Rapport annuel
Les annexes du rapport
Summary
CSA - Conseil supérieur de l'audiovisuel
Rapport annuel 2010

Avant-propos

Les chiffres clés du CSA en 2010

Les chiffres clés de l'audiovisuel

Les dates clés du CSA en 2010

Synthèse

2010, le CSA au cœur des mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales du numérique :
bilan et perspectives

Le Conseil

L’activité du Conseil en 2010

I - La gestion des fréquences et des services

II - Les autorisations, conventions et déclarations

III - Le suivi des programmes

IV - Les mises en demeure, les sanctions et les saisines de l’autorité judiciaire

V - L'activité contentieuse

VI - Les avis

VII - Les nominations

VIII - Les études et la prospective ; la communication

IX - Les relations internationales

Les membres du Conseil et leurs domaines d'activité

Les communiqués

Les délibérations

Rapport annuel 2010

V - L'activité contentieuse

1.  LES RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS

2.  LES DÉCISIONS DU CONSEIL D’ÉTAT

Le contentieux relatif aux décisions du CSA de règlement de différend

La légalité de trois délibérations du CSA

Le contentieux relatif aux décisions du CSA rejetant ou autorisant des services radiophoniques

Le contentieux relatif à l’application de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986

Le contentieux des sanctions

Les premières questions prioritaires de constitutionnalité intéressant le Conseil supérieur de l’audiovisuel

Au titre de sa compétence de règlement des différends relatifs à la distribution de services de radio et de télévision, le CSA a été saisi de deux demandes et a pris trois décisions constatant le désistement des requérants ou l’irrecevabilité de la demande.

Dans le même temps, le Conseil d’État, statuant au contentieux, s’est prononcé, pour la première fois, en la matière. Il est en effet compétent pour juger en premier et dernier ressorts de la légalité des décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel. L’année 2010 a d’ailleurs connu une activité contentieuse nourrie, marquée par l’intervention de cinquante décisions du Conseil d’État concernant des décisions du CSA, ainsi que par trois décisions portant sur une question prioritaire de constitutionalité concernant des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ou de la loi du 5 mars 2009.

Dix-huit des décisions de la Haute Juridiction ont rejeté la demande d’annulation et ont, par suite, confirmé la légalité de la décision du CSA. Quatre ont, à l’inverse, annulé une décision du CSA. Par ailleurs, sont intervenues cinq ordonnances du juge des référés du Conseil d’État qui a, par trois fois, rejeté la demande de suspension de la décision du CSA dont il était saisi, et, par deux fois, ordonné sa suspension. Enfin, alors que deux décisions du Conseil d’État ont constaté un nonlieu à statuer et que vingt et une requêtes ont fait l’objet d’une ordonnance de désistement, deux décisions ont porté sur des demandes de transmission au Conseil constitutionnel de questions prioritaires de constitutionnalité relatives à des dispositions de la loi du 30 septembre 1986, – outre une demande du même type relative à la loi du 5 mars 2009, demandes que le Conseil d’État a rejetées.

Une autre question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition de la loi du 30 septembre 1986 a également été rejetée par la Cour administrative d’appel de Paris.

 

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1. LES RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS

Décision n° 2010-523 du 6 juillet 2010 donnant acte du désistement de la société Arte France de sa demande de règlement d’un différend avec la société NC Numericable.

Le différend portait sur la numérotation attribuée au service télévisé Arte dans le nouveau plan de services de la société NC Numericable. Par lettre du 22 juin 2010, la société Arte France a retiré sa demande, dans la mesure où un accord entre elle et la société NC Numericable était intervenu pour l’attribution à Arte, dans le nouveau plan de services du distributeur, du numéro 7 qu’elle sollicitait.

Décision n° 2010-574 du 20 juillet 2010 relative au règlement d’un différend opposant le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes à la société Numericable.

