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Texte juridique

Avis du 15 juillet 2009 sur le projet de décret modifiant le régime de contribution à la production audiovisuelle des chaînes hertziennes analogiques

Publié le

Avis n° 2009-8 du 15 juillet 2009 relatif au projet de décret modifiant le régime de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique

Saisi pour avis par le Gouvernement, en application des articles 9 et 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, du projet de décret modifiant le régime de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré en assemblée plénière le 15 juillet 2009, émet l'avis suivant.

I. Observations générales
 
Dans son avis du 9 mai 2001 sur le projet de décret n° 2001-609, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait préconisé que le pouvoir réglementaire laisse plus de champ à la conclusion d'accords interprofessionnels entre éditeurs de services et producteurs, considérant que le décret aurait pu définir des obligations générales tout en laissant la fixation de leurs modalités d'application aux négociations interprofessionnelles.
 
Le Conseil constate que c'est cette démarche que les pouvoirs publics ont suivie, en n'imposant pas la réglementation, mais plutôt en fixant le cadre de celle-ci en transposant les accords signés à la fin de l'année 2008 par des professionnels du secteur de l'audiovisuel.
 
Le Conseil regrette cependant que les accords n'aient pas été conclus à l'issue de négociations interprofessionnelles regroupant tous les acteurs, mais aient été négociés de manière bilatérale. Certains d'entre eux ont d'ailleurs manifesté leur mécontentement à ce sujet lors des auditions qu'il a organisées avec tous les professionnels du secteur (éditeurs de services, producteurs, distributeurs mais aussi auteurs).
 
Le Conseil relève par ailleurs que le projet de décret entérine la baisse globale des taux des obligations d'investissement dans la production d'oeuvres audiovisuelles. Il comprend cependant que celle-ci s'inscrit dans un contexte économique difficile qui touche notamment les éditeurs de services dits « historiques » concernés par le texte ; ces éditeurs étant les moteurs financiers du marché de la production audiovisuelle, leur santé économique a un impact conséquent sur la vigueur du secteur de la production et de la distribution.
 
De même, pour le Conseil, si la croissance des groupes audiovisuels est une condition nécessaire au développement de l'e nsemble de la filière, il est néanmoins indispensable qu'existe un secteur de la production et de la distribution indépendantes fort et diversifié qui puisse assurer la circulation et le rayonnement, tant national qu'international, des oeuvres audiovisuelles.
 
Le Conseil estime que le projet de décret répond à ces deux exigences, d'une part en tenant compte de l'existence des impératifs économiques des grands groupes audiovisuels, d'autre part en maintenant des instruments destinés à préserver la production et la distribution indépendantes.
 
Pour conclure, le Conseil note que si la logique de la transcription de l'ensemble des accords aboutit nécessairement à un projet de décret fixant des obligations a minima, retenant les dispositions de chaque accord les plus favorables aux éditeurs de services, il usera néanmoins de son pouvoir de régulateur pour l'i nscription dans les conventions d'engagements satisfaisants pour l'équilibre du secteur.

II. Avis sur les dispositions proposées
 

Assiette de calcul des obligations et télévision de rattrapage
 
Il conviendrait que l'assiette de calcul des obligations audiovisuelles intègre explicitement les recettes issues de l'e xploitation de la télévision de rattrapage, contrepartie essentielle pour les producteurs à la cession des droits de diffusion sur ce mode d'exploitation.
 

Les dépenses prises en compte au titre des obligations de production
 
Le Conseil note que le projet de décret offre aux éditeurs de services la possibilité, inscrite dans les accords, de valoriser des dépenses qui n'entraient pas auparavant dans celles retenues au titre de leur contribution au développement de la production audiovisuelle : sommes consacrées à l'adaptation aux personnes aveugles ou malvoyantes des oeuvres déclarées, à la formation des auteurs, au financement de festivals consacrés aux oeuvres et à la promotion des oeuvres, sous réserve que celle-ci ne s'effectue pas sur les services de télévision de l'éditeur ou de ses filiales.
 
Certes, ces dépenses ne correspondent pas à des investissements directs dans la production d'oeuvres audiovisuelles, mais leur prise en compte constitue des mesures incitatives intéressantes permettant d'optimiser la valeur des oeuvres.
 
