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Texte juridique

Avis du 7 octobre 2008 sur le projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services

Publié le

Saisi pour avis, par le Gouvernement, du projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, émet l'avis suivant.

I - Modernisation du secteur public de la communication audiovisuelle
 

1°) Sur la transformation de France Télévisions en société unique
 
Le Conseil prend acte de la transformation du groupe France Télévisions en une unique société nationale de programme, l'i dentité des chaînes devant être précisée dans le cahier des missions et des charges.
 
Il exprime toutefois sa préoccupation quant à certaines conséquences que pourraient avoir la fusion des actuelles sociétés nationales de programme et la transformation du groupe France Télévisions en une société unique.
 
Le Conseil demande ainsi que le cahier des missions et des charges et l'organisation interne de France Télévisions comportent des dispositions précises garantissant :
- le respect de l'identité de chacune des chaînes et l'a bsence d'uniformisation de leurs lignes éditoriales ;
- la diversité des responsables des programmes de création, notamment dans le domaine de la fiction ;
- le respect de l'exigence constitutionnelle du pluralisme en matière d'information.

2°) Sur la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'a udiovisuel extérieur de la France
 
Le Conseil considère qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le choix du législateur quant au mode de nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, l'e xigence d'un avis conforme du Conseil étant équivalente à un pouvoir de co-décision.
 
Le Conseil est attaché à ce que les personnalités qui seront proposées par le Gouvernement partagent la vision et les valeurs du secteur public telles qu'elles seront définies par le Parlement, le Gouvernement et le Conseil. Elles devront en outre présenter un projet professionnel global pour la société concernée et être en mesure, avec l'équipe dont elles s'e ntoureront, d'assurer la gestion de l'entreprise.

Le Conseil sera attentif à ce que le nouvel article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 permettant le retrait du mandat des présidents des sociétés ne puisse pas porter atteinte à l'i ndépendance des intéressés dans l'exercice de ce mandat. Cette mesure devrait donc être réservée au seul cas de manquement grave aux devoirs de leurs fonctions.

3°) Sur la composition du conseil d'administration des entreprises publiques du secteur audiovisuel
 
Le projet de loi prévoit que le Conseil « veille à l'i mpartialité des personnes qu'il désigne » au sein des conseils d'administration des sociétés France Télévisions et Radio France ainsi que de celle en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
 
Le Conseil s'interroge sur l'utilité de cette nouvelle disposition qui, telle qu'elle est formulée, paraît relever de l'é vidence. Si son objet est de prévenir les conflits entre l'i ntérêt de l'entreprise publique et les éventuels intérêts privés des administrateurs, sujet sur lequel le Conseil est d'ores et déjà vigilant, il convient de l'indiquer clairement. L'i mprécision du terme « impartialité » serait en effet source d'insécurité juridique pour les nominations à venir, qui risqueraient dès lors de faire l'objet d'un abondant contentieux, préjudiciable à la gouvernance des entreprises.

4°) Sur le financement du service public audiovisuel et la suppression de la publicité sur France Télévisions
 
Le Conseil approuve la suppression progressive, étalée sur plusieurs années, de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Cette mesure permettra d'accentuer encore la différence entre leurs programmes et ceux des éditeurs privés. Elle contribuera à un meilleur exercice par le groupe des missions de service public qui lui sont confiées par la loi.
 
Le Conseil est également favorable à ce que la suppression de l'a ccès de France Télévisions à la publicité pour les programmes diffusés outre-mer, prévue par le projet de loi, soit réservée aux collectivités où le réseau du service public dispose d'un concurrent privé diffusé par voie hertzienne terrestre en clair. Le Conseil recommande, là aussi, une démarche progressive et étalée sur plusieurs années afin d'éviter qu'une fermeture brutale des écrans des « télés pays » de RFO, vitrines de promotion des biens et services produits localement, ne provoque une déstabilisation de l'économie locale.
 
Le Conseil prend acte, dans cette perspective, de l'instauration des deux taxes prévues par le projet de loi et de l'indexation du montant de la redevance audiovisuelle sur l'inflation. Toutefois, dès lors qu'il ne saurait y avoir de lien entre le produit des taxes et les dotations allouées à France Télévisions par l'Etat, ce dernier devra accorder à cette société les moyens financiers lui permettant d'exercer pleinement ses missions de service public, d'assurer le respect des obligations découlant du contrat d'objectif et de moyens, et de continuer à proposer des programmes attractifs dans un marché concurrentiel.

