Annexes du rapport d'activité 2005
Synthèse rapport d'activité Annexes
Annexes du rapport d'activité 2005
Introduction
Les chiffres clés du CSA en 2005
Les dates clés de l'année 2005
Les événements marquants de l'activité du Conseil en 2005
La gestion des fréquences
Les autorisations, conventions et déclarations
Le contrôle des programmes
Les sanctions et les saisines du procureur de la République
L'activité contentieuse
Les avis
Les nominations
Les études et la communication
Les relations internationales
Le Conseil
   

Les membres du Conseil et leurs domaines d'activité
Les avis
Les résultats de délibérations
Les décisions
Les recommandations
Les communiqués
 

VI. L'activité contentieuse

     > La délivrance des autorisations
        La procédure d'appel à candidatures
        La mise en œuvre des critères de sélection pour la délivrance des autorisations
        Le juge des référés peut suspendre une décision de refus d'autorisation
     > Le contrôle des programmes et l'exercice du pouvoir de sanction
        Les modalités de contrôle des obligations de programme
        Le contrôle des opérateurs de réseaux satellitaires relevant de la compétence de la France
        L'interdiction des programmes portant ouvertement atteinte aux principes essentiels
        de la liberté de communication

     > Le pluralisme d'expression politique
     > La qualification européenne des œuvres
     > L'interruption publicitaire d'une œuvre cinématographique
     > L'encadrement de la diffusion à la télévision des programmes de catégorie V
     > Le pluralisme capitalistique interne des services de télévision

L'année 2005 a été particulièrement riche sur le plan contentieux. Pas moins de 60 décisions ont été rendues par le Conseil d'État qui, comme à l'égard des autres autorités administratives collégiales à compétence nationale, est compétent, sur le fondement du 4° de l'article R. 311-1 du Code de justice administrative, pour juger, en premier et dernier ressort, de la légalité des décisions administratives adoptées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans l'exercice de ses missions de régulation de l'audiovisuel.

Comme chaque année, la grande majorité des décisions juridictionnelles concerne le contentieux relatif aux procédures de mise en concurrence et de sélection des candidats à la délivrance des autorisations d'usage de fréquences radioélectriques pour l'édition des services de radio ou de télévision.

Toutefois, les apports jurisprudentiels les plus marquants de l'année 2005 concernent la question du contrôle des programmes, les modalités de contrôle du pluralisme d'expression politique, la qualification et l'interruption des œuvres, les modalités de diffusion des programmes de catégorie V (programmes de grande violence ou à caractère pornographique) et l'agrément à la modification des organes de direction d'une société titulaire d'une autorisation.

 

 

La délivrance des autorisations

En vertu de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est compétent pour attribuer les autorisations d'usage de fréquences pour l'exploitation des services de radio et de télévision dans le cadre d'une opération complexe d'appel à candidatures.

En 2005, le Conseil d'État a été saisi de la légalité des décisions finales de sélection des candidatures le conduisant à confirmer sa jurisprudence sur les actes préparatoires et à préciser le sens et la portée des critères de sélection et des objectifs fixés par la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

la procédure d'appel à candidatures

La procédure d'appel à candidatures impose d'abord au Conseil supérieur de l'audiovisuel de dresser la liste des candidatures recevables. Pour l'exploitation des services de radio, le 4e alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que les déclarations de candidatures indiquent notamment l'objet et les caractéristiques générales du service, ainsi que les caractéristiques techniques d'émission.

En 2005, le Conseil d'État a rappelé qu'il appartient aux candidats de présenter, dans les délais impartis, un dossier complet contenant les informations prévues par le 4e alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'inviter les candidats à lui fournir les compléments susceptibles de combler les éventuelles insuffisances ou lacunes des dossiers qu'ils présentent. Ce faisant, il a confirmé l'irrecevabilité d'une candidature omettant d'indiquer dans quelle catégorie de service elle était présentée, d'autant que les éléments très lacunaires de son dossier ne permettaient pas de l'établir (CE, 27 juin 2005, SARL Production 1, 263383).

Avant sa modification par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, le 7e alinéa de l'article 29 de la loi précitée disposait qu'au vu des déclarations de candidature enregistrées, le Conseil arrêtait une liste des fréquences pouvant être attribuées dans la zone considérée, accompagnée des indications concernant les sites d'émission et la puissance apparente rayonnée. En 2005, le Conseil d'État a confirmé que la liste des fréquences constitue « une mesure préparatoire » et n'a pas, par conséquent, le caractère d'une « décision faisant grief » susceptible d'être déférée à la censure du juge de l'excès de pouvoir (CE, 7 février 2005, Association Agora, 255441). La même solution a été confirmée en ce qui concerne la liste des candidats présélectionnés avec lesquels le Conseil supérieur de l'audiovisuel envisage de négocier la convention prévue à l'article 28 de la loi de 1986 (CE 10 août 2005 Association Devcom, 261734).

