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Al Manar : l'ordonnance du Conseil d'État

Saisi le 12 juillet 2004 par le CSA au sujet de la diffusion sans convention de la chaîne libanaise Al Manar et du caractère illégal de certains de ses programmes, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a rendu le 20 août 2004 l'ordonnance dans laquelle il fait obligation à la chaîne de présenter au CSA un dossier complet de convention avant le 1er octobre de cette année, sous peine de voir sa diffusion interrompue le 30 novembre prochain.

Le 12 juillet 2004, soit trois jours après la promulgation de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, le Conseil, sur le fondement de l'article 42-10 de la loi de 1986 modifié par cette nouvelle loi, a saisi le président de la section du contentieux du Conseil d'État pour lui demander d'ordonner à la société Eutelsat de mettre fin à la diffusion de la chaîne libanaise Al Manar, dont les programmes ont porté atteinte à plusieurs des principes mentionnés aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (1).

Cette chaîne, bien que transmise par un satellite de la société de droit français Eutelsat, était diffusée sans convention. En décembre 2003, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a saisi le CSA de la diffusion, sur Al Manar, du feuilleton Al-Shatat, qui dépeignait une conspiration, présentée comme datant de plusieurs siècles, qu'aurait menée la famille Rothschild et dont les principaux acteurs auraient été des rabbins et des leaders sionistes. Y étaient également relatés le meurtre d'un enfant chrétien par des religieux juifs qui recueillaient son sang pour fabriquer du pain azyme et celui, dans des conditions confinant à la barbarie, d'un juif qui avait épousé une non-juive.

Un mois plus tard, le 13 janvier 2004, le Conseil saisissait le procureur de la République au sujet, d'une part, de la diffusion sans convention de cette chaîne et, d'autre part, de ce programme qui lui paraissait susceptible d'inciter à la haine raciale, infraction réprimée par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

La loi du 9 juillet 2004 a ouvert au CSA une possibilité d'action plus radicale : saisir le président de la section du contentieux du Conseil d'État de la diffusion, par un satellite français, d'une chaîne sans convention et dont les programmes portent atteinte à l'un des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. Deux jours après la publication de la loi, soit le 12 juillet 2004, le CSA déposait devant le Conseil d'État une requête dans laquelle il demandait la cessation du service dans un délai de soixante jours et fixait sa demande d'astreinte à 10 000 € par jour de retard, à compter de l'expiration du délai de soixante jours.

Le Conseil d'État fixait au 19 août 2004 l'audience publique réunissant les représentants du CSA, d'une part, et les représentants des sociétés Lebanese Communication Group, éditrice de la chaîne, et Eutelsat, d'autre part.

Le 18 août, veille de l'audience publique, la société Lebanese Communication Group écrivait au CSA en ces termes : "Nous souhaitons qu'une coopération réelle s'instaure entre notre chaîne et votre honorable Conseil dans le but de dépasser les problèmes rencontrés et nous sommes prêts à discuter de la ligne directrice d'Al Manar afin d'aboutir à la signature d'une convention".

Le 20 août, lendemain de l'audience publique, le président de la section du contentieux du Conseil d'État rendait l'ordonnance suivante :

"Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont le siège est 39-43 quai André-Citroën à Paris Cedex 15 (75739) et tendant à ce que, sur le fondement de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, le président de la section du contentieux du Conseil d'État enjoigne à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion des services de télévision Al Manar dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'injonction, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard ;

Il fait valoir que la chaîne Al Manar, dont les programmes sont diffusés par Eutelsat, ne justifie d'aucune convention ou licence délivrée par la France ou par un État membre de la Communauté européenne ; que les programmes diffusés par cette chaîne portent atteinte à plusieurs principes mentionnés aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986, et notamment au respect de la dignité de la personne humaine, à la sauvegarde de l'ordre public, à la protection des mineurs et à l'interdiction de toute incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité ; qu'il y a lieu dès lors, conformément aux dispositions introduites à l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 par l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004, d'ordonner à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion de cette chaîne ;

Vu, enregistré le 3 août 2004, le mémoire en défense présenté pour la société Eutelsat qui demande au président de la section du contentieux du Conseil d'État de lui donner acte de son engagement de négocier avec la société Arabsat le retrait de la chaîne Al Manar TV et en conséquence de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; elle fait valoir qu'elle n'entretient aucune relation contractuelle avec la chaîne Al Manar, qui est transmise sur le satellite Eutelsat au sein d'un multiplex de dix chaînes assemblé et émis par la société Arabsat ; que dès avant la saisine du Conseil d'État par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, Eutelsat a rappelé à plusieurs reprises à la société Arabsat les règles applicables en France ; que l'interruption de la diffusion de la chaîne Al Manar dans le délai demandé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel se heurte à des difficultés techniques, à des obstacles commerciaux et à des raisons d'intérêt général ; qu'Eutelsat souhaite en conséquence pouvoir négocier avec Arabsat le retrait de la chaîne Al Manar ;

