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Texte juridique

Avis du 11 juillet 2006 sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur

Publié le

Avis n° 2006-4 du 11 juillet 2006 sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur
 
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel exprime son plein accord avec les objectifs poursuivis par le gouvernement à travers le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, notamment en ce qu'il comporte un dispositif plus réaliste que celui prévu par la loi du 9 juillet 2004 pour l'extinction de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique et en ce qu'il traduit la volonté de favoriser l'émergence de nouveaux développements pour la télévision numérique.
 
L'avis du CSA porte sur les modalités prévues pour l'extinction de la diffusion analogique, le développement de la télévision numérique et le déploiement de la télévision du futur.
 
L'élaboration de cet avis a été principalement guidée par le souci du respect du pluralisme, principe de valeur constitutionnelle qui s'impose tant au législateur qu'à l'instance de régulation, et qui suppose notamment que soient recherchés tout à la fois la diversification des opérateurs et le développement de modes de diffusion propres à accroître l'offre télévisuelle proposée aux téléspectateurs ; un équilibre doit donc être trouvé afin que les mesures tendant à favoriser le développement de la TNT n'aboutissent pas à renforcer la position des acteurs les plus puissants.

I - L'EXTINCTION DE L'ANALOGIQUE

A/ L'importance des avantages accordés aux chaînes nationales analogiques
 
Le CSA ne sous-estime pas la complexité de l'opération de migration vers le numérique et adhère donc au principe selon lequel des mesures incitatives doivent accompagner cette transition ; toutefois, il s'interroge sur la proportionnalité des avantages ainsi prévus en faveur des chaînes nationales analogiques, qui sont par ailleurs sans commune mesure avec ceux prévus en faveur des télévisions locales analogiques existantes.
 
En effet, l'attribution des fréquences après appel aux candidatures est l'un des principes fondamentaux du droit de l'audiovisuel, qui trouve sa justification non seulement dans l'appartenance des fréquences radioélectriques au domaine public de l'Etat mais surtout dans le respect des principes constitutionnels de pluralisme et d'égalité de traitement, qui supposent que les autorisations soient délivrées à l'issue d'un appel aux candidatures et pour une durée limitée.
 
Lors de l'examen de la loi du 1er février 1994 instaurant la "reconduction simplifiée" des autorisations (article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986), le Conseil constitutionnel n'avait d'ailleurs validé cette disposition qu'en raison des garanties dont elle était entourée, notamment la durée limitée de la reconduction ainsi accordée (à l'époque, deux fois cinq ans, réduite à une fois cinq ans par la loi du 1er août 2000), les possibilités de non-reconduction offertes au CSA et la nécessaire négociation d'une nouvelle convention à chaque reconduction.
 
Enfin, le CSA observe que l'affectation de nouvelles ressources radioélectriques aux éditeurs de télévision, qui viendraient s'ajouter aux importants besoins liés au développement de la télévision numérique personnelle et de la haute définition, rend indispensable l'affectation à l'audiovisuel de l'essentiel du spectre des fréquences libéré par l'arrêt de l'analogique.

- Les prorogations d'autorisations
 
L'article 4 du projet de loi accorde de plein droit aux chaînes nationales analogiques une prorogation de cinq ans de leur autorisation, qui est susceptible d'être encore prolongée pour une durée maximale de dix ans, en application des articles 2 et 6 du projet de loi, si les éditeurs de ces chaînes prennent des engagements complémentaires de couverture du territoire et s'ils acceptent une abrogation anticipée de leur autorisation analogique dans certaines zones.
 
Alors que la loi du 1er août 2000 a déjà prévu en leur faveur le bénéfice d'une prorogation de cinq ans de leur autorisation en contrepartie de leur migration vers le numérique, les avantages ainsi consentis pourraient ainsi aboutir à reporter à une date extrêmement éloignée l'organisation d'un appel aux candidatures pour l'usage des fréquences attribuées à ces services, ainsi que la renégociation globale des conventions de ces chaînes.
 
Le CSA observe notamment que le cumul des prorogations possibles est susceptible d'aboutir à repousser le terme des autorisations des chaînes gratuites jusqu'en 2027, soit au delà des échéances des autorisations des autres chaînes gratuites de la TNT.
 
Par ailleurs, si le projet de loi était adopté en l'état, ces échéances pourraient être atteintes alors que la dernière mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 28-1, et notamment la renégociation globale des conventions, date de 2000 pour Canal+ et de 2002 pour TF1 et M6. Or, le maintien de la même convention pendant vingt-cinq ans ne permettrait pas la nécessaire adaptation des obligations des chaînes aux évolutions de leur environnement.
 
