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Texte juridique

Avis du CSA du 12 avril 2012 sur un projet de décret modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 relatif à la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et le décret n° 2009-796 fixant le cahier des charges de France Télévisions

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Avis n° 2012-09 du 12 avril 2012 relatif à deux projets de décret, l'un modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision, l'autre modifiant le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, ainsi qu'à un projet d'arrêté abrogeant l'arrêté du 28 novembre 2008 pris pour l'application du II de l'article 10 du décret du 17 janvier 1990

Saisi pour avis par le Gouvernement, en application des articles 9, 27, 33 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, de deux projets de décret, l'un le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l'application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision, l'autre modifiant le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions, ainsi que d'un projet d'arrêté abrogeant l'arrêté du 28 novembre 2008 pris pour l'application du II de l'article 10 du décret précité du 17 janvier 1990, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré en assemblée plénière le 12 avril 2012, émet l'avis suivant.

I. ― Observations générales

Les modifications proposées par les projets de décret traduisent partiellement les accords conclus respectivement par France Télévisions et Canal+ avec les représentants de l'industrie cinématographique, lesquels visent, en contrepartie notamment d'engagements financiers de ces groupes de télévision en faveur du préfinancement du cinéma, à assouplir la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques sur les services de télévision telle qu'elle est fixée aux articles 10 et 11 du décret du 17 janvier 1990.
Le Conseil a, à plusieurs reprises, souligné qu'il était favorable à ce que les obligations réglementaires des groupes et des chaînes de télévision en matière d'exposition et de financement des œuvres audiovisuelles et des œuvres cinématographiques soient déterminées après concertation avec les professionnels. Cette démarche générale a notamment été retenue, sur le fondement des articles 28 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, pour l'élaboration des décrets n° 2010-416 du 27 avril 2010 et n° 2010-747 du 2 juillet 2010 s'agissant des obligations de financement de la création audiovisuelle par les éditeurs de services de télévision.

Une ouverture de la grille de diffusion des œuvres cinématographiques souhaitée par le Conseil

Dans son avis du 22 juillet 2008 relatif à des modifications du décret du 17 janvier 1990 concernant la grille de programmation des œuvres cinématographiques sur les services autres que de cinéma, le conseil a estimé que, compte tenu de la multiplication des supports de diffusion, un assouplissement de la grille de diffusion des œuvres cinématographiques devait être étudié afin de diversifier et renforcer l'exposition de celles-ci sur les services de télévision.
Il remarque que le projet de décret en Conseil d'Etat diversifiera l'exposition des œuvres cinématographiques, en autorisant la diffusion de celles-ci pour certains éditeurs à des jours et horaires interdits pour d'autres, sans changement du nombre maximum de films autorisé.

Une ouverture qui prend en compte l'implication des groupes télévisuels dans le préfinancement du cinéma

Dans la mesure où la grille de diffusion des œuvres cinématographiques a toujours été l'un des éléments structurants de l'économie du secteur, le conseil approuve le principe d'aménagements de cette grille négociés de manière graduée par les professionnels de l'industrie cinématographique en fonction des engagements pris par les éditeurs de services en faveur du renouvellement de la création, et tout particulièrement de son préfinancement. Ce principe ne peut avoir que des effets bénéfiques dans la mesure où il incite l'ensemble des éditeurs à poursuivre leurs efforts d'investissement.
Il reste essentiel par ailleurs de préserver la spécificité des grilles de diffusion des œuvres cinématographiques pour les services de cinéma, services payants accessibles à leurs seuls abonnés, dont les investissements dans l'économie des films, l'éditorialisation et la mise en valeur du cinéma justifient qu'ils bénéficient d'un régime de diffusion plus favorable à l'exposition des œuvres cinématographiques.
L'ouverture potentielle de la première partie de soirée du mercredi à la diffusion d'œuvres cinématographiques de long métrage, sans condition relative au type de films proposés, réduit sensiblement l'écart entre services de cinéma et services autres que de cinéma. Il est logique qu'elle ait pour contrepartie des engagements significatifs de la part de ces derniers.