En revanche, il souhaiterait que les dépenses consacrées à la promotion des oeuvres soient définies et qu'elles soient limitées à la promotion destinée à faire connaître les oeuvres au public, telles que l'organisation de projections de presse, l'achat d'e space en presse ou de campagne d'affichage.
 

La bonification de certaines des dépenses prises en compte au titre de la contribution à la production audiovisuelle
 
Le Conseil prend note de la possibilité de valoriser, en les affectant d'un coefficient multiplicateur, les dépenses consacrées aux commandes d'écriture et de développement (lorsqu'elles sont versées aux auteurs et qu'elles ne donnent pas lieu à la mise en production) et à la production de pilotes de séries (dont les caractéristiques et les conditions de production seront fixées par arrêté du ministre chargé de la culture).
 
Le Conseil partage les objectifs de cette mesure, dont il espère qu'elle contribuera au renouvellement de la création audiovisuelle d'expression originale française, et est favorable à la mise en oeuvre de mécanismes incitant les éditeurs de services à prendre des risques en faveur de projets innovants.
 
Néanmoins, il émet des doutes quant à l'impact de la valorisation affectée d'un coefficient multiplicateur des dépenses consacrées aux commandes d'écriture et de développement lorsqu'elles ne donnent pas lieu à la mise en production, craignant les effets pervers d'une « prime à l'échec » qui constituerait un encouragement à ne pas produire.
 
En conséquence, le Conseil propose de supprimer la survalorisation de ces dernières dépenses. Il rappelle que toutes les dépenses de conventions d'écriture et de développement déclarées par les éditeurs de services étaient déjà prises en compte dans le précédent décret, et sont toujours, dans ce projet de décret, retenues au titre de leur contribution, que le projet soit suivi ou non d'une mise en production.
 

La diffusion de programmes inédits en première partie de soirée
 
L'obligation pour les éditeurs de services de diffuser un minimum annuel de 120 heures d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'e xpression originale française inédites en première partie de soirée a toujours été, pour les producteurs, un point capital de la réglementation.
 
Le Conseil note que le projet de décret autorise les éditeurs de service à prendre en compte, à hauteur de 25 % de ce volume annuel, des oeuvres en rediffusion. Dans ces conditions, il regrette que cette notion d'oeuvres inédites soit définie, dans le projet de décret, comme des oeuvres n'ayant pas été diffusées précédemment sur le service, et non pas comme des oeuvres n'ayant été diffusées par aucun des éditeurs visés par ce projet de décret. En effet, le Conseil estime important le maintien du dispositif dit des « 120 heures » qui, visant à garantir une meilleure exposition de la création audiovisuelle inédite, impose implicitement un minimum d'investissement par les éditeurs de services dans la production inédite.
 

La mutualisation
 
S'agissant de la possibilité de mutualiser les obligations des différents services d'un même groupe audiovisuel, le Conseil estime nécessaire que les obligations applicables soient précisées dans le décret, sachant que ces services sont diffusés sur différents supports (hertzien analogique, hertzien numérique, câble, satellite, internet…).
 
Par ailleurs, en raison de la date de publication du décret postérieure au 1er juillet, une mesure transitoire pour l'année 2009 sera indispensable pour la mise en oeuvre de ce dispositif.
 

Le soutien à la production indépendante
 
Le Conseil prend acte de l'allègement des critères d'i ndépendance, recentrés sur l'absence de détention de parts producteur par l'éditeur de service et l'indépendance capitalistique réciproque de l'éditeur et du producteur.
 
Le Conseil note cependant que les critères relatifs à l'i ndépendance capitalistique qui figurent aux articles 4 et 8 du projet de décret (modifiant respectivement le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 et le décret n° 2001-1332 du 28 décembre 2001) ne sont pas similaires, ni conformes aux termes de l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, modifiée le 5 mars 2009. Il suggère la reprise des critères définis par la loi.
 

Le droit à recettes
 
L'inscription d'un droit à recettes pour l'éditeur de service, lorsque celui-ci a financé une part substantielle du coût total de l'oeuvre, est la reconnaissance de la participation importante de ces éditeurs à l'économie du système.
 