Le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) a saisi le Conseil d’une demande tendant à un règlement du différend qui opposerait les chaînes « indépendantes adhérentes à [ce] syndicat professionnel » à la société Numericable du fait du nouveau plan de services proposé par cette dernière, considéré « discriminatoire à l’égard des chaînes locales ». Le Conseil a rejeté comme irrecevable la demande de ce syndicat, qui n’est pas au nombre des personnes habilitées par l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 à le saisir d’un différend.

Décision n° 2010-730 du 19 octobre 2010 donnant acte du désistement de la société Ensemble TV de sa demande de règlement d’un différend avec les sociétés NC Numericable et Numericable SAS.

Le différend portait sur la numérotation attribuée au service télévisé IDF 1 dans le nouveau plan de services des sociétés Numericable SAS et NC Numericable. La société Ensemble TV a retiré sa demande, au regard des modifications apportées à son plan de services par la société Numericable.

 

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2. LES DÉCISIONS DU CONSEIL D’ÉTAT

Le contentieux relatif aux décisions du CSA de règlement de différend

CE 5/4 SSR, 9 juillet 2010, Société Canal+ Distribution, n° 335336

Le Conseil d’État s’est prononcé le 9 juillet 2010 sur le recours de plein contentieux dirigé par la société Canal+ Distribution contre les deux décisions du 17 décembre 2009 par lesquelles le CSA avait réglé les différends ayant opposé, en matière de numérotation de chaînes de télévision, ce distributeur non hertzien aux sociétés NRJ 12 et BFM TV, éditrices des services du même nom (1).

NRJ 12 et BFM TV souhaitaient que leur soit attribué, dans l’offre CanalSat du distributeur, le numéro « logique » dont elles disposaient sur la TNT ; à titre subsidiaire, NRJ 12 demandait à être rattachée à la thématique « Grandes chaînes généralistes », tandis que BFM TV sollicitait l’attribution d’un autre numéro au sein de la thématique « Information ».

Le CSA avait fait droit aux demandes principales en estimant que le nouvel alinéa 2 de l’article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 (2) faisait obstacle à ce que le distributeur ait pu positionner les seules chaînes dites « historiques » (3) sur leur numéro logique au travers de leur positionnement thématique, à la différence des autres chaînes gratuites de la TNT ; il avait, par ailleurs, rejeté les demandes subsidiaires.

Le Conseil d’État, dont le juge des référés avait préalablement prononcé la suspension des décisions attaquées (4), a considéré au contraire que dans l’hypothèse où, en application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 34-4, le distributeur a créé un bloc commençant à partir d’un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent et regroupant, dans le respect de l’ordre de la numérotation logique, l’ensemble des chaînes gratuites de la TNT, «les mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce que le numéro qu’il attribue à ces chaînes dans la partie de son plan de services organisée par thématiques se trouve être, pour certaines, identique à leur numéro logique et, pour d’autres, différent de ce numéro ; qu’il incombe alors seulement au distributeur, en vertu des dispositions précitées de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, de définir les thématiques de son plan de services, leur ordonnancement et celui des chaînes appartenant à une même thématique selon des critères équitables, transparents, homogènes et non discriminatoires, le cas échéant en se conformant aux recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatives au respect de ces dispositions ».

La Haute Juridiction a en outre considéré qu’eu égard aux différences de programmation des chaînes de la TNT, la circonstance, par l’effet de l’organisation du plan de services par thématiques, que seules certaines d’entre elles se soient vu attribuer un numéro identique à leur numéro logique ne caractérisait pas, par elle-même, une discrimination prohibée par les dispositions de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Elle a donc annulé la décision de règlement de différend. Statuant alors, en sa qualité de juge de plein contentieux sur les demandes qui avaient été soumises au CSA, elle a, d’une part, rejeté la demande de NRJ 12, dont la programmation effective justifiait le rattachement à la thématique « Séries et divertissement », et, d’autre part, enjoint à la société Canal+ Distribution d’attribuer à la chaîne BFM TV, dans la thématique « Information », « un emplacement justifié par des critères objectifs, appliqués de manière homogène », dès lors que la nature de l’information diffusée par cette chaîne ne justifiait pas qu’elle fût placée à distance de ses concurrentes directes, i>Télé et LCI.
 

