Rapport annuel
Les annexes du rapport
Summary
CSA - Conseil supérieur de l'audiovisuel
Rapport annuel 2010

Avant-propos

Les chiffres clés du CSA en 2010

Les chiffres clés de l'audiovisuel

Les dates clés du CSA en 2010

Synthèse

2010, le CSA au cœur des mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales du numérique :
bilan et perspectives

Le Conseil

L’activité du Conseil en 2010

I - La gestion des fréquences et des services

II - Les autorisations, conventions et déclarations

III - Le suivi des programmes

IV - Les mises en demeure, les sanctions et les saisines de l’autorité judiciaire

V - L'activité contentieuse

VI - Les avis

VII - Les nominations

VIII - Les études et la prospective ; la communication

IX - Les relations internationales

Les membres du Conseil et leurs domaines d'activité

Les communiqués

Les délibérations

Rapport annuel 2010

2010, le CSA au cœur des mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales du numérique : bilan et perspectives

1.  APPORTER LES INNOVATIONS NUMÉRIQUES AU PUBLIC
EN TENANT COMPTE DES BESOINS DES PROFESSIONNELS

Poursuivre l’extension du tout numérique

Réussir le passage au tout numérique

Développer la TNT gratuite et payante

Généraliser la haute définition

Proposer de nouveaux services : les SMAD hertziens et l’interactivité

Poursuivre le développement des télévisions locales

Veiller à une innovation respectueuse des attentes du public comme des professionnels

L’avenir de la diffusion hertzienne

2.  RÉPONDRE À LA DEMANDE SOCIALE CROISSANTE DE RÉGULATION,
SUR TOUS LES SUPPORTS

Garantir le débat démocratique

Assurer la déontologie des contenus sur tous les supports

Assurer la protection de l’enfance sur tous les supports

Renforcer l’accès des personnes handicapées aux médias audiovisuels

Garantir la représentation de la diversité de la société à la télévision

Assurer la protection des consommateurs

Faciliter l’accès des associations aux médias audiovisuels

3.  PROMOUVOIR LES CONTENUS – ET LEUR FINANCEMENT – DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Le financement de la création dans le nouvel univers numérique

Favoriser la création

Le rôle particulier de France Télévisions dans la création

Un rôle international fondé sur la régulation des contenus à destination du public, sur tous les supports

4.  TENIR COMPTE DES IMPÉRATIFS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR
DANS LE CADRE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Un nouveau contexte concurrentiel : le tout numérique

L’évolution des compétences du Conseil sur tous les supports

Des décisions économiques adaptées à ce nouvel univers numérique

 

4. TENIR COMPTE DES IMPÉRATIFS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR DANS LE CADRE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

L’entrée dans l’univers numérique des médias audiovisuels s’est faite de façon accélérée ces dernières années, et sur deux plans parallèles. Le premier, la numérisation de la diffusion hertzienne, est devenu une réalité : l’essor de la TNT a obligé les chaînes à repenser leur stratégie en s’adaptant aux innovations qu’elle peut offrir. Le second mouvement concerne le développement très rapide de la consommation multisupport, notamment de contenus délinéarisés. Il est impensable aujourd’hui de concevoir une stratégie industrielle audiovisuelle qui ne tienne pas compte de la délinéarisation, de l’accès aux contenus et services en ligne et de la concurrence internationale pour les contenus. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le régulateur doit aussi se projeter. Les nouveaux paysages audiovisuels ne peuvent plus se penser comme des univers clos : c’est le signal que le CSA a voulu donner dans son analyse concurrentielle de l’achat par TF1 de TMC et NT1, ou encore dans son avis sur le décret SMAD.

Ce paysage est d’autant plus complexe à analyser, pour le régulateur comme pour les entreprises, qu’il est extrêmement évolutif, que le partage de la valeur peut être bouleversé, que les portes d’accès aux contenus peuvent changer très rapidement. Il y a quelques années, pas si lointaines, le mot de convergence servait à décrire la remontée des fournisseurs d’accès à internet dans l’univers des contenus. Aujourd’hui, s’il y a bien convergence des supports, les télécommunications sont plutôt confrontées au danger de n’être plus que des transporteurs, la monétisation de l’accès aux contenus pouvant se déplacer, par exemple, vers les professionnels des téléviseurs connectés. Ce sont bien sûr ces déplacements de la valeur – et à travers eux le financement de la création – qui intéressent autant les médias numériques que le régulateur.

