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Texte juridique

Avis du CSA sur un projet de décret fixant le régime applicable aux chaînes distribuées par les réseaux n'utilisant pas des fréquences qu'il assigne

Publié le

Avis n° 2010-01 du 26 janvier 2010 relatif à un projet de décret fixant le régime applicable aux services de radio et de télévision relevant de la compétence de la France distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel
 
Saisi pour avis par le Gouvernement, en application des articles 9 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret fixant le régime applicable aux services de radio et de télévision relevant de la compétence de la France distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, celui-ci, après en avoir délibéré en assemblée plénière le 26 janvier 2010, émet l'avis suivant.

I. - Observations générales

Dans son avis du 9 mai 2001 sur le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001, le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait préconisé la conclusion d'accords interprofessionnels entre éditeurs de services et producteurs pour déterminer les modalités d'application d'un décret fixant le cadre général de la contribution des éditeurs au développement de la production audiovisuelle.
Il regrette cependant, comme il l'avait déjà mentionné dans son avis n° 2009-8 du 15 juillet 2009 relatif au décret modifiant le régime de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services diffusés par voie hertzienne en mode analogique, que l'ensemble des organisations professionnelles n'ait pas été réuni pour élaborer ces accords. En outre, ces derniers n'ont été négociés et signés que par un nombre restreint d'éditeurs de services au regard de l'ensemble des éditeurs existants.
Le Conseil relève que le projet de décret concentre une part importante des investissements des éditeurs sur la production d'oeuvres audiovisuelles relevant des genres suivants : fiction, animation, documentaires de création, y compris ceux qui sont insérés dans une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, vidéomusiques et captation ou recréation de spectacles vivants.
Dès lors, soucieux de garantir une offre de programmes diversifiée dans le paysage audiovisuel de complément, le Conseil considère que le recentrage des investissements sur les oeuvres audiovisuelles énumérées ci-dessus, dites « patrimoniales », va à l'encontre de cet objectif.
En outre, le Conseil appelle l'attention du Gouvernement sur le risque d'uniformisation des formats que cette disposition comporte. Dans l'intérêt du téléspectateur et de l'équilibre économique du marché de la télévision payante, il insiste sur la nécessité de préserver la diversité de ces formats. Il relève à cet égard que le taux élevé de la contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles patrimoniales n'est pas adapté aux spécificités éditoriales de certains éditeurs de services et pourrait aboutir, pour une partie d'entre eux, à la nécessité de modifier profondément leur ligne éditoriale et d'engager, en conséquence, des investissements lourds à supporter pour des éditeurs de services dont la situation économique est parfois fragile.
Le Conseil rappelle au surplus que l'obligation de consacrer une part de la contribution des éditeurs de services à des oeuvres audiovisuelles dites « patrimoniales » n'est pas prévue par la loi du 30 septembre 1986 pour les services de communication audiovisuelle n'utilisant pas les fréquences assignées par lui.
Si le Conseil partage pleinement l'objectif de cette disposition législative prévue pour des services de télévision diffusés par voie hertzienne, il estime tout à fait injustifié et dangereux pour l'avenir de la télévision payante que les éditeurs non signataires des accords soient, du fait du présent projet de décret, soumis aux obligations négociées par d'autres éditeurs avec les producteurs.
Enfin, le Conseil relève qu'un dispositif permettant de prendre en compte les investissements consacrés à la production d'émissions réalisées en plateau a certes été prévu, mais qu'il semble insuffisant compte tenu du niveau élevé de la contribution au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles dites « patrimoniales ».
C'est pourquoi le Conseil préconise l'inscription d'une alternative aux régimes proposés par le projet de décret pour permettre une meilleure prise en compte des spécificités des différents éditeurs afin de veiller à un traitement équitable de ces derniers au regard de leur format éditorial.