(1) NRJ 12 avait également attaqué de précédentes décisions du CSA rejetant des demandes de règlement de différends comparables et impliquant le même distributeur. Par décision du même jour, le Conseil d’État a prononcé un non-lieu à statuer sur ces requêtes, en raison de l’intervention de la décision du 17 décembre 2009 qui s’était entièrement substituée aux précédentes (CE 5/4 SSR, 9 juillet 2010, Société NRJ 12, nos 309352 et 309353).
(2) Issu de l’article 18 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 et selon lequel « les distributeurs de services dont l'offre de programmes comprend l'ensemble des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, s'ils ne respectent pas la numérotation logique définie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour la télévision numérique terrestre, doivent assurer une reprise de ces services en respectant l'ordre de cette numérotation. Dans ce cas, la numérotation doit commencer à partir d'un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent, sans préjudice de la reprise de ces services dans l'ensemble thématique auquel ils appartiennent ».
(3) TF1, France 2, France 3, Canal+ en clair, France 5, M6 et Arte.
(4) CE ord. réf, 16 février 2010, Société Canal+ Distribution, n° 335337.

 

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La légalité de trois délibérations du CSA

CE 5/4 SSR, 2 juin 2010, Société CanalSatellite, n° 309618

Le Conseil d’État a rejeté la requête de la société CanalSatellite tendant à l’annulation de la délibération du 24 juillet 2007 par laquelle le CSA a précisé les obligations auxquelles sont soumis les distributeurs de services n’utilisant pas des fréquences assignées par lui, s’agissant de la numérotation des services de télévision diffusés en mode numérique.

Hormis le passage par lequel le CSA avait simplement « [estimé] souhaitable » la mise en place d’un « bloc thématique TNT » dans le plan de services des distributeurs (1), cette délibération présente un caractère réglementaire dans la mesure où elle contient des règles impératives à portée générale. La Haute Juridiction a considéré que le CSA avait pu compétemment édicter de telles normes, qui trouvaient leur fondement dans les dispositions de l’article 3-1 de la loi de 1986, de la même manière qu’elle avait admis, au regard des dispositions des articles 3-1 et 15 de la même loi, que l’autorité de régulation ait pu adresser des recommandations contenant des prescriptions en matière de protection de l’enfance (2).

Le Conseil d’État a par ailleurs relevé que le CSA n’avait restreint la liberté des distributeurs dans l’organisation de leur plan de services qu’en leur imposant de fonder le rattachement d’une chaîne à une thématique donnée sur des critères objectifs et quantifiables au regard de la programmation de cette chaîne ou de sa convention avec le Conseil, d’appliquer de manière homogène à l’ensemble des thématiques les critères objectifs et vérifiables qu’ils auraient choisis pour la détermination de l’ordre des chaînes en leur sein, la délibération en ayant proposé une liste à titre purement indicatif, et d’assurer la transparence des principes et critères selon lesquels ils auraient organisé leur plan de services. Il a considéré, pour rejeter la requête de la société CanalSatellite, que le CSA n’avait, ce faisant, « ni excédé ses pouvoirs, ni méconnu les dispositions législatives alors en vigueur », et que les règles ainsi définies n’apparaissaient pas « manifestement inappropriées au regard des buts poursuivis ».
 

(1) Ce voeu a trouvé depuis une traduction législative avec la modification de l’article 34-4 de la loi de 1986 par l’article 18 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009.
(2) CE 5/4 SSR, 9 février 2005, Société Canal Calédonie, n° 265869 ; 17 mai 2006, Association Comité télévision et libertés, 17 mai 2006, n° 263081.