 

 

la mise en œuvre des critères de sélection pour la délivrance des autorisations

La sélection des candidats à l'autorisation s'opère au regard de critères d'inégale importance fixés par les dispositions du 8e alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

Les critères du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de la diversification des opérateurs

Le principe de diversité des programmes prévu à l'article 1er de la loi dont découlent les impératifs prioritaires de pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversification des opérateurs permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel de sélectionner « les projets locaux qui permettent l'expression des courants socioculturels existant dans la zone » (CE, 27 juin 1997, SARL Cirtes, T. p. 1056.) , les candidatures présentant un format inédit (CE, 14 juin 2002, Société Vortex, 213283.) ou celle d'une catégorie absente ou moins représentée dans la zone (CE, 17 octobre 1997, Société Belenos Alsace, T. p. 1056.) .

En 2005, le Conseil d'État a confirmé que ces critères justifient de retenir la candidature d'une radio proposant un format inédit (CE, 12 janvier 2005, Association Junior, 256698 ; 7 février 2005, Société Vortex, 260211 et Société Canal 9, 264486 ; 23 mars 2005, Société Vortex, 264486) ou de privilégier une catégorie absente ou moins représentée dans la zone d'attribution (CE, 23 mars 2005, Société Vortex, 265241 et 264485) sans pour autant contraindre le CSA à accorder une autorisation d'usage de fréquence dans chacune des catégories pour lesquelles l'appel à candidatures a été ouvert (CE 12 décembre 1997, Société RTL-Ediradio, p. 489.) (CE, 13 juin 2005, Société d'exploitation de la radio finance, 260351, mentionnée aux tables du Recueil Lebon).

Le Conseil d'État a également estimé que, pour apprécier l'intérêt du projet pour le public de la zone, le CSA pouvait légalement prendre en compte, d'une part, la vocation culturelle du service, eu égard aux traditions historiques locales, pour attribuer une fréquence supplémentaire à une radio associative (catégorieA) alors même que sont déjà représentées dans la zone quatre radios de cette catégorie (CE, 13 juin 2005, Société d'exploitation de radio finance, précité), d'autre part, les programmes déjà diffusés dans la zone en FM pour départager des candidats à la délivrance d'une autorisation en ondes moyennes (CE, 10 août 2005, Association Devcom, 261734). Il a aussi jugé que le CSA pouvait se référer aux engagements conventionnels d'un service déjà autorisé sans avoir à engager au préalable des investigations complémentaires tendant à vérifier si cette radio respectait concrètement ses engagements contractuels (CE, 10 août 2005, Sociétés BTV et VDOM, 261664).

Enfin, la Haute Assemblée a eu l'occasion de préciser la portée de sa jurisprudence relative à la priorité accordée aux projets locaux (Voir notamment CE 27 juin 1997, SARL Cirtes, précitée.) en jugeant que, dans une zone où sont autorisés deux services de radiodiffusion sonore - l'un en catégorie A (service associatif diffusant un programme d'intérêt local), l'autre en catégorie E (service généraliste à vocation nationale) -, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut écarter une candidature en catégorie C qui propose un service local diffusant également le programme musical d'un réseau thématique à vocation nationale - soit un format inédit dans la zone - pour attribuer la fréquence disponible à un service de catégorie B qui se borne à proposer un programme d'intérêt local déjà présent dans la zone, sans faire une inexacte application du critère de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels (CE, 13 juin 2005, SARL Nord Aquitaine Radio, 265899).

 

 

Le critère du financement et des perspectives d'exploitation

Parmi les critères secondaires de sélection des candidatures fixés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel tient également compte du financement et des perspectives d'exploitation du service dont l'appréciation constitue, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État (CE 28 septembre 1994 SARL Contact Distribution et autres, T. p. 1169.) , un critère déterminant pour apprécier les mérites d'un projet radiophonique, alors même qu'un tel motif n'est pas au nombre de ceux qui sont regardés comme des impératifs prioritaires par l'article 29 précité.

Sur ce fondement, le Conseil d'État a confirmé en 2005 que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est fondé à rejeter une candidature dont la situation financière et économique n'offre aucune garantie quant à sa capacité d'assurer de façon durable l'exploitation effective du service. En l'espèce, la société candidate se trouvait dans une situation structurellement déficitaire et son résultat d'exploitation était constamment négatif (CE, 12 janvier, 16 et 23 mars, 18 mai, 13 et 14 juin et 6 juillet 2005, Société Canal 9, 264483, 259188, 265902, 265831, 264488, 264484, 255443, 266197, 269842, 270210 et 270620).