C'est pourquoi le CSA suggère de modifier ce dispositif sur deux points.
 
En premier lieu, s'il comprend que le terme actuellement prévu pour les autorisations de Canal+, TF1 et M6, c'est-à-dire entre le 5 décembre 2010 et le 15 avril 2012, puisse être opportunément repoussé afin d'être mieux adapté au calendrier d'extinction de l'analogique, il considère que la prorogation de cinq ans prévue à l'article 4 est excessive.
 
Pour sa part, il serait favorable à un dispositif, proche de celui prévu à l'article 138 de la loi du 9 juillet 2004 en faveur des services de radio en modulation de fréquence, qui lui permettrait, en tant que de besoin, de proroger les autorisations de ces services pour une durée qui n'excéderait pas deux ou trois ans.
 
En second lieu, il propose de substituer au dispositif prévu à l'article 6 (prorogation des autorisations en cas de cessation anticipée de la diffusion analogique), le droit à une nouvelle "reconduction simplifiée" de cinq ans, qui interviendrait après l'extinction totale de l'analogique, en faveur des éditeurs des services pour lesquels cette extinction se serait déroulée de manière satisfaisante.

- La chaîne supplémentaire
 
L'article 12 du projet de loi prévoit l'attribution aux groupes qui contrôlent les chaînes nationales analogiques privées (TF1, Canal+ et M6) d'un service supplémentaire, à l'extinction de l'analogique.
 
Le gouvernement entend favoriser, au travers de cette mesure de compensation, un élargissement de l'offre, notamment de chaînes gratuites de la TNT ainsi que le développement de la production audiovisuelle, en particulier dans le domaine de la fiction.
 
Le CSA appelle cependant  l'attention du gouvernement sur les inconvénients du dispositif envisagé :
- la liberté laissée aux éditeurs concernés de choisir sans contrainte le format éditorial de ce service supplémentaire risque de perturber l'équilibre global de l'offre de la TNT, notamment au regard de l'impératif de pluralisme des contenus ;
- le renforcement de la position des acteurs historiques de l'analogique pourrait fragiliser la situation économique des nouveaux entrants et provoquer ainsi des effets induits de concentration sur le marché de la télévision gratuite.

Toutefois si, en dépit des inconvénients mentionnés ci-dessus, cette mesure devait être maintenue, le CSA souhaite que l'exercice de ce droit soit précisément encadré, grâce à la mise en place des mesures complémentaires suivantes :
- le service "Canal+" devrait être exclu du bénéfice de cette mesure, puisque l'échéance de son autorisation est antérieure de près d'un an à la date retenue par le gouvernement pour l'arrêt de la diffusion analogique ;
- le CSA devrait pouvoir rejeter un projet présenté par un éditeur si ce projet risque de porter atteinte au pluralisme ou en raison de la nécessité de préserver les équilibres des marchés de la publicité ;
- le dispositif anti-concentration devrait être aménagé afin de limiter le nombre de services gratuits susceptibles d'être contrôlés par une même personne, en tenant compte de l'élargissement de l'univers numérique à l'extinction de l'analogique.

B/ Le dispositif retenu
 
Le titre I du projet de loi vise à organiser la transition de la diffusion hertzienne terrestre des services de télévision en mode analogique vers une diffusion exclusivement numérique.
 
Il organise notamment l'extinction de la diffusion analogique, selon un dispositif qui se substitue à l'article 127 de la loi du 9 juillet 2004, lequel est abrogé (article 13 du projet de loi).
 
Dans son principe, le nouveau dispositif apparaît beaucoup plus adapté aux nécessités de cette extinction. Plusieurs dispositions appellent des observations de la part du CSA.
 

- L'extinction générale et la gestion des fréquences
 
L'article 4 du projet de loi fixe au 30 novembre 2011 la date limite d'extinction de l'analogique. Il en confie la mise en oeuvre au CSA, "dans le cadre des orientations déterminées par un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et du basculement vers le numérique approuvé par arrêté du Premier ministre".
 
Le CSA souhaiterait, à cet égard, que le contenu de ce schéma national soit précisé dans la loi ; en outre, compte tenu des enjeux en cause, il estime que ce schéma devrait être approuvé par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du CSA.
 