5°) Sur les cahiers des missions et des charges
 
Le Conseil approuve le principe d'un cahier des missions et des charges unique pour l'ensemble des chaînes de France Télévisions, qu'il a préconisé dans ses "Observations et propositions concernant la ligne éditoriale des chaînes de France Télévisions", en juin 2008.
 
Il souhaite toutefois que le projet de loi prévoie la possibilité pour le Conseil de préciser certaines des obligations des cahiers des missions et des charges, notamment dans les domaines de la déontologie, du pluralisme de l'information et de la diversité de la production.

6°) Sur les contrats d'objectifs et de moyens
 
Le Conseil avait préconisé, dans ses propositions précitées, d'ê tre étroitement associé à l'élaboration des contrats d'objectifs et de moyens. Il est donc très favorable à la disposition du projet de loi qui prévoit sa consultation préalable sur ces documents. Cette mesure permettra une meilleure articulation entre ces contrats et les cahiers des missions et des charges qui comportent aujourd'hui souvent des engagements distincts relatifs aux programmes, sans véritable cohérence entre eux.
 
Le Conseil approuve également la disposition permettant que le contrat d'objectifs et de moyens des sociétés du secteur public coïncide dans le temps avec le mandat de leur président.
 
Le Conseil pourra, à l'occasion de l'établissement du bilan annuel du respect des cahiers des missions et des charges, procéder à l'évaluation de l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens.
 
Le contrat d'objectifs et de moyens déterminera, pour chacun des services de communication audiovisuelle, des objectifs, notamment qualitatifs, visant à s'assurer que les programmes proposés satisfont les téléspectateurs, permettent d'atteindre de nouveaux publics et remplissent les missions de service public confiées à France Télévisions. Cette orientation, qui correspond aux propositions formulées par le Conseil en juin dernier, répond à la nécessité d'élargir le champ de l'observation en donnant un autre indicateur d'appréciation que la seule part d'audience.

II - Transposition de la directive Services de médias audiovisuels
 
Dans sa contribution du 15 avril 2008 à la réflexion sur la transposition de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), le Conseil supérieur de l'audiovisuel relevait que l'intégration des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1986 apparaissait comme la traduction nécessaire du choix exprimé par le législateur européen en faveur d'un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd et qu'elle permettrait de rapprocher les obligations applicables aux services de télévision et celles applicables aux services de médias audiovisuels à la demande, qui proposent des contenus similaires. Cette unité juridique apparaissait d'autant plus nécessaire au Conseil que l'une des principales catégories de services de médias audiovisuels à la demande sera constituée des services de « télévision de rattrapage », qui sont le prolongement même des services de télévision.
 
Le Conseil appelait donc de ses voeux que la régulation des SMAd lui soit confiée par le législateur, la compétence d'une même autorité de régulation permettant de garantir une application cohérente des principes applicables aux deux types de services. Le Conseil estimait qu'il s'agissait là d'une extension naturelle de son activité, justifiée par la similarité des contenus proposés.
 
Il relève avec satisfaction que le projet de loi est conforme à ces orientations, en lui confiant la régulation de ce nouveau secteur par l'extension de ses compétences aux services de médias audiovisuels à la demande.
 

A - Sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd)
 

1°) Sur la définition des SMAd
 
Comme cela a été le cas lors de l'élaboration de la directive, la définition des SMAd constitue l'une des questions majeures de la transposition de la directive compte tenu de leur caractère évolutif et de leur proximité avec les services de la société de l'information.
 
La définition proposée par le projet de loi reprend largement celle de la directive. Sont donc principalement concernées la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage. La définition des SMAd doit permettre de soumettre aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ce type de services, même dans le cas où ils sont fournis par la même entreprise, le cas échéant sur le même site Internet, que des services non soumis à cette loi, tels que des contenus créés par les usagers. Sous cette réserve, le Conseil considère que la définition envisagée correspond à l'état actuel du développement des SMAd et à leur caractère fortement évolutif.