CE 5/4 SSR, 26 mai 2010, Société Baby First, n° 320863

La société Baby First, établie aux États-Unis et éditant une chaîne de télévision destinée aux enfants de moins de trois ans dont les programmes sont disponibles en France, demandait l’annulation de la délibération du 22 juillet 2008 par laquelle le CSA a décidé d’encadrer la distribution de tels services, exigeant des distributeurs qu’ils favorisent l’information sur les conséquences néfastes de la télévision pour ces enfants, et interdisant aux éditeurs établis en France de diffuser ou de promouvoir des programmes visant spécifiquement ceux-ci.

Le Conseil d’État a rejeté cette requête, considérant que le CSA n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant que l’exposition de très jeunes enfants à la télévision, y compris à des programmes présentés comme spécifiquement conçus pour eux, pouvait entraîner des troubles dans leur développement et que la présence et l’appui d’un adulte étaient nécessaires lorsque de très jeunes enfants regardaient de tels programmes, la prise de conscience de ces faits par les adultes nécessitant une information à leur attention.

La Haute Juridiction a ainsi confirmé la légalité de l’obligation faite par le CSA aux distributeurs d’adresser régulièrement à leurs abonnés (dans leurs supports de communication et les contrats d’abonnement) un message mettant en garde contre les risques de la télévision pour les enfants de moins de trois ans, même lorsqu’il s’agit de services présentés comme spécifiquement conçus pour eux. Le Conseil d’État a également estimé que le message d’avertissement que le distributeur doit, en vertu de la délibération, diffuser sur son écran et sur celui de l’éditeur ne constitue pas une rupture du principe d’égalité dès lors qu’il concerne tant les chaînes destinées aux très jeunes enfants que les autres programmes. Il a en outre confirmé la légalité de l’interdiction de la promotion des services présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans.

CE 5/4 SSR, 4 octobre 2010, Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes,
n° 336918

Le Conseil d’État a rejeté la requête de ce syndicat tendant à l’annulation de la délibération du 10 novembre 2009 fixant les conditions d’application des dispositions introduites à l’article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 par l’article 77 de la loi du 5 mars 2009 et prévoyant désormais, pour les services à vocation locale, que les comités techniques radiophoniques (CTR) peuvent statuer, dans des conditions fixées par le CSA, sur la reconduction des autorisations, sur les demandes de modification non substantielle des éléments de l’autorisation ou de la convention et sur la délivrance d’autorisations temporaires.

La Haute Juridiction a relevé - s’il résultait des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de cette disposition qu’il avait été envisagé que les CTR exerceraient leurs nouvelles compétences à l’égard des services radiophoniques de catégorie B après une année d’application du nouveau dispositif à l’égard des services de catégorie A – que la loi telle qu’elle est finalement entrée en vigueur n’a pas prescrit une telle application progressive. Il appartenait au législateur, s’il entendait conférer un caractère progressif au transfert de compétences qu’il mettait en place au profit des comités techniques, de le prévoir explicitement.

 

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 Le contentieux relatif aux décisions du CSA rejetant ou autorisant des services radiophoniques

Outre une décision par laquelle il a rejeté le recours exercé contre une décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel autorisant le changement de catégorie d’un service radiophonique (1), le Conseil d’État s’est prononcé, en 2010, à douze reprises sur la légalité de décisions du CSA ayant rejeté ou retenu la candidature de sociétés pour l’exploitation de services radiophoniques.

Il a accueilli deux de ces recours pour excès de pouvoir et rejeté les dix autres.
 

(1) CE, 5e SS, 2 juin 2010, Association toulonnaise pour la communication et SIRTI, n° 319042.

CE 5/4 SSR et 5e SS, 2 juin 2010, Association Radio Horizon, nos 335073 et 335075

À la suite de l’annulation par le Conseil d’État de l’autorisation accordée à l’association Maryse Bastié et du rejet de la candidature de l’association Radio Horizon pour l’exploitation de la fréquence 88,4 MHz dans la zone de Corbeil-Essonnes (1), le CSA a décidé de rouvrir un appel à candidatures pour la réattribution de cette fréquence.