L'article 7 complète l'article 21 de la loi du 30 septembre 1986, aux termes duquel il appartient au Premier ministre de définir l'usage des fréquences radioélectriques, en prévoyant que celui-ci procède à la réaffectation des fréquences analogiques libérées, après consultation publique.
 
La mise en oeuvre de cet article risque d'entraîner d'importantes difficultés de gestion du spectre. S'il était maintenu, il serait notamment nécessaire d'exclure de cette procédure les fréquences analogiques qui se trouveraient libérées soit à l'expiration d'une autorisation temporaire, soit dans le cadre de réaménagements de fréquences, notamment lors des opérations prévues à l'article 3 du projet de loi ; il conviendrait en outre que la consultation publique prévue soit complétée par un avis du CSA. Le Conseil s'interroge donc sur l'intérêt qui s'attacherait à prévoir, en lieu et place de cette disposition, que la réaffectation des fréquences analogiques libérées soit traitée dans le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique.
 
Le CSA estime en outre que le dispositif d'extinction de l'analogique ainsi prévu pourrait être complété par une disposition prévoyant qu'aucun nouvel appel aux candidatures ne sera lancé par le CSA, sur le fondement de l'article 30 de la loi de 1986, à compter de la promulgation de la nouvelle loi.
 
Il appelle par ailleurs l'attention du gouvernement sur la nécessité de modifier l'article 62 de la loi du 30 septembre 1986, qui impose à TF1 "de faire assurer la diffusion des programmes de la société dans la totalité de la zone desservie à la date de publication de la présente loi, compte tenu des travaux programmés ou engagés pour résorber les zones d'ombre". Il semble en effet ressortir de ces dispositions que la chaîne doit diffuser ses programmes par voie hertzienne terrestre dans la totalité des zones desservies au 1er octobre 1986, ce qui semble excessif au regard de la couverture prévue pour le déploiement de la TNT et pourrait faire obstacle à ce que TF1 renonce à la diffusion hertzienne dans les zones desservant une  population peu nombreuse et équipée pour la réception satellitaire.
 
De même, il conviendra que le gouvernement organise l'extinction de la diffusion de TMC en analogique en région PACA, autorisée par l'accord interétatique du 15 mars 2002.
 
Enfin, le Conseil estime que le calendrier d'extinction prévu aux articles 4 et 5 du projet de loi devrait être adapté pour l'outre-mer, où le déploiement de la TNT n'a pas encore commencé ; il conviendrait notamment que les dates d'extinction de l'analogique soient aménagées en fonction du calendrier de déploiement de la TNT dans chacun des départements ou collectivités concernés.
 

- L'extinction anticipée de l'analogique, à la demande du CSA
 
Le CSA approuve le dispositif, prévu à l'article 3, lui permettant de procéder à des extinctions anticipées d'autorisations, dans les zones où ces extinctions seront nécessaires au déploiement de la TNT.
 
Il estime néanmoins que le critère tenant à l'impossibilité de reprendre "l'ensemble des services de télévision préalablement autorisés par application des articles 26 et 30-1" de la loi de 1986 est excessif et que ce dispositif devrait pouvoir être mis en oeuvre dès lors que la ressource radioélectrique disponible dans une zone ne permet pas la diffusion des services mentionnés au second alinéa de l'article 30-4 de la loi de 1986 (simulcast des chaînes analogiques et chaînes gratuites de la TNT).
 
En outre, il considère que le même dispositif devrait être prévu pour les zones où une diffusion satellitaire apparaîtrait comme la plus adaptée.
 
Enfin, il souhaiterait qu'il soit mieux précisé que certaines opérations pourront nécessiter l'extinction anticipée d'autorisations analogiques dans une zone, en vue d'améliorer la réception numérique dans une autre zone. 

- L'extinction négociée
 
L'article 6 permet la cessation anticipée de la diffusion analogique, avec l'accord des éditeurs et en contrepartie d'une prorogation de leur autorisation, dans la limite de cinq ans.
 
Le CSA observe que ce dispositif ne pourra être mis en oeuvre que sur une courte période, compte tenu des délais inhérents à la planification des fréquences et de la date prévue pour l'extinction générale, soit à compter du 30 novembre 2009.
 
Il estime que cette disposition devrait être assortie de garanties à l'égard des téléspectateurs, à l'instar de ce qui est prévu aux articles 3 et 5 (réception du service en numérique dans la zone et, s'agissant de l'article 5, taux d'équipement des foyers).
 