2°) Sur les obligations des SMAd
 

a) - Sur l'absence de formalité préalable
 
Le Conseil approuve le choix du Gouvernement de n'imposer aux SMAd ni autorisation ni déclaration préalables. Il considère en effet qu'à ce stade, il y a lieu de faciliter le développement des nouveaux services en s'abstenant de tout formalisme lourd et inutile.
 

b) - Sur les obligations relatives à la protection de l'e nfance
 
Le Conseil approuve l'extension du champ d'application du deuxième alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 à l'ensemble des services de communication audiovisuelle. Il souhaite que cette disposition lui permette d'imposer sur les SMAd la mise en oeuvre de tout moyen adapté à la nature de ces services et permettant de protéger les enfants contre les programmes qui ne sont pas destinés à leur âge, y compris ceux qui sont déconseillés aux moins de douze ans.
 
En effet, certaines des approches retenues pour les services de télévision (grille horaire, signalétique permettant aux parents d' être alertés sur le degré de nocivité des programmes pour le jeune public et d'exercer en conséquence un contrôle sur la présence des enfants devant le téléviseur familial) n'a pparaissent pas adaptées aux SMAd, dont les programmes sont, en principe, accessibles à toute heure et pour une consommation normalement individuelle. Il convient donc de fixer, pour ces services, des règles appropriées et graduées qui demeurent cohérentes avec celles qui sont retenues pour les services de télévision.
 
Le Conseil approuve également la disposition interdisant sur tous les services de communication audiovisuelle, y compris les SMAd, la diffusion de programmes susceptibles de nuire gravement aux mineurs.
 

c) - Sur le renvoi à des décrets pour certaines des obligations des SMAd
 
Le projet de loi renvoie à un décret la fixation des obligations des SMAd diffusés par des réseaux n'utilisant pas les fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cette disposition témoigne de la volonté du Gouvernement de tenir compte de la spécificité des SMAd dans la fixation d'un régime d'o bligations qui devra être adapté à leur nature particulière.
 
L'exposé des motifs donne peu d'indications sur le détail des obligations auxquelles les SMAd pourront être soumis en matière de publicité, téléachat, parrainage, respect de la langue française, exposition des oeuvres et contribution à leur production.
 
Le Conseil approuve néanmoins ce choix d'un encadrement spécifique aux SMAd qui permet plus de souplesse dans les obligations qui leur seront imposées. Cet encadrement devra être approprié et proportionné à la taille et à l'économie du service. 
 
Ainsi qu'il l'avait indiqué dans sa contribution du 15 avril 2008, le Conseil recommande que les SMAd soient soumis à des obligations et à une régulation minimales, adoptées avec prudence, de façon progressive et qui tiennent compte de leurs caractéristiques afin de ne pas menacer le développement de services innovants. Il faut éviter d'inciter les opérateurs français à délocaliser leurs services en ligne dans d'autres pays et de brider l'innovation et la diffusion de formats nouveaux correspondant aux attentes des téléspectateurs et des internautes.
 
Des obligations ne devraient donc être imposées qu'à la condition d'être strictement nécessaires au maintien de conditions de concurrence équitables, notamment avec les services de cinéma. Ainsi, pour le Conseil, le critère majeur permettant de justifier une réglementation devrait être l'existence d'une concurrence directe avec les services de télévision actuellement fortement régulés, au premier rang desquels les chaînes thématiques cinéma.
 
Le Conseil recommande, s'agissant de l'exposition des oeuvres et de la contribution à leur production, de se fonder autant que possible sur des accords interprofessionnels que le Conseil pourrait valider ou, en l'absence de tels accords, sur des règles souples que le Conseil pourrait édicter. Cette voie apparaît comme la procédure la plus adaptée à un domaine rapidement évolutif.
 
Enfin, il conviendrait que la loi prévoie des dérogations en faveur des services affichant clairement un choix éditorial exclusif ou très largement orienté vers des oeuvres émanant de certains pays.
 

d) - Sur l'extension aux SMAd d'autres articles de la loi du 30 septembre 1986
 
Le Conseil souhaite vivement que l'article 17-1 de la loi de 1986 soit rendu applicable aux SMAd. Des difficultés sont en effet d'o res et déjà apparues pour la distribution de certains services de télévision de rattrapage, notamment du service public. Il est donc important que le Conseil puisse trancher les litiges entre éditeurs et distributeurs de SMAd, afin que ceux-ci bénéficient de la procédure souple, rapide et efficace de règlement des différends prévue par l'article 17-1 pour les services de radio et de télévision.
 