Sur requête de l’association Radio Horizon, le Conseil d’État a annulé cette décision, dont la suspension avait été ordonnée par le juge des référés (2), et précisé les conséquences à tirer de l’annulation juridictionnelle d’une autorisation d’exploiter un service de radio par voie hertzienne.

Il a jugé, dans un tel cas :

  • qu’il appartient en principe au CSA de statuer à nouveau au vu des candidatures présentées dans la zone concernée, dans le cadre de la procédure ayant conduit à cette autorisation, après avoir invité les candidats à confirmer et à compléter, le cas échéant, leur dossier de candidature ;
  • que le Conseil ne doit ouvrir un nouvel appel à candidatures que si le vice censuré par l’annulation a entaché d’irrégularité l’ensemble de la procédure d’attribution, si l’évolution des circonstances de droit depuis la date de la décision initiale l’exige ou si une évolution des circonstances, de fait, rend manifestement impossible l’attribution de la fréquence sans nouvel appel.

Par une décision distincte du même jour, le Conseil d’État a ainsi enjoint le CSA de réattribuer dans un délai de trois mois la fréquence 88,4 MHz en réexaminant les candidatures présentées dans le cadre de l’appel initial, et qu’il n’avait pas retenues.
 

(1) CE 5/4 SSR, 21 octobre 2009, Association Radio Horizon, n° 310431.
(2) CE ord. réf., 5 février 2010, Association Radio Horizon, n° 335074.

 

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 Le contentieux relatif à l’application de l’article 42-3 de la loi
du 30 septembre 1986

Cet article prévoit notamment que « l’autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement ». La jurisprudence admet que, si elle n’est prévue par aucun texte, la décision par laquelle le Conseil agrée une modification de la composition du capital social d’une société exploitant un service audiovisuel se rattache à ces dispositions. En donnant son agrément, le Conseil déclare implicitement que la modification envisagée n’est pas de nature à entraîner un retrait de l’autorisation détenue par la société (1).

Trois décisions du Conseil d’État intervenues en 2010 sont venues préciser la lecture faite par le juge de cette disposition légale.

Deux décisions rendues le 26 mai 2010 ont rappelé que l’article 42-3 ne comporte pas d’obligation pour le CSA de retirer une autorisation en cas de modification capitalistique, mais qu’il lui appartient de rechercher si celle-ci est de nature à remettre en cause les choix opérés lors de sa délivrance.

La première des affaires (CE 5/4 SSR, Société NextRadio TV, n° 320775) concernait l’agrément donné par le CSA à l’acquisition, par la société Lagardère Active Broadcast, de la totalité du capital de la société Sport FM, éditrice du service radiophonique Sport M’X (devenu « Europe 1 Sport »). La seconde (CE 5/4 SSR, Commune de la Roche-sur-Yon et Association pour la promotion et la gestion du canal local « Canal 15 », n° 317751) intéressait l’agrément donné à l’avenant à la convention de la chaîne locale Télé 102 par lequel la société Vendée Images est entrée, à hauteur de 70 %, au capital de la société Ouest communication, éditrice de la chaîne.

Le Conseil d’État a confirmé la légalité du premier agrément attaqué, et annulé le second. Dans la première affaire, il a relevé que la cession de capital avait certes pour effet la mise en place d’une nouvelle direction et un changement de siège social et de dénomination du service, mais qu’elle n’entraînait ni changement substantiel du format ou du contenu du programme, ni changement de catégorie du service ; il a souligné les garanties d’indépendance apportées à l’équipe rédactionnelle ainsi que « l’abondance de l’offre radiophonique dans la zone d’émission de Paris » pour considérer que le CSA n’avait pas entaché sa délibération d’illégalité.

Dans la seconde affaire, le Conseil d’État a censuré l’agrément attaqué, considérant que le CSA n’avait pas tenu compte du nombre d’autorisations détenues par la SAEM Vendée Images à la date de sa décision d’agrément (1er avril 2008), de sorte qu’en l’espèce, le Conseil avait commis une erreur de droit au regard de l’impératif de diversification des opérateurs.

