France Télévisions de rajeunissement de son public. Il tient cependant à rappeler que l' article 43-11 de la loi dispose que les chaînes publiques s'a dressent au public « pris dans toutes ses composantes ». En conséquence, le Conseil considère que la ligne éditoriale de France 4, à l'image du Mouv' pour Radio France, doit être définie par ses programmes et non par cible et par tranche d'âge. A ce titre, il pourrait être intéressant de maintenir l'actuelle spécificité culturelle, divertissante et d'o uverture sur le monde de France 4. Le Conseil appelle également l'attention sur les conséquences d'une modification aussi importante du positionnement éditorial d'une chaîne publique sur les équilibres de l'ensemble du paysage audiovisuel.
 
En tout état de cause, si certains programmes de France 4 devaient s'adresser à la jeunesse et plus spécifiquement aux enfants, il ne pourrait s'agir que d'une offre supplémentaire. En effet, l'article 12 du projet de cahier des charges a clairement posé le principe d'une présence et d'une complémentarité des programmes destinés à la jeunesse sur chacune des antennes du groupe. Dans un souci de protection du jeune public, ces programmes-ci devraient faire l'objet d'une claire identification visuelle et sonore, à l'instar des cases proposées pour les autres chaînes de France Télévisions.

S'agissant des missions définies par la loi relatives aux contenus, le Conseil souhaite une traduction plus concrète avec l' existence d'une obligation inscrite soit dans la ligne éditoriale d'une chaîne, soit dans un article spécifique. Le Conseil note que deux nouvelles missions obéissent à ces principes : l'a pprentissage des langues étrangères qui est consacré à l'article 24 du projet de cahier des charges et la promotion des langues régionales qui figure dans la définition éditoriale de France 3 et de RFO. En outre, les questions européennes font l'objet d'un article spécifique que le Conseil propose de compléter.
 
A contrario, le Conseil déplore que certaines missions fixées par la loi, telles que l'éducation aux médias ou l'apprentissage des connaissances économiques, ne fassent plus l'objet d'une disposition expresse. Il demande en conséquence l'introduction de deux articles, l'un spécifiquement consacré à l'éducation aux médias et l'autre relatif à la vie professionnelle et aux connaissances économiques qui serait séparé de l'article 53 du projet de cahier des charges, recentré sur l'information du consommateur. Il propose un renforcement de l'article 37 consacré à la langue française. Il demande enfin  l'introduction d'un article sur le placement de produit que la loi vient récemment d'a utoriser.
 
Par ailleurs, le Conseil estime que la valeur de référence du service public consiste non seulement à proposer l'ensemble des genres de programmes aux téléspectateurs mais aussi à garantir une tonalité spécifique. Un certain esprit de programme, immédiatement reconnaissable, doit avoir présidé à la conception de la grille et justifie la diffusion sur des chaînes en grande partie financées par les contribuables. Le Conseil propose que cette valeur ajoutée réponde à un ensemble de critères et principes caractéristiques pris en compte dans la conception et l' élaboration de chaque émission. Ces critères pourraient participer à la mesure de la dimension qualitative des programmes et de la satisfaction du public et constituer des instruments mis à la disposition du Comité consultatif des programmes que France Télévisions devra prochainement mettre en place.
 
Le Conseil estime que les chaînes publiques doivent également se distinguer par l'attention particulière qu'elles portent à leurs téléspectateurs, tant à l'antenne que sur les nouveaux supports, et par la qualité de la relation qu'elles établissent avec eux. A ce titre, les programmes traitant de questions historiques ou d'a ctualité prêtant à controverse devraient être accompagnés, dès que nécessaire, et à tout le moins quand l'honneur d'une personne peut être mis en cause, par la diffusion d'éléments de compréhension et d'analyse critique, par exemple grâce à l'o rganisation de débats et à l'intervention de spécialistes.
 
Cette valeur ajoutée de service public se traduirait, en outre, dans un type d'écriture innovant, par la pluralité des thèmes abordés et la recherche d'une grande diversité de formats. Pour répondre à cette exigence, le Conseil propose qu'un article soit consacré spécifiquement à la fiction audiovisuelle, seul grand genre de programmes à ne pas en disposer. Il rassemblerait notamment les objectifs, dispersés dans différents articles relatifs à la diversité des cases d'exposition et des thématiques ainsi qu'au renouvellement de l'écriture et des formats. Le Conseil suggère également que l'article 11 relatif aux documentaires soit assorti d'un objectif de diversité des cases d' exposition qui compléterait le renforcement de la diffusion en première partie de soirée. Il propose de clarifier l'article 7 sur les programmes scientifiques, en précisant davantage les thématiques abordées, notamment en ce qui concerne les sciences de la nature et le monde animal.
 
Afin de soutenir la présence à l'antenne de programmes pouvant recueillir moins d'audience, tels que les émissions de ciné-club et les courts-métrages, le Conseil est, de surcroît, favorable à l'introduction de dispositions expresses les concernant.
 
Enfin, le Conseil considère que les obligations de France Télévisions doivent être fixées à un niveau réaliste qui prenne en considération la programmation actuelle des chaînes. C'est à ce titre qu'il demande le maintien des modalités en vigueur de programmation des émissions de la campagne électorale officielle sur chacune des antennes nationales de France Télévisions.
 
Le Conseil estime également que le minimum de 100 points proposé pour l'obligation de diffusion de spectacles (article 6) doit prendre en compte les efforts réels des chaînes, estimés en 2008 à 211 points, hors France Ô. Il propose donc un relèvement de ce seuil à 200 points.
 
Le Conseil souhaite un renforcement des garanties en faveur des oeuvres inédites, notamment en étendant l'obligation de leur diffusion en première partie de soirée à France 4 et France Ô, le cas échéant assortie d'une montée en charge.
 
Il prend acte du fait que la contribution à la production cinématographique sera calculée sur le chiffre d'affaires de l'a nnée précédente de France 2 et France 3, sous réserve d'une comptabilité analytique que France Télévisions s'est engagée à mettre en place et qui lui sera transmise.
 
Le Conseil prend également acte que la société peut recourir à ses moyens propres de production pour la réalisation des émissions diffusées sur les services qu'elle édite. Toutefois, il demande que la valorisation financière des moyens propres de production utilisés ne puisse pas représenter plus de 30 % des investissements déclarés au titre de la contribution au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française définie à l'a rticle 9. A cette fin, la société communique au Conseil pour chaque oeuvre déclarée au titre de sa contribution à la production audiovisuelle, la part du financement apportée en industrie et celle fournie en numéraire.
 
Ainsi, dans un souci de transparence, le Conseil pourra rendre publique, dans les bilans qu'il établit de la contribution des chaînes publiques à la production audiovisuelle, la part du financement apportée par France Télévisions en industrie grâce à ses moyens propres dont il demandera désormais le montant financier pour chaque oeuvre déclarée au titre de la contribution à la production audiovisuelle.

Dans un souci de collaboration constructive avec le ministère de la culture et de la communication et compte tenu des délais impartis, le Conseil propose des modifications rédactionnelles aux articles existants pour intégrer ses remarques. Un tableau récapitulant ces propositions de modifications est annexé au présent avis.
 
Fait à Paris le 26 mai 2009,
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Le Président, 
M. BOYON
 

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