Pour les mêmes raisons, il paraît essentiel que l'article 41-4 de la loi de 1986 soit applicable aux SMAd afin de permettre une collaboration efficace entre le Conseil supérieur de l'a udiovisuel et le Conseil de la concurrence dans la régulation de ce secteur en plein essor.

B - Sur les autres modifications de la loi du 30 septembre 1986
 
1°) Le projet de loi prévoit que les coûts relatifs à l'audio description des oeuvres (adaptation de l'oeuvre aux malvoyants) peuvent être pris en compte dans la contribution à la production audiovisuelle (modification des articles 27 et 33 de la loi de 1986).
 
Dans le même esprit, et afin de favoriser l'accessibilité des programmes aux personnes sourdes ou malentendantes, le Conseil estime que le projet de loi devrait également  comporter une disposition permettant la prise en compte d'une partie des coûts relatifs à l'accessibilité des programmes aux personnes sourdes ou malentendantes dans cette contribution. Il souhaite par ailleurs une disposition imposant que le sous-titrage adapté d'un programme - lorsqu'il a été effectué - soit inclus lors de la cession ultérieure de celui-ci à tout autre éditeur, ainsi qu'il le prévoit désormais dans les nouvelles conventions conclues avec les éditeurs.
 
2°) Le Conseil approuve les nouvelles compétences que le projet de loi du Gouvernement lui confie s'agissant des règles relatives, d'une part, à l'accès des services de télévision aux courts extraits d'événements d'un grand intérêt pour le public et, d'autre part, au placement de produits.
 
En effet, la fixation par le Conseil des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires permettant aux éditeurs des services de télévision d'accéder à de brefs extraits d'événements d'un grand intérêt pour le public dont les droits exclusifs de retransmission sont détenus par un autre éditeur se place dans la suite logique de la réflexion que le Conseil a largement engagée s'agissant du droit à l'information en matière sportive et de l'a ccord interprofessionnel qu'il envisage d'élaborer. Le Conseil souhaite toutefois que le projet de loi précise qu'il lui revient de fixer la liste des événements d'un grand intérêt pour le public.

III - Sur les autres dispositions
 

1°) Sur le régime d'interruption publicitaire des oeuvres
 
Le projet de loi prévoit d'autoriser une seconde interruption publicitaire des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques.
 
Le Conseil considère que cette mesure permettra d'améliorer la situation financière des éditeurs privés, ce qui est favorable au développement de la création audiovisuelle. En outre, cette seconde coupure publicitaire constituera, pour les téléspectateurs, un élément fort de différenciation entre les télévisions privés et les chaînes publiques, ces dernières ne pouvant procéder à aucune interruption. 
 
Toutefois, le Conseil souligne à nouveau la nécessité de garantir le niveau du financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel. Il souhaite par ailleurs que les pouvoirs publics veillent à ce que l'ensemble des éditeurs privés, quel que soit leur mode de diffusion, dispose, dans des proportions équitables, de ces ressources publicitaires nouvelles.
 
Concernant l'article 73 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil approuve la suppression de la référence à la notion de financement faisant appel à une rémunération de la part des usagers pour la remplacer par une référence à la nature du service permettant ainsi, pour les services de télévision privés, de restreindre la portée de l'interdiction de l'interruption publicitaire d'une oeuvre cinématographique aux seuls services de télévision de cinéma, sans affecter les autres services soumis à abonnement distribués par le câble, le satellite, l'ADSL ou encore la télévision mobile personnelle (TMP).

2°)  Sur les comités techniques régionaux du Conseil
 
Le Conseil est favorable à l'extension des pouvoirs dévolus à ses comités techniques régionaux, qui permettra une régulation plus efficace des services locaux audiovisuels. Le décret d'a pplication de cette disposition devra prévoir la possibilité d'un recours devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il pourrait par ailleurs être utile d'expérimenter ce nouveau dispositif dans le domaine des radios avant de l'étendre aux télévisions locales.
 
Fait à Paris, le 7 octobre 2008
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Le Président
Michel Boyon
 

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