Un nouveau contexte concurrentiel : le tout numérique

Aujourd’hui, pour le public, la télévision et la radio sont partout, sans distinction entre les écrans, les modes de diffusion, le linéaire ou le non linéaire. La consommation est de plus en plus individualisée et de plus en plus délinéarisée, sur tous les supports, notamment chez les jeunes. La fragmentation des audiences entre médias comme entre supports, et donc celle des recettes publicitaires qui est susceptible d’en découler, sont des phénomènes structurants. La télévision ne plus se résumer au téléviseur familial diffusant un programme fédérateur, même si cet usage perdure.

Les chaînes de télévision traditionnelles ont rapidement perçu la nécessité qu’elles avaient à investir le réseau internet. Elles l’ont fait avec célérité et des services très simples d’usage. La télévision de rattrapage s’est affirmée depuis trois ans comme un usage incontournable, mais dont il faut mesurer l’exacte importance. À titre d’exemple, le site de télévision de rattrapage d’une chaîne (M6 Replay en l’occurrence) enregistre environ 15 millions de visionnages par mois, à comparer aux 3-4 millions de téléspectateurs chaque soir pour la chaîne linéaire. Le marché de la vidéo à la demande, quoiqu’en forte croissance, reste faible : son chiffre d’affaires représente toujours moins de 2 % des abonnements à la télévision payante. Ce développement est donc désormais une évidence, mais son modèle économique n’est pas stabilisé.

Parallèlement, la plateforme hertzienne se modernise et connaît un regain de dynamisme grâce à la TNT et à ses innovations. La diffusion par voie hertzienne, la seule gratuite, est encore l’unique mode de réception pour plus de 60 % des foyers. Ce processus se poursuit comme prévu. Le succès de la TNT s’explique par la qualité et la diversité de chaînes qu’elle procure en mode gratuit, mais aussi par les promesses de développement et d’innovation qu’elle contient. Tout d’abord, la haute définition par voie hertzienne correspond à une attente de nos concitoyens, toujours plus nombreux à s’équiper, et c’est le seul mode de réception qui garantit la HD multiécran simplement. Toutes les chaînes de la TNT ont vocation à passer en haute définition. Par sa consommation de spectre, la diffusion en haute définition signifie un arbitrage entre quantité et qualité pour le téléspectateur. C’est une limite évidente, qui se posera avec beaucoup plus d’acuité pour la télévision en relief (3D). Ce type d’innovations à venir sera donc en grande partie réservé à la télévision en accès payant, par câble, satellite, ou par internet. La question sera de savoir à quels types de services est dévolu l’accès universel.

Par ailleurs, le Conseil a souhaité que le développement de services interactifs, et de services délinéarisés comme la vidéo à la demande, soit aussi possible sur la plateforme hertzienne ; c’est le sens de l’appel à candidatures lancé le 16 novembre 2010.

Enfin, la relance de la TNT payante décidée par le Conseil s’inscrit dans la même logique qui consiste à maintenir la dynamique de la plateforme hertzienne.

Cet univers, enfin, va être perturbé par l’arrivée des téléviseurs connectés, qui apportent un nouveau modèle de complémentarité des plateformes de diffusion. L’apparition des téléviseurs connectés remet le récepteur traditionnel au coeur de l’accès aux nouveaux services. Mais elle représente également un bouleversement dans l’approche des supports de consommation, et donc dans l’organisation de la chaîne de valeur : après avoir cru que l’avenir de la consommation de services audiovisuels à la demande se jouait sur internet, puis sur les téléphones, la possibilité d’accéder aux services à la demande sur le téléviseur est redevenue la préoccupation principale des opérateurs en 2010. D’ores et déjà, plus de 90 % du volume des transactions payantes de VAD sont effectués sur les services IPTV. Les prévisions d’équipement sont très rapides : 2 millions de téléviseurs connectés seront vendus en France cette année d’après le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC) ; en 2012, les téléviseurs devraient être le deuxième terminal fixe connecté le plus répandu derrière les consoles de jeu selon l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE). Si les bénéfices pour le téléspectateur sont indéniables, il est difficile à ce stade de prévoir quel impact auront les téléviseurs connectés sur l’écosystème économique des acteurs audiovisuels traditionnels tels que les éditeurs et les distributeurs, d’autant plus que plusieurs modèles, plus ou moins ouverts ou fermés, cohabitent.

 

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L’évolution des compétences du Conseil sur tous les supports

Au sein d’une même législation, les services sont soumis à des réglementations variables, en fonction de leur nature : contenus linéaires ou à la demande, professionnels ou amateurs, etc. Cela se caractérise plus particulièrement en France par une distinction entre le régime de la communication audiovisuelle et le régime de la communication au public en ligne, qui tend à faire peser de plus lourdes obligations sur les acteurs traditionnels de la télévision.