La même solution a également été retenue à l'égard d'une société candidate à l'exploitation d'un service de télévision diffusé en mode numérique (TNT) pour lequel le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne disposait pas de la composition définitive du capital lors de la sélection des projets et n'avait pas connaissance de lettres d'engagement d'organismes bancaires garantissant le recours à l'emprunt nécessaire pour financer le projet (CE, 23 février 2005, Société ETV Média, 259676).

Les refus d'autorisation justifiés par des contraintes de programme

Dans un contexte de saturation du spectre radioélectrique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, dans une zone géographique, être confronté à une alternative consistant, soit à ne pouvoir dégager aucune fréquence pouvant être attribuée à tous les candidats potentiels - donc restreindre la liberté de communication -, soit à envisager l'usage conditionné d'une ou plusieurs fréquences pour l'attribuer à un ou plusieurs programmes déterminés dont la diffusion peut ne pas être altérée par les brouillages liés à la diffusion du ou des mêmes programmes sur les fréquences adjacentes dans des zones géographiques voisines.

La question s'est posée dans le cadre d'un appel à candidatures où la seule fréquence pouvant être autorisée dans une zone déterminée était assortie d'une contrainte de programme liée à l'exploitation d'un service sur des fréquences adjacentes diffusées dans des zones voisines. Dans le souci d'une utilisation optimale de la ressource hertzienne et compte tenu des contraintes techniques de planification de la seule fréquence disponible dans cette zone, le CSA avait estimé que l'autorisation d'un autre programme que celui du service en cause entraînerait une exploitation très limitée et serait source de brouillage, ce qui l'a conduit à retenir la seule candidature compatible avec cette contrainte et rejeté, pour ce motif, les autres candidatures.

 

 

Des candidats malheureux ont demandé au Conseil d'État d'annuler les décisions rejetant leur candidature dans cette zone en soutenant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait porté atteinte au principe d'égalité de traitement, fixé par l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, et aux critères de sélection des candidatures, prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, dès lors que les conditions d'exploitation de la seule ressource disponible en restreignaient l'usage à un seul des candidats et que leur projet était dès l'origine voué au rejet.

En défense, le choix de planifier une fréquence pour un seul candidat possible a été justifié au regard des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prescrivant à l'instance de régulation de favoriser l'exercice de la liberté de communication par une gestion optimale du spectre hertzien et devant la conduire à faire prévaloir l'intérêt du public des auditeurs de la zone en cause, conformément à l'impératif prioritaire de pluralisme des courants d'expression socioculturels et à l'objectif de diversité des programmes, sur les contraintes techniques spécifiques.

Par décision du 23 février 2005, le Conseil d'État a confirmé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut légalement attribuer une fréquence à une radio déjà titulaire de fréquences proches dans la région voisine en se fondant sur le motif tiré de ce que son affectation à la diffusion d'un autre programme aurait entraîné des phénomènes de brouillage, dès lors, d'une part, qu'il n'était pas possible de prévenir ces phénomènes en soumettant les émissions à des conditions techniques particulières et, d'autre part, qu'était signalée dans la décision publiant la liste des fréquences pouvant être attribuées la contrainte pesant sur la fréquence en question (CE, 23 février 2005, Société Radio Monte-Carlo, à mentionner dans les tables du Recueil).

Sur la base légale du rejet, le Conseil d'État a d'abord considéré que les dispositions de l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, selon lesquelles « le Conseil supérieur de l'audiovisuel [...] prend les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux », chargent le Conseil supérieur de l'audiovisuel de veiller à l'utilisation optimale des fréquences radioélectriques disponibles en tenant compte des contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle. Le Conseil d'État a ensuite rapproché les dispositions de l'article 22 de celles de l'article 29 de la même loi aux termes desquelles la délivrance des autorisations est opérée en appréciant l'intérêt du projet pour le public.

Sur la légalité du motif de rejet, le Conseil d'État a validé la solution technique originale mise en œuvre par le CSA en confirmant qu'elle ne méconnaît pas le principe d'égalité dès lors qu'elle répond à l'intérêt du public local et résulte des contraintes techniques propres à la zone concernée.

Pour ce faire, la Haute Assemblée a vérifié la rareté de la ressource hertzienne en contrôlant qu'une seule fréquence était disponible et que sa libre affectation était source de brouillages inévitables justifiant la prescription de contraintes techniques spécifiques d'utilisation. Elle a également constaté que les candidats à l'usage de l'unique fréquence dans la zone avaient été informés de l'existence d'une contrainte de programme par la décision du 2 juillet 2002 arrêtant la liste des fréquences pouvant être attribuées qui le signalait expressément et que la sélection d'un service relevant du contrôle d'un groupe déjà présent dans la zone ne méconnaissait pas les critères de sélection des candidatures, en particulier celui de la diversification des opérateurs et de la nécessité d'éviter les abus de position dominante dès lors que le groupe en cause n'était attributaire que de deux des sept fréquences couvrant la zone.