Vu, enregistré le 3 août 2004, le mémoire en défense présenté pour la société Lebanese Communication Group, propriétaire de la chaîne Al Manar Sat, à qui communication de la requête a été donnée et qui conclut au rejet de celle-ci ; elle soutient que l'application immédiate des dispositions introduites à l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 par l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004 serait contraire au principe constitutionnel de non-rétroactivité des dispositions répressives ;

Vu, enregistré le 6 août 2004, le mémoire en réplique présenté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui conclut aux mêmes fins que sa demande ; il soutient que les dispositions introduites par la loi du 9 juillet 2004 à l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 sont immédiatement applicables ; que le délai de deux mois qu'il a proposé est suffisant pour qu'Eutelsat parvienne à la cessation effective de la diffusion d'Al Manar ; que l'engagement pris par la société Eutelsat dans son mémoire du 3 août 2004 ne saurait conduire à un non-lieu ;

Vu, enregistré le 18 août 2004, le nouveau mémoire présenté par la société Lebanese Communication Group ; la société exprime son intention de respecter les lois de la République française et indique que, par courrier du 18 août 2004, elle a sollicité du Conseil supérieur de l'audiovisuel la signature d'une convention ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle et notamment son article 82 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué en audience publique, d'une part, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et, d'autre part, la société Eutelsat et la société Lebanese Communication Group ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 19 août 2004 à 16h au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du Conseil supérieur de l'audiovisuel,
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la société Eutelsat, ainsi que les représentants de celle-ci ;
- Me Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de la société Lebanese Communication Group, ainsi que les représentants de celle-ci ;

Considérant que la société de droit français Eutelsat, opérateur de réseau de télécommunications par satellite a, par contrat, mis une partie de sa capacité de diffusion à la disposition d'un autre opérateur de réseau satellitaire, l'organisation Arabsat, laquelle utilise cette capacité pour diffuser notamment vers la France un ensemble de chaînes de télévision, au nombre desquelles figure la chaîne Al Manar ; que cette dernière, qui n'a pas de rapport contractuel avec la société Eutelsat, n'est pas non plus titulaire d'aucune licence ou convention émanant de la France ou d'un état membre de la communauté européenne ; que faisant état du contenu des émissions de la chaîne Al Manar, le Conseil supérieur de l'audiovisuel demande au président de la section du contentieux du Conseil d'État, sur le fondement de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, d'enjoindre sous astreinte à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion des services de télévision d'Al Manar dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'injonction ;

 

I- Sur les dispositions législatives applicables :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986, "La présente loi est applicable aux services de télévision dont l'exploitant est établi en France selon les critères prévus à l'article 43-3 ou [...] relève de la compétence de la France en application des critères prévus à l'article 43-4, sans préjudice de l'application des règles relatives à l'occupation du domaine public" et qu'aux termes de l'article 43-4 de la même loi : "Les exploitants des services de télévision auxquels ne sont applicables aucun des critères définis à l'article 43-3 ne relèvent de la compétence de la France s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : a) s'ils utilisent une fréquence accordée par la France ; b) si, n'utilisant pas une fréquence accordée par un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ils utilisent une capacité satellitaire relevant de la France ; [...];"

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 : "En cas de manquement aux obligations résultant des dispositions de la présente loi et pour l'exécution des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, son président peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets" ; qu'aux termes des deux alinéas suivants du même article 42-10 : "La demande est portée devant le président de la section du contentieux du Conseil d'État qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l'exécution de son ordonnance. Toute personne qui y a intérêt peut intervenir à l'action introduite par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel" ; que l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004 a complété le premier alinéa précité de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 par une phrase ainsi rédigée : "Cette demande peut avoir pour objet de faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d'un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15" ;

Considérant qu'il ressort du rapprochement de ces textes - ainsi au demeurant que des débats parlementaires relatifs à l'amendement gouvernemental dont est issu l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004 et qui a été présenté à la suite de la diffusion en France de certaines émissions d'Al Manar - que par les dispositions qu'il a alors introduites, le législateur a entendu permettre aux autorités nationales, et notamment au Conseil supérieur de l'audiovisuel, de prévenir les atteintes aux principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986 dans le cas, jusque-là non couvert par le droit antérieur, où un service de télévision diffusé en France en utilisant une capacité satellitaire relevant de la France au sens du b) de l'article 43-4 de la loi du 30 septembre 1986, n'est titulaire d'aucune convention ou autorisation émanant des autorités nationales ;

 

II -  Sur la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel tendant à ce qu'il soit enjoint à Eutelsat de faire cesser la diffusion de la chaîne Al Manar :