Par une décision solennelle du 30 décembre 2010 (CE Sect., Société Métropole Télévision, n° 338273), le Conseil d’État a précisé que, pour l’application de l’article 42-3, le CSA doit « déterminer, en prenant en compte les circonstances de fait et de droit à la date où il se prononce, notamment en ce qui concerne la diversité des opérateurs, si les modifications envisagées sont, eu égard, le cas échéant, aux engagements pris par les opérateurs intéressés pour en atténuer ou en compenser les effets, de nature à compromettre l’impératif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public et justifient, par suite, une abrogation de l’autorisation initialement accordée ».

Il s’agissait dans cette affaire, pour le Conseil d’État, d’apprécier la légalité de la décision du 23 mars 2010 par laquelle le CSA avait donné son agrément à l’opération d’acquisition, par la société TF1, de l’intégralité du groupe AB. À l’issue de cette opération, la société TF1 détient 100 % du capital et des droits de vote de la société NT1 et 80 % du capital et des droits de vote de la société TMC, à travers la détention de 100 % du capital de la société Monte-Carlo Participation.

Le juge a considéré que l’opération en cause « n’était pas d’une ampleur ou d’une nature telles [que le CSA] devait refuser son agrément ». Il a confirmé que le CSA pouvait légalement tenir compte, pour déterminer s’il devait agréer les modifications envisagées, « des engagements relatifs à la garantie du pluralisme, à la qualité des programmes et au soutien de la programmation » (2) ainsi que « des équilibres du secteur de la télévision numérique terrestre à la date à laquelle il a pris sa décision » (3). Il a relevé que le CSA « [avait] pu, sans erreur d’appréciation, relever, d’une part, que l’opération litigieuse présentait un risque limité au regard de l’objectif fondamental de pluralisme et de la nécessité de ne pas compromettre l’intérêt, pour le public, des deux chaînes acquises par TF1, d’autre part, que ce risque pouvait être prévenu par les engagements souscrits devant lui ». En effet, l’ensemble des engagements souscrits, d’une part, devant l’Autorité de la concurrence, (4) d’autre part, auprès du CSA, « appréciés globalement » étaient « de nature à préserver la diversité de l’offre de programmes et à garantir le maintien d’une ligne éditoriale propre à chacune des trois chaînes ».

Par ailleurs, le Conseil d’État a considéré que l’opération concernée ne compromettait pas le maintien d’une diversité suffisante des opérateurs dès lors qu’en 2003, « lorsque TMC et NT1 se sont vu attribuer leurs autorisations, étaient présentes sur la télévision numérique terrestre gratuite, outre les chaînes du secteur public et les chaînes privées « historiques », […] cinq autres chaînes, dont quatre étaient détenues par de nouveaux opérateurs » et que « seront présentes après l’opération [en cause] outre les chaînes publiques et privées historiques, neuf autres chaînes, dont quatre détenues par des opérateurs historiques et cinq par des opérateurs « indépendants » ».

Ainsi, cette évolution jurisprudentielle élargit très sensiblement le pouvoir d’appréciation du CSA, qui peut désormais agréer, au besoin sous condition, des modifications substantielles dans le capital ou le format d’un opérateur audiovisuel, dès lors qu’elles ne compromettent pas l’impératif fondamental de pluralisme et l’intérêt du public.
 

(1) V. en ce sens concl. D. Chauvaux sur CE, 5/3 SSR, 28 juillet 1999, Sociétés EMAP France et EMAP International, n°196861.
(2) Notamment : CE 5/3 SSR, 16 octobre 1998, Société NRJ, n° 183780.
(3) CE 5/4 SSR, 26 mai 2010, Société NextRadioTV, n° 320775 ; 5/4 SSR, 26 mai 2010, Association pour la promotion et la gestion du canal local « Canal 15 », n° 317751.
(4) Voir la décision du même jour, CE Sect., Société Métropole Télévision, n° 338197.