II. ― Observations sur les dispositions spécifiques

Les dispositions applicables aux services autres que de cinéma

Le projet de décret modifiant décret du 17 janvier 1990 à la suite de la conclusion des stipulations de l'avenant du 26 mars 2012 à l'accord signé par France Télévisions le 20 décembre 2007, abroge les dispositions relatives à la programmation d'œuvres cinématographiques dans la tranche horaire débutant le samedi à 22 h 30 jusqu'au dimanche à 3 heures. Le conseil rappelle qu'il regrettait, dans son avis du 22 juillet 2008, la complexité des contraintes liées à cette ouverture de la grille et qu'il suggérait une évolution des accords entre éditeurs de services et organisations professionnelles de l'industrie cinématographique.
Les engagements forts pris par France Télévisions correspondent à la possibilité pour France 4 de diffuser des œuvres cinématographiques de long métrage en première partie de soirée un jour jusqu'ici interdit à la diffusion, en l'occurrence le mercredi. Ces engagements sont bien supérieurs à ceux qui régissaient pour France 3 l'ouverture de la deuxième partie de soirée du samedi soir à des films anciens, ou ayant obtenu un nombre limité d'entrées en salles lors de leur première année d'exploitation.
Le Conseil déplore que la condition relative à l'audience moyenne du service sur lequel les œuvres cinématographiques pourraient être diffusées le mercredi soir en première partie de soirée, prévue dans l'accord conclu avec les organisations professionnelles, ne soit pas reprise dans le projet de décret. En effet, en l'absence de cette précision, tout éditeur (à l'exception de France Télévisions) qui choisirait de répondre aux conditions fixées par le décret, quelle que soit sa part d'audience moyenne annuelle, pourrait proposer des films de long métrage à cet horaire, y compris sur un service dont l'audience moyenne est élevée, alors qu'une telle éventualité n'a sans doute pas été souhaitée par les négociateurs. Le conseil recommande donc que le plafond d'audience moyenne de 5 % soit introduit dans le décret.
Le Conseil apprécie que les investissements pris en compte par le projet de décret incluent les dépenses d'audiodescription, favorisant ainsi l'accessibilité des œuvres au public souffrant d'un handicap visuel.
Le projet de décret, en fixant un taux et un montant d'investissement minimum en faveur du développement de la production cinématographique, n'autorise la diffusion d'œuvres cinématographiques le mercredi en première partie de soirée que dans des conditions négociées à ce jour par l'un des acteurs, d'ailleurs à un montant très élevé d'engagement financier. En figeant ainsi les conditions de l'exposition de films le mercredi, il ne permet pas la prise en compte d'accords professionnels qui pourraient être conclus par d'autres éditeurs dans l'hypothèse où, en concertation avec les professionnels, ils souhaiteraient bénéficier de cette possibilité en contrepartie d'autres engagements spécifiques.
Le Conseil s'interroge donc sur le respect, par le projet de décret qui lui est soumis, du principe de l'égalité de traitement entre éditeurs de services de télévision.
Le projet de décret prévoit un quota de diffusion spécifique concernant la première partie de soirée du mercredi, afin d'assurer qu'au minimum 85 % de la programmation d'œuvres cinématographiques y soit réservée aux œuvres européennes ou d'expression originale française. Toutefois, cette disposition, d'une part, complexifie inutilement la réglementation en ajoutant ce quota à ceux qui portent sur l'ensemble de la diffusion et sur les heures de grande écoute, et, d'autre part, induit mécaniquement, dans le respect des quotas globaux, la possibilité d'une augmentation de la part des œuvres étrangères les autres jours de diffusion. Le conseil estime en tout état de cause que, répondant à la situation particulière de France Télévisions, elle aurait plutôt sa place dans le cahier des charges de la société nationale de programme.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Conseil propose que le décret en Conseil d'Etat autorise la diffusion d'œuvres cinématographiques le mercredi en première partie de soirée par les éditeurs de services dont l'audience moyenne annuelle n'est pas supérieure à 5 % de l'audience totale des services de télévision nationaux, et renvoie aux cahiers des charges (pour les sociétés nationales de programme) ou conventions (pour les services de télévision privés) la fixation de la part du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent consacrée à des dépenses contribuant au développement de la production d'œuvres cinématographiques européennes, dès lors qu'elle est supérieure au taux de 3,2 % prévu par les décrets des 27 avril et 2 juillet 2010 ainsi que du montant d'investissement minimum annuel dans la production d'œuvres cinématographiques européennes du service ou du groupe de télévision concerné. Le conseil veillera à ce que les conventions prennent en compte les accords conclus en ce sens par les groupes et services de télévision avec les organisations professionnelles du cinéma.
Le projet de décret modifiant le cahier des charges de France Télévisions pourrait ainsi être complété par les dispositions que le Conseil propose de disjoindre du projet de décret en Conseil d'Etat, relatives au taux de la contribution, au montant minimum d'investissement et au sous-quota d'exposition des films européens et d'expression originale française.
Par voie de conséquence, le conseil n'émet pas d'observation sur le projet d'arrêté qui figure au dossier.