1 - Considérant que, Eutelsat constituant au sens du "b" de l'article 43-4 précité de la loi du 30 septembre 1986, une "... capacité satellitaire relevant de la France", la diffusion par cette société des programmes d'Al Manar conduit à regarder cette chaîne, en application des dispositions précitées de l'article 43-4 de la loi du 30 septembre 1986, comme un "service de télévision relevant de la compétence de la France" au sens des dispositions combinées des articles 43-2 et 43-4 et, dans sa rédaction résultant de l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004, de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'ainsi cette diffusion peut donner lieu, le cas échéant, à l'application, à l'égard d'Eutelsat, des dispositions de l'article 42-10 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est, au demeurant, pas contesté par Eutelsat que certaines des émissions d'Al Manar portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986, auxquels renvoie l'article 42-10 ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Al Manar, les dispositions introduites à l'article 42-10 par la loi du 9 juillet 2004 tendent, non pas à l'infliction d'une sanction, mais à la prévention de la survenance ou de la réitération d'une atteinte aux principes essentiels que doit respecter un service de communication audiovisuelle ; que dès lors le principe constitutionnel de non-rétroactivité des dispositions répressives ne saurait faire obstacle à l'application immédiate de ces dispositions y compris par référence à des programmes diffusés avant l'intervention de la loi du 9 juillet 2004 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est, dans le principe, fondé à demander la mise en oeuvre des dispositions introduites par l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004, sans que contrairement à ce que soutient la société Eutelsat, ces conclusions soient rendues sans objet par l'engagement que cette société déclare prendre d'obtenir la cessation de la diffusion par Arabsat des programmes d'Al Manar ;

2 - Considérant, il est vrai, qu'Eutelsat fait valoir qu'elle ne peut interrompre par une intervention purement technique la diffusion des programmes d'Al Manar sans interrompre en même temps celle de l'ensemble des chaînes réunies dans le même " bouquet " par Arabsat et qu'ainsi, pour parvenir au résultat recherché par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, elle entend plutôt, compte tenu des difficultés et inconvénients de tous ordres qui s'attacheraient à cette première façon de faire, engager avec Arabatsat une négociation tendant à ce que celle-ci retire de son "bouquet" la chaîne Al Manar ; que, pour ce faire, elle demande qu'un délai suffisant lui soit accordé ;

Mais considérant que s'il appartient, en effet, à Eutelsat de choisir les moyens qu'elle entendra mettre en oeuvre pour que les services utilisant sa propre capacité satellitaire ne portent aucune atteinte aux principes protégés par la loi du 30 septembre 1986, et s'il y a lieu, pour le président de la section du contentieux du Conseil d'État statuant en application de l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 de prendre, dans la mise en oeuvre de l'office particulier que ces dispositions lui ont dévolu, les dispositions les plus appropriées pour que ce soit plutôt à la suite d'une négociation avec Arabsat qu'Eutelsat se libère de l'obligation qui pèsera sur elle en application de la présente décision, ce juge ne saurait pour autant soustraire Eutelsat à l'obligation de résultat que le législateur a entendu poser par l'article 82 de la loi du 9 juillet 2004 ;

Considérant, dès lors, que sous la réserve expresse de l'éventualité qui va être évoquée ci-après de la régularisation par Al Manar de sa situation par la passation d'une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, il y a lieu de décider qu'au plus tard à l'expiration du délai qui lui sera imparti par la présente ordonnance, Eutelsat devra avoir cessé de diffuser les programmes d'Al Manar, sous peine d'une astreinte par jour de retard, et sans qu'elle puisse prévaloir de l'impossibilité dans laquelle elle pourrait s'être trouvée de conclure avant cette date en accord avec Arabsat ; que le montant de l'astreinte doit, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de la part du chiffre d'affaires d'Eutelsat correspondant à ses liens avec Arabsat, être fixé à 5 000 € par jour de retard ;

3 - Considérant qu'au cours de l'audience publique tenue le 19 août 2004, la chaîne Al Manar   - qui avait eu communication par le Conseil d'État de la requête du Conseil supérieur de l'audiovisuel et avait été conviée à prendre part à cette audience - a fait état de sa décision, exprimée par une lettre adressée au Conseil supérieur de l'audiovisuel le 18 août, de demander à celui-ci la conclusion d'une convocation ;

Considérant que - dès lors que l'aboutissement de cette demande signifierait que la situation d'Al Manar au regard, notamment des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 et 15 de la loi du 30 septembre 1986 aurait, de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, été régularisée - cet élément nouveau doit être pris en compte pour statuer sur la requête dont le Conseil d'État est saisi ;