- La distinction des autorisations analogiques et numériques
 
L'article 1er prévoit une distinction des parties analogique et numérique des autorisations délivrées aux chaînes diffusées en simulcast. Dans la mesure où le bénéfice effectif du simulcast est subordonné au respect des articles 1er, 3-1 et 26 de la loi, il serait souhaitable que cet article n'évoque pas un "droit à la reprise intégrale et simultanée en mode numérique", mais plutôt une priorité. En outre, il conviendrait, à la dernière phrase, de préciser que l'autorisation numérique se substitue à l'autorisation analogique "à l'extinction complète de la diffusion analogique du service".
 

- La prorogation des autorisations des chaînes analogiques
 
Le 3ème alinéa de l'article 4 du projet de loi prévoit la prorogation des autorisations numériques délivrées aux chaînes nationales "historiques" (TF1, Canal+ et M6) pour une durée de cinq ans et en tout état de cause jusqu'au 31 mars 2015.
 
Les observations du CSA sur le principe de cette prorogation ont été formulées supra. S'agissant de la rédaction retenue, le CSA estime souhaitable que soit supprimée la mention selon laquelle le terme des autorisations est prorogé de cinq ans, "sans pouvoir être antérieur au 31 mars 2015". En effet, la prorogation de cinq ans des autorisations de ces chaînes, découlant de l'article 82 de la loi du 1er août 2000, aboutit à fixer leur terme au 5 décembre 2010 pour Canal+, au 29 février 2012 pour M6 et au 15 avril 2012 pour TF1. La nouvelle prorogation de cinq ans prévue à l'article 4 du projet de loi prolongerait donc automatiquement ces autorisations au-delà du 31 mars 2015.
 
Il serait par ailleurs souhaitable de lever une ambiguïté dans la rédaction de cet alinéa, afin d'en exclure clairement TMC, chaîne diffusée localement en analogique avant d'être autorisée comme chaîne nationale en numérique.
 
S'agissant des chaînes locales, le 4ème alinéa de l'article 4 prévoit la prorogation de leurs autorisations jusqu'au 31 mars 2015, lorsque le terme de leur autorisation en cours est antérieur à cette date ; cette disposition apparaît de nature à créer une inégalité de traitement entre les télévisions locales, compte tenu de la disparité de leur situation en termes de durée d'autorisation.
 
En tout état de cause, il serait souhaitable, dans cet alinéa, de substituer à l'expression "autorisation analogique initiale", qui fait référence à la première autorisation délivrée, l'expression "autorisation analogique en cours".
 

II - LE DEVELOPPEMENT DU NUMERIQUE
 

A/ L'extension de la couverture territoriale numérique
 
L'article 2 prévoit un mécanisme d'incitation des éditeurs de services nationaux de la TNT à étendre leur couverture territoriale, en contrepartie d'une prorogation de la durée de leur autorisation, dans la limite de cinq ans.
 
Le CSA estime ce dispositif approprié.
 

B/ Le "service antenne" par satellite
 
L'article 11 prévoit un "service antenne" par satellite, qui garantira l'accès aux chaînes nationales "historiques" dans les zones où la réception de ces chaînes par voie hertzienne terrestre en mode numérique sera impossible ou d'un coût excessif. Le dispositif proposé suscite toutefois trois interrogations de la part du CSA :
- il prévoit la reprise par satellite des seules chaînes précédemment diffusées en mode analogique, alors qu'il semble nécessaire de garantir à l'ensemble des téléspectateurs l'accès à toutes les chaînes nationales en clair de la TNT ;
- il n'apparaît pas imposer aux chaînes concernées d'être diffusées sur les deux plates-formes satellitaires (Eutelsat et Astra) utilisées pour la réception en France métropolitaine des bouquets  des deux  principaux  distributeurs (CanalSatellite et TPS) ; or, il convient que les téléspectateurs concernés puissent avoir accès à l'ensemble de ces chaînes, sans être tenus de s'équiper d'une antenne parabolique à double tête ou motorisée ;
- enfin, le CSA relève qu'il est prévu que cette offre "propose ces chaînes avec la même numérotation que celle applicable lors de la diffusion par voie hertzienne terrestre", alors que la loi n'impose une telle obligation ni aux câblo-opérateurs, y compris dans le cadre du "service antenne" (1), ni aux distributeurs commerciaux de la TNT (2) ; si le principe de cette obligation apparaît tout à fait pertinent, il conviendrait qu'il fasse l'objet d'une disposition générale, distincte de cet article.
 