Les dispositions applicables aux services de cinéma

Le Conseil approuve la modification proposée qui correspond à la transposition de certaines des stipulations de l'accord signé par le groupement de services Ciné+ et l'ensemble des professionnels de l'industrie cinématographique le 13 octobre 2011.
Il relève qu'aux termes du projet de décret, l'ensemble des services de cinéma de premières diffusions ou des services de cinéma inclus dans un groupement de services comprenant au moins un service de cinéma de premières diffusions peut bénéficier de ses dispositions.

III. ― Réflexions générales du Conseil sur l'encadrement de la diffusion des œuvres cinématographiques

D'une manière générale, la réflexion menée par le conseil au premier trimestre de l'année 2012 quant aux mesures encadrant la diffusion et l'exposition des œuvres cinématographiques sur les services de télévision linéaires et sur les services de médias audiovisuels à la demande, l'a conduit à considérer que des assouplissements à la réglementation sont aujourd'hui nécessaires, à proportion de l'engagement des groupes de télévision dans le financement du cinéma, en ce qui concerne tant les « jours interdits » que la chronologie des médias qui, notamment, détermine le calendrier de l'exposition des films à la télévision à compter de leur sortie en salle.
Ces règles ont été élaborées dans un univers audiovisuel très différent de celui d'aujourd'hui, notamment en raison du développement des services à la demande, de la télévision connectée ou des consommations « nomades ». Or, certains acteurs commencent à les trouver en partie inadaptées alors même que leurs objectifs demeurent pleinement justifiés.

L'ouverture des « jours interdits »

Il apparaît important au Conseil de veiller à ce que l'offre cinématographique à la télévision reste diverse et attractive, dans la mesure où les éditeurs de services sont des financeurs majeurs de la création cinématographique.
En conséquence, le Conseil recommande que les réflexions visant à assouplir la grille de diffusion des œuvres cinématographiques à la télévision se poursuivent et que les professionnels de l'industrie cinématographique et les éditeurs de services concluent des accords permettant de donner aux services de télévision des souplesses de programmation proportionnelles à leurs niveaux de préfinancement de la création cinématographique.

Une réflexion sur la chronologie des médias

Le Conseil estime important que les professionnels du cinéma et de la télévision puissent trouver, dans le cadre d'une concertation, les adaptations nécessitées par les nouveaux usages de production, de distribution et de consommation, sans remettre en cause le principe même de la chronologie des médias, qui vise à maximiser la valeur et les recettes d'un film grâce à l'étalement de son exploitation par supports successifs.
Des adaptations de cette chronologie renforceraient son efficacité tout en prenant en compte un objectif de développement de l'offre légale disponible sur internet et de meilleure exposition, tant sur les services linéaires que sur les services non linéaires, des œuvres cinématographiques.

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Pour la mise en œuvre des remarques ci-dessus, le Conseil propose les modifications rédactionnelles mentionnées en annexe au présent avis (cf. la page du Journal officiel).

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 12 avril 2012.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

M. Boyon