L'entrée en vigueur du décret en 2010

L'entrée en vigueur du décret en 2010 posera des difficultés aux éditeurs de services signataires des accords du 22 juillet 2009 (« accords ACCeS ») et des accords du 17 décembre 2008 (« accords Orange ») qui ont anticipé l'exercice 2009 comme première année d'application.
Il est proposé parmi les mesures transitoires qu'à titre dérogatoire, pour l'année 2009, les éditeurs concernés puissent opter pour le régime du projet de décret comme le permet l'article 91 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

II. - Observations sur certaines dispositions

La montée en charge de l'obligation patrimoniale

Le Conseil prend note qu'il disposera de la faculté de fixer dans les conventions conclues avec les éditeurs de services les modalités selon lesquelles l'éditeur pourra se conformer, dans un délai de trois ans, à l'obligation de consacrer une part de sa contribution à des investissements dans des oeuvres audiovisuelles relevant des genres énumérés au troisième alinéa de l'article 11 du projet de décret.
Toutefois, si le régime optionnel proposé au III du présent avis n'était pas retenu, le Conseil estime que la période de montée en charge devrait s'étendre sur cinq années plutôt que trois afin de permettre aux éditeurs non signataires des accords d'adapter leur programmation et leurs investissements à la nouvelle réglementation.

L'étendue des droits cédés

Le Conseil réitère son attachement des dispositifs favorisant la circulation des oeuvres. Il constate avec regret que les droits négociés dans les accords portent, pour certains genres d'oeuvres audiovisuelles, sur des durées longues et des nombres de diffusion importants.
Il constate au surplus que, pour les courts-métrages, ces conditions de cession des droits ont été négociées sans la présence d'organisations représentatives de ce secteur.
Par ailleurs, le Conseil s'interroge sur l'inscription, dans les conventions des éditeurs non signataires d'accords, de stipulations relatives à l'étendue des droits cédés qui, dans la mesure où elles ne sont plus un des critères d'indépendance des oeuvres, relèvent de relations contractuelles entre éditeurs et producteurs.

Le régime spécifique des éditeurs de services qui consacrent annuellement

la majorité de leur temps de diffusion aux spectacles vivants et vidéomusiques

Le projet de décret autorise le régime dérogatoire de contribution au développement de la production audiovisuelle (un taux alors fixé à 8 %) pour « les éditeurs de services qui consacrent annuellement plus de la moitié de leur temps de diffusion à des captations ou des recréations de spectacles vivants et des vidéomusiques, ces dernières devant représenter au moins 40 % du temps de diffusion annuel », et non plus pour les éditeurs consacrant plus de la moitié de leur temps de diffusion annuel aux seules vidéomusiques.
Le Conseil réitère son attachement à l'existence d'une offre musicale diversifiée sur les services de télévision. Il estime que cette disposition constitue un encouragement à la programmation de spectacles vivants et qu'elle permet ainsi de diversifier la programmation des éditeurs bénéficiant de ce régime dérogatoire. Il considère qu'une telle ouverture est favorable à la diversité culturelle et à la création audiovisuelle, en encourageant les éditeurs concernés à investir dans la production de spectacles vivants.

Les dépenses d'adaptation des oeuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes

Le Conseil apprécie que lui soit confiée la possibilité d'inscrire dans les conventions un coefficient multiplicateur pour la prise en compte des dépenses d'adaptation des oeuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes au sein de la contribution des éditeurs de services.
Il partage pleinement les objectifs de cette mesure qui incite les éditeurs à mettre en oeuvre les moyens permettant de développer l'audiodescription des programmes télévisés.