C/ Le simulcast des chaînes locales
 
Deux dispositions du projet de loi apparaissent de nature à retarder la mise en oeuvre du simulcast des chaînes locales, à laquelle le CSA envisageait de procéder dans les prochains mois et en vue de laquelle il a engagé un processus de recomposition des multiplex permettant de dégager une place sur le multiplex R1 pour les télévisions locales.
 
En premier lieu, l'article 2 prévoit de rassembler les éditeurs ayant pris des engagements de couverture des mêmes zones, ce qui implique une recomposition des multiplex.
 
Cette disposition risque de vider de sa portée la faculté qui lui est offerte, à l'article 25 de la loi du 30 septembre 1986, de regrouper les chaînes gratuites, et ce d'autant plus que cette nouvelle disposition semble revêtir un caractère impératif ("les autorisations [...] sont modifiées").
 
En second lieu, le IX de l'article 18 ajoute à l'article 30-1 de la loi de 1986 un V qui modifie les conditions dans lesquelles les chaînes locales analogiques pourront migrer vers le numérique. La modification annoncée de ce dispositif dans le projet de loi risque de retarder sa mise en oeuvre.
 
Si cette disposition devait être maintenue, il conviendrait que sa rédaction soit améliorée sur trois points :
- l'expression "le cas échéant hors appel aux candidatures" semble source d'incertitude juridique ; s'il paraît souhaitable que le CSA puisse se dispenser d'appel aux candidatures, notamment lorsque n'existe aucun projet concurrent de celui de la chaîne existante, il conviendrait que la loi précise expressément les conditions requises pour une telle procédure ;
- il serait utile qu'il soit précisé que le droit à la reprise intégrale et simultanée concerne les services de télévision autorisés en analogique dans tout ou partie de la zone de diffusion prévue en numérique ;
- il conviendrait également de préciser que le seuil de 10 millions d'habitants s'apprécie au regard de la seule diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
 

III- LA TELEVISION DU FUTUR
 

A/ Les modalités de délivrance des autorisations
 
Le CSA relève que le projet de loi ne modifie pas le principe retenu à l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit la délivrance des autorisations par éditeur et non par distributeur (II de l'article 18). Cette approche lui semble la plus à même de garantir le pluralisme de l'offre de services, dans le contexte de rareté qui continuera de prévaloir jusqu'à l'extinction de l'analogique.
 
En conséquence, il s'interroge sur l'utilité d'une modification de cette procédure de sélection, en vue de permettre la diffusion de services de télévision numérique en HD et en réception mobile.
 
Il considère en effet que les critères généraux prévus à cet article auraient pu être adaptés par le CSA dans les appels aux candidatures, sans nécessiter une réforme législative, ce qui aurait permis d'engager sans délai le déploiement de ces services et de disposer de davantage de souplesse dans la sélection des projets.
 
Il estime donc que seules les mesures concernant le dispositif anticoncentration et la contribution supplémentaire au COSIP justifiaient une modification législative.
 
Le CSA se félicite à cet égard du choix fait par le gouvernement d'écarter le principe d'une redevance domaniale pour ces services au profit d'une augmentation de la contribution au COSIP (article 25 du projet de loi), qui s'inscrit dans l'approche retenue en France pour l'ensemble des services de radio et de télévision utilisant la voie hertzienne terrestre.
 

B/ La place réservée aux services autres que de télévision
 
Le CSA approuve le choix de réserver aux services de communication audiovisuelle autres que de télévision, dans des proportions déterminées par le CSA, une part de la ressource affectée à la télévision mobile personnelle (article 22).
 
Il observe toutefois que l'article 30-5 de la loi de 1986 permet déjà la diffusion de services de communication audiovisuelle autres que de radio et de télévision, selon une procédure qui doit être fixée par un décret qui n'a pas encore été publié.
 
S'agissant des services de radio, le CSA relève que cette disposition consacre le principe selon lequel toutes les fréquences numériques hertziennes peuvent recevoir cet usage.
 

C/ La priorité accordée aux services de la TNT
 
Le VIII de l'article 18 complète l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 afin de préciser les critères spécifiques de sélection pour la haute définition et la télévision mobile personnelle.
 
Dans les deux cas, il est prévu que le CSA "favorise la reprise des services préalablement autorisés par voie hertzienne terrestre en mode numérique".
 
Une telle priorité en faveur des services existants ne semble pas justifiée pour la télévision mobile personnelle, qui est de nature à permettre l'émergence de nouveaux formats adaptés à ses spécificités.
 