La régulation du Conseil s’est cependant adaptée à l’évolution de la télévision et de la radio. La loi de 2004, qui introduit cette distinction, donne au CSA la compétence pour les TV et radios en ligne. Concernant les services de médias audiovisuels à la demande et conformément à la loi du 5 mars 2009, le Conseil a dû fixer le périmètre des services concernés par la loi et définir les outils adaptés à ses objectifs qui demeurent constants : la régulation culturelle et sociale, notamment la diversité culturelle des oeuvres proposées, la déontologie, la protection du jeune public. Mais le Conseil a apporté la preuve qu’il savait adapter sa régulation au nouveau contexte technologique et économique en favorisant des formes plus souples de régulation.

Au-delà des services de médias audiovisuels à la demande, il existe tout un univers des contenus audiovisuels diffusés sur internet qui n’est pas, jusqu’à présent, concerné par la régulation du Conseil.

Or, nous sommes entrés dans une ère où la loi accuse toujours un temps retard sur la réalité industrielle, contrairement à la régulation, plus souple et donc plus réactive. C’est un constat que l’on peut faire s’agissant de la protection de l’enfance sur internet : comment expliquer au public qu’il y a des différences de régulation là où il ne voit pas de différences entre les contenus ? Mais c’est aussi un constat du point de vue économique et stratégique : quand il y avait une différence entre écran de télé et écran de PC, cela pouvait encore s’envisager. Mais aujourd’hui, avec les téléviseurs connectés, nous entrons dans une ère où les différences de régulation se matérialisent sur le même écran : si une chaîne diffuse une partie de ses contenus en données associées, ceux-ci sont soumis à la régulation s’ils arrivent par la voie hertzienne, et ne le sont pas s’ils arrivent par la voie connectée. C’est un véritable hiatus réglementaire qui se crée, qui pénalise autant les médias que les téléspectateurs. C’est pour cette raison que le Conseil organise, le 28 avril 2011, un colloque consacré aux téléviseurs connectés.

Des solutions existent, comme celle de la corégulation, celle qui associe les professionnels à la mise en oeuvre, mais elle demeure soumise à l’autorité de régulation. Par exemple, le Royaume-Uni a su avec pragmatisme rechercher la continuité des buts de la régulation sur tous les supports, en créant plusieurs instances ad hoc, plus ou moins liées à l’autorité de régulation, et associant les professionnels, pour aborder des thèmes tels que la publicité sur internet, les jeux vidéos, la protection de l’enfance sur internet, etc. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est le mieux placé pour assurer de telles corégulations. C’est un enjeu qui dépasse l’échelon national, et dont l’Union européenne doit se saisir. Mais même si le droit communautaire a progressé en la matière, la diversité du droit international quant à la diffusion des services peut en outre provoquer une certaine distorsion de concurrence réglementaire. Des acteurs mondiaux ont la latitude d’établir leur service sous des législations relativement libérales et de se soustraire aux différentes obligations spécifiques des droits nationaux. Ce thème doit donc faire l’objet d’un traitement multilatéral, comme l’a proposé le Président de la République dans le cadre du G20 que la France préside en 2011.

 

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Des décisions économiques adaptées à ce nouvel univers numérique

Le 23 mars 2010, le Conseil a donné son accord assorti d’engagements substantiels, notamment dans le domaine du soutien à la création, à l’achat des chaînes TMC et AB1 par le groupe TF1. Il avait déjà, dans son avis rendu en 2009 à l’Autorité de la concurrence, souligné la nécessité de mesures destinées à garantir la concurrence entre les chaînes de la télévision numérique terrestre, notamment dans les domaines de la publicité et de l’achat de droits pour la diffusion de compétitions sportives. Cette opération a été l’occasion de souligner qu’un tel rapprochement ne pouvait pas être considéré, malgré son apparence classique, dans le seul univers de la télévision hertzienne alors qu’aujourd’hui la concurrence se fait sur tous les supports, que les frontières entre gratuit et payant se déplacent, et que Google est un concurrent de TF1. C’est bien une vision globale qui doit prédominer. Une question comme celle des seuils de concentration doit aussi être examinée sous cet angle. Le Conseil a constaté à plusieurs reprises que les entreprises privées audiovisuelles françaises n’ont pas encore la dimension nécessaire pour affronter à armes égales les groupes étrangers. Or il est nécessaire que l’audiovisuel privé soit fort pour soutenir la création française et garantir une offre audiovisuelle riche, tout en veillant à ce qu’elle demeure variée. La justification des concentrations doit être analysée par rapport à ce qu’est la situation de l’audiovisuel aujourd’hui et non par rapport à ce qu’elle était il y a 5 ans. La fragmentation des audiences, l’augmentation de la concurrence, les changements de comportement des téléspectateurs, l’arrivée des opérateurs de télécommunications, le développement de la diffusion de contenus audiovisuels sur internet ont des conséquences sur l’appréciation des opérations de concentration. Cette évolution jurisprudentielle élargit très sensiblement le pouvoir d’appréciation du CSA, qui peut désormais agréer, au besoin sous condition, des modifications substantielles dans le capital ou le format d’un opérateur audiovisuel, dès lors qu’elles ne compromettent pas l’impératif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public.