Cette mesure devrait avoir des effets vertueux, car elle est susceptible d'inciter les éditeurs de services à augmenter leurs investissements dans les genres qu'ils financent le moins, comme l'animation. En outre, des effets positifs de cette mesure sont attendus en termes de circulation des oeuvres, dans la mesure où ces éditeurs seront intéressés à l'exploitation de l'o euvre.

III. Dispositions proposées par le Conseil
 

La garantie d'investissements en production inédite
 
Le Conseil regrette la disparition, dans le projet de décret, d'u ne obligation spécifique d'investissement dans la production inédite, qui est pourtant au coeur de la création audiovisuelle. Cette disparition est d'autant plus dommageable que le décret entérine déjà une baisse des obligations et permet la prise en compte de nouvelles dépenses.
 
Le Conseil demande donc que soit inscrite dans le projet de décret la fixation d'une obligation de production inédite. Le taux de cette obligation serait à négocier par le Conseil au sein des conventions des éditeurs de services hertziens analogiques.
 

L'amélioration de la circulation des oeuvres
 
Le Conseil a toujours insisté sur la nécessité d'une meilleure circulation des oeuvres : il est primordial, pour le bon équilibre du secteur, que le second marché des oeuvres audiovisuelles soit aussi fluide que possible.
 
En effet, il convient de noter que les capacités financières des chaînes dites de complément étant encore faibles, leur investissement dans la production inédite est limité. Il leur est alors indispensable d'avoir recours aux achats pour respecter leurs obligations tant en matière de quotas de diffusion que de quotas de production.
 
La fluidité dans l'approvisionnement en oeuvres audiovisuelles est donc une condition nécessaire à la qualité et au renouvellement des grilles de ces éditeurs de services qui, sans un accès étendu aux catalogues, n'auraient comme seule solution pour respecter leurs quotas de diffusion que la rediffusion massive des oeuvres déjà acquises, ce qui serait peu attractif pour le téléspectateur.
 
En outre, le produit des ventes de programmes sur le second marché permet aux producteurs concernés de réinvestir les revenus dégagés dans la production d'oeuvres audiovisuelles inédites et ainsi de participer au renouvellement de la création.
 
Ainsi, le Conseil propose l'inscription dans le décret des deux mesures suivantes :
 

- L'inscription obligatoire dans les conventions de l'étendue des droits cédés
 
Le projet de décret donne la possibilité au Conseil d'inscrire, dans les conventions, l'étendue des droits cédés négociée dans les accords. Le Conseil souhaite que l'inscription de cette disposition dans les conventions soit obligatoire.
 

- La clause de fin anticipée des droits
 
Une des mesures susceptibles de favoriser la circulation des oeuvres audiovisuelles serait l'inscription dans le projet de décret d'une clause de fin anticipée des droits de diffusion à l'i ssue de la dernière diffusion effective. Le Conseil réaffirme son souhait de voir cette mesure mise en oeuvre.
 

La définition des ressources des chaînes cryptées
 
Pour les services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique faisant appel à une rémunération de la part des usagers, le Conseil suggère de modifier la définition des ressources totales nettes servant de base de calcul des obligations d'investissement dans la production d'oeuvres audiovisuelles. La modification proposée permettra de prendre en compte l'ensemble des recettes issues des différentes formes de communication commerciale audiovisuelle.
 

Le périmètre des oeuvres patrimoniales
 
Le Conseil souhaite que soit introduite, dans la définition du périmètre des oeuvres audiovisuelles patrimoniales, après les termes « spectacles vivants », une disposition comparable à celle qui étend la prise en compte des documentaires de création. Cette mesure permettrait de retenir au sein des investissements contribuant au développement de la production audiovisuelle les séquences artistiques, comparables à des spectacles vivants, insérées dans des émissions de plateau, sous réserve que ces dernières aient bénéficié du soutien du Centre national de la cinématographie au titre des magazines d'intérêt culturel.
 

Pour la mise en oeuvre des remarques ci-dessus, le Conseil propose les modifications rédactionnelles contenues dans l'annexe (à télécharger ci-dessus).
 

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