 

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 Le contentieux des sanctions

CE 5/4 SSR, 22 octobre 2010, Société Vortex, nos 324614 et 329280

Sur le fondement de sa délibération du 10 février 2004, aux termes de laquelle « aucun service de radiodiffusion sonore ne doit diffuser entre 6 heures et 22 h 30 des programmes susceptibles de heurter la sensibilité des auditeurs de moins de seize ans », le CSA a prononcé, le 22 juillet 2008, une sanction pécuniaire d’un montant de 200 000 € à l’encontre de la société Vortex, après la diffusion à l’antenne du service Skyrock, dès 21 heures, de propos décrivant de façon crue, détaillée et banalisée certaines pratiques sexuelles.

Pour rejeter, par décision du 20 octobre 2010, le recours exercé par la société Vortex contre cette mesure, le Conseil d’État a considéré que « eu égard à la gravité du manquement et au caractère répété des agissements de la société Vortex contraires à ses obligations, la sanction prononcée n’[était] pas excessive ».

Le Conseil d’État a, pour la première fois, explicitement considéré qu’il ne résultait « ni des dispositions de la loi [du 30 septembre 1986] ni d’aucun texte ou principe général du droit que les mises en demeure adressées sur le fondement de l’article 42 de la loi auraient une validité limitée dans le temps » ; il a, en outre, confirmé qu’une même mise en demeure pouvait servir de fondement à plusieurs décisions sanctionnant la méconnaissance des mêmes obligations.

La société Vortex ayant été mise en demeure, le 17 décembre 2004, de respecter les obligations précitées et ayant réitéré des agissements contraires à ces obligations en dépit d’une sanction pécuniaire d’un montant de 50 000 € prononcée le 31 janvier 2006, le CSA n’était ainsi pas tenu de lui adresser une nouvelle mise en demeure avant de prononcer, en juillet 2008, une nouvelle sanction.

Les juges ont, par ailleurs, considéré que le CSA « [avait] fait une exacte application des dispositions » de la loi de 1986 en ayant rejeté la demande de l’éditeur tendant à ce que fût substituée à la sanction la mise en place d’un comité de suivi médicopsychologique, « lequel n’est pas au nombre des sanctions limitativement énumérées par l’article 42-1 qu’il peut prononcer et ne constitue d’ailleurs pas une sanction ».

 

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 Les premières questions prioritaires de constitutionnalité intéressant le Conseil supérieur de l’audiovisuel

L’article 61-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, ouvre à tout justiciable la possibilité de soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire « qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Les textes (1) pris pour l’application de cette disposition donnent compétence au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour décider si le Conseil constitutionnel doit être saisi de la question soulevée (2).

Dès les premiers mois d’application de cette nouvelle procédure, trois affaires relatives aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ont été engagées, outre une demande de la société Métropole Télévision qui, à l’occasion d’une requête en annulation dirigée contre le décret du 21 octobre 2009 relatif à la contribution audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, a demandé au Conseil d’État de saisir le Conseil constitutionnel de sa demande tendant à la reconnaissance du caractère prétendument inconstitutionnel de l’article 91 de la loi du 5 mars 2009 ; cette demande a été rejetée (CE 5e SS, 29 octobre 2010, Société Métropole Télévision, n° 334914).
 

(1) Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ; décret n° 2010-148 du 16 février 2010.
(2) Si la question est soulevée devant une juridiction du fond, celle-ci décide ou non de la transmettre au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, seuls compétents pour saisir le Conseil constitutionnel. Pour être transmise, la question doit mettre en cause une disposition législative applicable au litige à l’occasion duquel elle est soulevée ; elle doit être nouvelle, c'est-à-dire qu’elle ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution, sauf changement de circonstances ; elle ne doit pas, enfin, être dépourvue de caractère sérieux.

CE 5/4 SSR, 18 juin 2010, Société Canal+, n° 338344

L’article 42-4 de la loi du 30 septembre 1986 permet au Conseil d’ordonner, à titre de sanction, l’insertion dans les programmes d’un éditeur de services de communication audiovisuelle d’un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion.