Autre exemple de pragmatisme, ou plutôt de perception fine du marché, l’avis négatif rendu par le Conseil sur le projet de décret SMAD préparé par le Gouvernement. Lors de son assemblée plénière du 27 septembre 2010, le Conseil a adopté un avis défavorable sur ce projet de texte, au regard notamment de la nécessité de favoriser le développement économique des SMAD dont la rentabilité demeure fragile. Il a insisté sur le caractère émergent de ces services dont l’équilibre économique conditionne le soutien effectif à la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et le développement d’une offre légale de contenus audiovisuels riche et diversifiée. Afin de tenir compte de ces éléments, le Conseil a proposé l’introduction d’une clause de rendez-vous à 18 mois afin d’évaluer l’impact du dispositif sur le secteur et de l’adapter si nécessaire en tenant compte des accords professionnels conclus, de tenir compte du développement économique de ces services et de l’évolution des pratiques de consommation. Il a par ailleurs préconisé la mise en oeuvre d’obligations progressives en matière de contribution financière et de quotas d’oeuvres européennes et EOF disponibles en catalogue. Enfin, il a recommandé que ne soit pas encouragée l’acquisition de droits exclusifs par le préfinancement des oeuvres, afin de favoriser leur large exposition. Cet avis marque la volonté du Conseil de poursuivre les mêmes objectifs de financement de la création sur des terrains nouveaux. Car un texte qui ne correspond pas à une réalité économique ne crée aucun système vertueux sur le long terme. Cet avis tient compte du risque, réel, de délocalisation : d’ores et déjà, le service iTunes d’Apple, localisé au Luxembourg, propose ses films 20 % moins chers que les plateformes françaises. Le Conseil veut créer les conditions favorables à un développement des plateformes françaises, pour qu’elles puissent croître et financer la création sur le long terme. Le Gouvernement a d’ailleurs modifié le projet de décret en fonction des remarques du Conseil.

Le développement de l’audiovisuel sur tous les supports ne doit pas faire perdre de vue qu’il est parfois préférable de choisir la diffusion hertzienne, ou tout au moins d’inventer des articulations nouvelles entre supports selon les usages et les publics ; que le modèle économique multisupport est très incertain et nécessite de trouver un accord entre tous les professionnels sur le partage de la richesse ; que le modèle hertzien est aussi porteur d’enjeux culturels et sociaux majeurs, mais aussi d’universalité d’accès, qui ne doivent pas disparaître dans l’univers d’internet.

 

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Le modèle que le Conseil souhaite bâtir avec les professionnels pour le développement de l’audiovisuel numérique sur tous les supports doit donc prendre appui sur deux complémentarités, entre l’univers hertzien et celui d’internet, d’une part, entre le développement des réseaux, des opérateurs de services et celui des contenus et leur rémunération, d’autre part. C’est un enjeu majeur des années à venir, pour les médias numériques comme pour le régulateur.

Un autre enjeu essentiel pour le Conseil, comme pour les pouvoirs publics, est celui de construire une régulation qui parte davantage des attentes du public, et non uniquement des supports. L’exemple des téléviseurs connectés est frappant : sur un même écran vont apparaître des contenus vidéo semblables ayant des régimes de régulation très différents. Cela pose de multiples questions pour les professionnels comme pour le public. Quel que soit l’angle d’approche, l’innovation, la demande sociale ou les contenus, la conclusion est la même : celle d’une régulation qui suive le mouvement de la révolution numérique, une régulation qui dépasse des frontières juridiques qui apparaissent de plus en plus artificielles, au profit d’une approche par les besoins et les droits, une approche par les contenus audiovisuels, la seule qui garantisse le développement de l’économie numérique, dans toutes ses dimensions, dans un cadre de confiance pour la société.

Ce sont ces défis qui attendent le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a accueilli le 24 janvier 2011 trois nouveaux membres, Mme Francine Mariani-Ducray, M. Nicolas About et M. Patrice Gélinet.

 

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