D/ Les services faisant l'objet de déclinaisons
 
Le IX de l'article 18 ajoute à l'article 30-1 de la loi de 1986 un VI qui prévoit l'articulation entre les différentes autorisations délivrées pour un même service. Le CSA estime que ce dispositif devrait être complété par une modification du 14° de l'article 28 de la loi de 1986, relatif aux déclinaisons des chaînes hertziennes.
 
En effet, cette disposition permet de soumettre à une seule convention un service de télévision et ses déclinaisons ; les obligations d'investissement dans la production sont alors mutualisées.
 
Toutefois, cet article prévoit que, pour bénéficier de ce régime, les déclinaisons "doivent s'effectuer selon un principe identique en ce qui concerne le recours ou non à une rémunération de la part des usagers".
 
Cette condition apparaît restreindre inutilement le bénéfice de cette disposition, dans la mesure où toute déclinaison sur le câble, le satellite ou les téléphones mobiles doit être considérée comme payante (3) ; elle fait notamment obstacle à ce que soit ainsi traitée l'adaptation, pour les téléphones mobiles, du programme d'une chaîne de télévision diffusée en clair par voie hertzienne terrestre. En conséquence, si cette déclinaison remplit les conditions pour être soumise aux obligations de production, celles-ci devront être appréciées séparément, alors même que les achats de droits auront été faits à la fois pour la chaîne principale et pour ses déclinaisons.
 
Il serait donc souhaitable de retirer cette condition et de préciser que le cadre juridique applicable à un service faisant l'objet de déclinaisons est celui applicable au programme principal, défini dans la convention conclue avec le CSA.
 

E/ L'interopérabilité
 
Le CSA observe que le dispositif ne comporte aucun encadrement des relations contractuelles entre les différents acteurs de la télévision mobile personnelle (éditeurs, distributeurs commerciaux, gestionnaires de multiplex, opérateurs de réseaux de téléphonie mobile, diffuseurs techniques, etc.).
 
Il souligne la nécessité d'un tel encadrement, qui pourrait avoir pour objet de garantir la mise en oeuvre de l'interopérabilité des plates-formes et des services et de permettre ainsi la réception des services de télévision mobile personnelle sur tous les terminaux concernés (4).
 

F/ La remise d'un rapport sur la télévision du futur
 
Le CSA estime que la date du 1er juillet 2007, prévue à l'article 27 du projet de loi pour la remise d'un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions relatives à la haute définition et aux services de télévision mobile personnelle est trop rapprochée pour que ce rapport puisse rendre compte du déploiement effectif de ces services ; il propose de retenir un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.
 
 
 
Le CSA observe que le projet de loi renvoie à plusieurs décrets en Conseil d'Etat, dont il conviendrait qu'ils soient adoptés après avis du CSA.
 
Le Conseil souhaite également que le projet de loi prévoie expressément que son avis soit recueilli sur tout projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, à l'instar de la disposition figurant à l'article L.36-5 du Code des postes et des communications électroniques et relative à l'ARCEP (5).
 
 
(1) L'article 34 permet au CSA de s'opposer à l'exploitation ou à la modification d'une offre commerciale "s'il estime qu'elle porte atteinte aux missions de service public assignées par l'article 43-11 aux sociétés nationales de programme et à la chaîne Arte, notamment par la numérotation attribuée au service". Les contraintes de numérotation concernent donc les seules chaînes publiques, sans imposer aux câblo-opérateurs la reprise de la numérotation attribuée à ces chaînes en TNT.
 
(2) Dans le silence de la loi, le Conseil a adopté, le 6 décembre 2005, une recommandation à l'égard des distributeurs commerciaux de la TNT préconisant le maintien des numéros qu'il a attribués aux chaînes gratuites, en application de l'arrêté du 24 décembre 2001 modifié relatif aux caractéristiques des signaux émis et aux principes présidant à la numérotation des services de la TNT.

(3) Même si les modes de rémunération diffèrent d'un distributeur à l'autre, de sorte que les déclinaisons ne donnent pas systématiquement lieu au paiement d'une redevance par le distributeur, le CSA est nécessairement conduit à porter une appréciation globale, dans laquelle il se fonde notamment sur l'inclusion du programme dans une offre payante (incluse dans un abonnement).
 
(4) L'article 30-3 de la loi de 1986 prévoit la conclusion par les éditeurs de chaînes payantes de la TNT d'accords d'interopérabilité, mais l'article 20 du projet de loi écarte l'application de cet article à l'égard de la télévision mobile personnelle.
 
(5) "L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en oeuvre."

 

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