Par une décision du 18 juin 2010, le Conseil d’État a rejeté la demande de la société Canal+ tendant au renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce qu’auraient été contraires au principe constitutionnel des droits de la défense les dispositions procédurales de l’article 42-4 aux termes desquelles « le Conseil supérieur de l’audiovisuel demande à l’intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en oeuvre la procédure prévue à l’article 42-7 ».

Le Conseil d’État a considéré que le délai abrégé de deux jours francs ne s’appliquait qu’au recueil des observations de l’éditeur sur le contenu et les modalités de diffusion du projet de communiqué ; quant à l’étape préalable de la constatation par le CSA du manquement justifiant le prononcé de la sanction, il a indiqué que, comme l’avait déjà énoncé le Conseil constitutionnel (1), les dispositions de l’article 42-4 n’avaient « ni pour objet ni pour effet » de soustraire le CSA au respect des droits de la défense, « qui implique, même dans le cas où la procédure de sanction prévue à l’article 42-7 n’a pas été mise en oeuvre, que l’éditeur ait été mis à même tant d’avoir accès au dossier le concernant que de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés, en disposant à cette fin d’un délai suffisant eu égard à la nature des griefs ».
 

(1) Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989.

CAA Paris, ordonnance du 8 juillet 2010, Conseil supérieur de l’audiovisuel, n° 09PA05578

À l’occasion d’un contentieux indemnitaire engagé contre l’État (le CSA) par la société Vortex, celle-ci a soulevé, dans le cadre de l’instance en cours devant la Cour administrative d’appel de Paris, une question prioritaire de constitutionnalité tirée d’une méconnaissance, par les dispositions de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, du droit au recours effectif et de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité, d’intelligibilité et de clarté de la loi.

Le président de la 3e chambre de la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que la question portant sur la constitutionnalité du second alinéa de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 ne présentait pas un caractère sérieux et a refusé de transmettre cette question au Conseil d’État à fin de transmission au Conseil constitutionnel. En effet, d’une part, il a relevé que les dispositions de l’article 32, qui sont suffisamment claires, laissent « au pétitionnaire un délai d’un mois pendant lequel il peut attaquer utilement à la fois les autorisations de fréquences accordées à des concurrents et le refus qui lui a été opposé ; qu’il n’est ainsi pas porté atteinte au contrôle que le juge peut exercer sur les autorisations ou les refus d’autorisations de fréquences » ; d’autre part, il a constaté que la question du respect effectif du délai d’un mois prévu par le second alinéa de l’article 32 ne saurait être soumise au Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de renvoi des questions de constitutionnalité.

CE 5/4 SSR, 4 octobre 2010, Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes,
n° 336918

Le CSA a adopté, le 10 novembre 2009, une délibération fixant les conditions d’application des dispositions de l’article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de l’article 77 de la loi du 5 mars 2009 et relatif aux nouvelles compétences des comités techniques radiophoniques (voir chapitre II-8 - L’activité des comités technique radiophoniques).

À l’occasion de sa demande tendant à l’annulation de cette délibération, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes a saisi le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité tendant à faire constater que les dispositions de l’article 77 de la loi du 5 mars 2009 auraient porté atteinte au principe d’égalité tel qu’il est notamment garanti par les stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d’État a considéré qu’il n’y avait pas lieu de transmettre à ce dernier la question soulevée, estimant que l’article 29-3, qui prévoit que « les services audiovisuels relèvent, pour certaines des décisions les concernant, d’autorités administratives différentes selon qu’ils constituent des services à vocation locale ou des services à vocation nationale », ne méconnaissait pas sérieusement le principe d’égalité. Il a en effet relevé que cette différence de traitement était « justifiée par l’objectif de remédier aux lourdeurs et aux difficultés qu’entraîne une gestion centralisée d’un grand nombre d’autorisations accordées sur tout le territoire » et qu’elle répondait donc « à un but d’intérêt général et demeure en rapport direct avec l’objet de ces dispositions ».

 

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