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Texte juridique

Avis du 21 juin 2005 sur le projet de décret relatif aux décrochages locaux exceptionnels

Publié le

Saisi pour avis d'un projet de décret définissant les conditions des décrochages locaux exceptionnels des services de télévision à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre, pris pour l'application du 12° de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, formule les observations suivantes.
 
En premier lieu, le CSA regrette que, contrairement à la pratique observée pour les autres projets de décrets pris en application de la loi du 9 juillet 2004, le Gouvernement n'ait pas procédé à une consultation publique préalable sur ce texte, qui est pourtant susceptible de concerner un grand nombre d'opérateurs.
 
Sans être hostile au développement des décrochages locaux des télévisions hertziennes privées à vocation nationale, qui participent du pluralisme, le Conseil estime que la rédaction actuelle du projet de décret suscite des interrogations quant à sa compatibilité avec les termes de la loi.
 
Ce projet de décret a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles les chaînes hertziennes privées diffusées en clair sur l'ensemble du territoire national peuvent procéder à des "décrochages locaux exceptionnels" comportant des messages publicitaires nationaux.
 
Au 4e alinéa de l'article 2, ces décrochages locaux exceptionnels sont limités à quatre par an et par zone mais cette limitation est immédiatement contredite par la suite de l'alinéa qui ajoute "sauf lorsqu'ils se rapportent à une compétition sportive saisonnière et que leur programmation intervient entre 23 heures et 8 heures du matin", sans condition de fréquence.
 
Du fait de cet ajout, le CSA estime que la rédaction retenue dans le projet de décret ne correspond pas à l'intention du législateur.
 
Cette rédaction, notamment par sa référence à la saison sportive, ouvre de larges possibilités de décrochages, qui ne sont que formellement contrebalancées par le critère tenant à la "grande importance" de l'événement pour le public local et par la nécessité d'une autorisation délivrée par le CSA.
 
En effet, en matière sportive, le CSA ne sera pas en mesure, à la date à laquelle il statuera, d'apprécier l'importance de l'événement pour le public local. Il serait donc contraint, si le décret était maintenu en l'état, de prendre la même décision pour tous les décrochages liés à une saison sportive et disposerait ainsi d'une marge de manoeuvre extrêmement réduite en la matière.
 
Ainsi, les décrochages locaux liés à des compétitions sportives saisonnières, loin d'être exceptionnels, risqueraient au contraire d'être réguliers. Le projet de décret ne posant pas de limitations sur la nature de la discipline sportive, le risque de régularité de ces décrochages serait accentué par la possibilité de diffuser des compétitions sportives liées à tout type de sport.
 
Par ailleurs, le CSA relève qu'à l'occasion de l'examen de la loi du 9 juillet 2004, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'insertion de publicités nationales au sein des décrochages locaux exceptionnels et a précisé, dans sa décision n°2004-497 DC du 1er juillet 2004, les conditions permettant de considérer que cette disposition ne portait pas atteinte au pluralisme :
 

"Considérant que les "décrochages locaux", qui ne pourront être qu'exceptionnels et devront être autorisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ne pourront comporter de messages publicitaires que si ces derniers sont "diffusés sur l'ensemble du territoire national" ; que, dès lors, les dispositions critiquées n'auront pas pour conséquence de mettre en cause les ressources publicitaires des médias locaux d'une manière telle qu'il serait porté atteinte aux conditions pluralistes d'exercice de la liberté de communication".
 
A cet égard, le CSA observe que s'ils n'étaient pas exceptionnels, les décrochages comprenant des publicités nationales pourraient risquer de mettre en cause les ressources publicitaires des médias locaux d'une manière telle que le pluralisme en serait menacé.
 
Le respect du pluralisme, principe constitutionnel rappelé à l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et qui doit guider les interventions des pouvoirs publics dans le secteur audiovisuel, suppose en effet de privilégier les mesures propres à garantir  la viabilité économique de différents médias.
 
Pour l'ensemble de ces motifs, le CSA émet un avis défavorable sur le projet de décret qui lui a été soumis, en tant qu'il prévoit pour les programmes se rapportant à une compétition sportive saisonnière un régime spécifique, autorisant de facto et sans limitation des décrochages locaux comportant des messages publicitaires nationaux.
 
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.