III. - Dispositions proposées par le Conseil

Prévoir un régime dérogatoire à l'obligation « patrimoniale »

soumis à l'approbation du Conseil

Le projet de décret propose deux options : un régime général fixé à l'article 11 et un régime défini à l'article 14, correspondant aux stipulations négociées par les éditeurs avec les professionnels.
Cependant, le taux global de la contribution des éditeurs au développement de la production audiovisuelle, fixé à 12 %, très en deçà du taux inscrit dans le décret n° 2002-140 du 4 février 2002, a été négocié par les professionnels en contrepartie d'une prise en compte différenciée des dépenses engagées par les éditeurs de services selon qu'il s'agit d'investissements pour des oeuvres patrimoniales ou non, ou pour des émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau.
Or le projet de décret autorise, en son article 11, la prise en compte de l'intégralité des dépenses pour des oeuvres ne relevant pas des genres dits « patrimoniaux », contrairement au dispositif des accords. Le Conseil estime que, dans ces conditions, le taux de la contribution devrait être supérieur à 12 %.
Pour préserver la diversité des formats, le Conseil propose en outre la mise en place d'une option supplémentaire qui ne comporterait pas d'obligation de production d'oeuvres audiovisuelles patrimoniales et offrirait la possibilité, sous conditions, de prendre en compte des dépenses pour des émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau. Dans cette hypothèse, le taux de la contribution devrait être proche du taux actuel (16 %). L'application de cette disposition serait soumise à l'appréciation du Conseil en tenant compte de la programmation de l'éditeur.
En effet, la possibilité de fixer, dans les conventions, l'obligation prévue au II de l'article 11 du projet de décret (obligation « patrimoniale ») à un niveau inférieur à 8,5% des ressources « sans pouvoir être inférieur à 6 % » semble insuffisante au regard de la programmation de certains éditeurs. Au surplus, elle ne reprend pas les termes des accords du 22 juillet 2009 qui excluaient l'application à un éditeur, compte tenu de la nature de sa programmation, de la contribution à la production d'oeuvres dites patrimoniales.

Les dépenses de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur

des oeuvres du patrimoine audiovisuel ainsi que les dépenses

consacrées à la promotion des oeuvres et à la formation des auteurs

L'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « pour les services dont l'objet principal est la programmation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, lorsque la nature de leur programmation le justifie, cette contribution peut, en tout ou partie, prendre en compte les frais de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur des oeuvres du patrimoine ».
Le Conseil considère que cette disposition législative devrait être reprise dans le décret. Il estime que la prise en compte de ces dépenses est primordiale afin d'inciter les éditeurs à contribuer à la conservation du patrimoine audiovisuel français.
Le projet de décret ne permet pas de prendre en compte les dépenses consacrées par les éditeurs à la promotion des oeuvres et à la formation des auteurs, alors que l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que ces dépenses peuvent être incluses dans la contribution de l'éditeur au développement de la production audiovisuelle.
Ces dépenses ne sont certes pas prévues par les accords, mais dans la mesure où le projet de décret a vocation à s'appliquer à l'ensemble des éditeurs de services distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil, celui-ci propose que cette disposition soit également appliquée à tous les éditeurs, selon les mêmes modalités que celles applicables aux éditeurs de services diffusés par voie hertzienne en mode analogique.

La valorisation des émissions autres que de fiction

majoritairement réalisées en plateau

Le Conseil considère qu'il est nécessaire de préciser, de la même manière que dans le décret n° 2002-140 du 4 février 2002, et contrairement à ce qui est inscrit à l'article 14 du projet de décret, qu'il s'agit des « émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau inédites et produites par des entreprises de production indépendantes ».

Le droit à recettes
Le Conseil rappelle que la fixation d'un droit à recettes relève des relations purement contractuelles entre éditeurs de services et producteurs, qui sont à ce titre d'ordre privé. La rédaction du projet de décret donne compétence au Conseil pour fixer le droit à recettes pour tous les éditeurs de service, qu'ils soient signataires ou non des accords.
L'article 15 du projet devrait être modifié en conséquence comme suit : « Lorsqu'il [l'éditeur] a financé une part substantielle du coût total de l'oeuvre, il peut détenir un droit sur les recettes d'exploitation ».


Pour la mise en oeuvre des remarques ci-dessus, le Conseil propose les modifications rédactionnelles mentionnées en annexe au présent avis.


Fait à Paris, le 26 janvier 2010.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
M. Boyon

Consultez l'annexe au présent avis : 
Journal officiel du 29 avril 2010