Considérant, toutefois, que la formulation - la veille de l'audience - du souhait d'Al Manar de conclure une convention n'est assortie de la présentation d'aucune des pièces du dossier qui doit accompagner une telle demande ; qu'elle ne saurait dès lors, en tout état de cause, conduire par elle-même, à tenir pour privée d'objet la requête dont le Conseil d'État est saisi ni même à différer toute décision sur cette requête ; qu'il n'y a seulement lieu de déterminer le sens et la portée de la décision à prendre en distinguant les diverses suites que peut connaître la demande dont le principe a été formulé le 18 août 2004 et en tenant compte, le cas échéant, pour chacune d'elles de l'ensemble des circonstances et considérations évoquées au cours de l'instruction écrite ou orale ;

III - Considérant qu'au cours de l'audience du 19 août 2004, Al Manar s'est engagée à présenter dans un délai d'un mois le dossier complet d'une demande de convention ; que dans le cas où, néanmoins, un tel dossier n'aurait pas été présenté avant le 1er octobre 2004, Eutelsat devrait faire cesser le 30 novembre 2004 au plus tard la diffusion sur ses satellites des services de télévision d'Al Manar ;

Considérant que, saisi d'un dossier complet de demande de convention, le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit se prononcer dans un délai de deux mois ; que dans le cas où, saisi avant le 1er octobre 2004, il ferait droit à la demande d'Al Manar, aucune obligation ne pèserait sur Eutelsat ; que dans le cas où, au contraire, le Conseil supérieur de l'audiovisuel serait amené à rejeter la demande d'Al Manar, Eutelsat devrait faire cesser dans les deux mois la diffusion sur ses satellites des services de télévision d'Al Manar ;

IV - Considérant qu'eu égard au caractère particulier de la procédure prévue à l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, la présente décision ne marque pas nécessairement le terme de la procédure engagée sous le n° 269813 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et n'épuise pas la compétence du président de la section du contentieux, auquel il pourra appartenir, d'office ou à la demande soit du Conseil supérieur de l'audiovisuel soit d'Eutelsat, de convoquer toute nouvelle audience qu'il estimera utile et à l'issue de laquelle il pourra préciser, compléter ou modifier les prescriptions de la présente ordonnance ; que toutefois seules des circonstances très particulières pourraient conduire à prolonger les délais prévus, à l'égard tant d'Al Manar que d'Eutelsat, par les articles 1er et 2 ;

 

ordonne :

Article 1er : À défaut de présentation par Al Manar avant le 1er octobre 2004 d'un dossier complet de demande de convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, Eutelsat devra faire cesser le 30 novembre 2004 au plus tard la diffusion sur ses satellites des services de télévision d'Al Manar.

Article 2 : Dans le cas de rejet par le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une demande présentée par Al Manar, Eutelsat devra faire cesser la diffusion sur ses satellites des services de télévision d'Al Manar dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle aura reçu la notification par le Conseil supérieur de l'audiovisuel de cette décision.

Article 3 : Tout dépassement par Eutelsat du délai prescrit aux articles 1 et 2 l'exposera à une astreinte de 5 000 € par jour de retard.

Article 4 : La procédure engagée par la requête n° 269813 du Conseil supérieur de l'audiovisuel peut être prolongée dans les conditions indiquées au IV des motifs de la présente ordonnance.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Eutelsat, à la société Lebanese Communication Group, au président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la Culture et de la Communication."

Le juge des référés a donc reconnu le bien-fondé de la requête du CSA. Il a également pris en compte la demande de conventionnement présentée par Al Manar la veille de l'audience publique. Le 7 septembre 2004, en séance plénière, le CSA a pris acte de la volonté exprimée par la chaîne d'inscrire sa diffusion en Europe dans le cadre juridique qui lui est applicable. Il lui a donc transmis la liste des documents nécessaires à la négociation de la convention, en soulignant la nécessité pour la chaîne de s'engager formellement à ne pas diffuser de programmes susceptibles d'inciter à la violence ou à la haine pour des raisons de religion ou de nationalité, ou de porter atteinte à l'ordre public ou à la dignité de la personne humaine.

Si Al Manar transmet, avant le 1er octobre 2004, son dossier complet de demande de conventionnement, le CSA disposera d'un délai de deux mois pour instruire sa demande et se prononcer sur un projet de convention avec la société éditrice d'Al Manar. À défaut de remise d'un dossier complet avant le 1er octobre, le CSA devra signifier à Eutelsat et à Al Manar que la diffusion de la chaîne doit être interrompue d'ici au 30 novembre prochain. De même, si le CSA décidait de ne pas réserver une suite favorable à la demande de conventionnement formée par Al Manar, Eutelsat devrait cesser de diffuser la chaîne sur ses satellites dans les deux mois suivant la notification de la décision de refus.

 

(1) Cf. La Lettre du CSA n°170-Février 2004 : Diffusions illégales par satellite : les pouvoirs du Conseil vont être renforcés.
 

Consultez aussi la loi du 30 septembre 1986 modifiée .