 

 

La mise en œuvre des critères de sélection doit respecter un juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants

L'avant-dernier alinéa de l'article 29 de la loi précitée prescrit au Conseil supérieur de l'audiovisuel de veiller, lors de la délivrance des autorisations d'usage de fréquences de radio, au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radio et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants.

Se prononçant pour la deuxième fois (CE, 30 avril 2004, SARL Studio Vision Communication, 241 948.) sur le respect de cet objectif, le Conseil d'État a considéré le 12 janvier 2005 que, dans une zone où l'unique service de radiodiffusion sonore autorisé avant l'intervention de la décision attaquée était un service local ou régional diffusant un programme d'intérêt local ainsi que le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), le CSA ne pouvait écarter la candidature d'une société, proposant un service thématique à vocation nationale (catégorie D), pour attribuer les deux fréquences disponibles dans cette zone à deux services proposant des programmes d'intérêt local (catégorie B), sans méconnaître l'objectif, fixé à l'avant-dernier alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, de juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants (CE, 12 janvier 2005, Société Vortex, 254057, mentionnée aux tables du Recueil Lebon).

L'annulation juridictionnelle du refus d'autorisation a connu des prolongements sur le terrain de l'exécution de la chose jugée dès lors que son bénéficiaire a saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une demande affirmant que la pleine exécution de la chose jugée commandait de lui délivrer une autorisation de faire usage d'une fréquence qu'elle affirmait être disponible dans la zone en cause.

Cette affirmation a posé la question de l'étendue des obligations qui incombent au CSA pour exécuter une décision d'annulation d'un refus d'autorisation et ce, dans deux situations, d'une part, lorsqu'il apparaît qu'une fréquence peut être utilisée et que l'annulation a été prononcée pour un motif de légalité interne, comme en l'espèce, d'autre part, lorsqu'il n'existe pas de fréquence disponible dans la zone géographique où la demande d'autorisation a été initialement présentée.

Saisi par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la Section du rapport et des études du Conseil d'État a, par un avis en date du 20 octobre 2005, en premier lieu rappelé que le CSA doit, à la suite de l'annulation d'une décision de refus d'autorisation, statuer à nouveau sur cette demande au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa nouvelle délibération, tout en respectant les autorisations antérieurement délivrées devenues créatrices de droits et donc sans procéder à un nouvel appel aux candidatures concernant l'ensemble des fréquences déjà attribuées (CE, Section, 10 octobre 1997, Société Strasbourg FM, p. 355, RFDA 1998, p. 29) .

Ce faisant, la Section du rapport et des études confirme que le Conseil supérieur de l'audiovisuel est fondé à refuser de nouveau l'autorisation pour le motif de l'absence de fréquence disponible dans la zone, tenant aux contraintes techniques inhérentes à la communication audiovisuelle, ainsi que l'ont déjà proposé deux commissaires du Gouvernement, Mme Valérie Pécresse dans l'affaire Strasbourg FM précitée et, plus récemment, M. Didier Chauvaux (CE, Section, 13 décembre 2002, Société Radio Monte-Carlo, p. 451, AJDA 2003, p. 135.) .

Toutefois, dans l'hypothèse où l'annulation est prononcée alors qu'un appel à candidatures est prévu pour l'attribution d'au moins une fréquence dans la zone de l'annulation, la pleine exécution de la chose jugée justifie le réexamen différé de la candidature illégalement évincée dans le cadre du prochain appel et doit conduire le CSA à en informer le candidat.

La Section a en second lieu estimé, sous réserve de l'appréciation juridictionnelle de la question, que - s'il convient de distinguer le cas où l'annulation a été prononcée pour un motif de forme et celui où l'annulation a été décidée pour méconnaissance d'une règle de fond - aucun élément n'oblige ni n'autorise le CSA, au regard des dispositions de l'article 29 de la loi précitée selon lesquelles l'attribution d'une autorisation est précédée d'un appel à candidatures, à attribuer directement la fréquence disponible dans la zone considérée. En cas de fréquence disponible et, quel que soit le motif de l'annulation, le CSA doit organiser un appel à candidatures et considérer que le candidat illégalement évincé est candidat de plein droit, l'en informer et l'inviter à compléter sa candidature afin qu'elle soit réexaminée dans ce cadre. À cet égard, la Section considère que le candidat illégalement écarté ne bénéficie pas d'un droit de priorité ainsi que l'envisageait Mme Valérie Pécresse dans l'affaire Strasbourg FM précitée, analyse qui n'avait toutefois pas été partagée par M. Didier Chauvaux dans l'affaire Société Radio Monte-Carlo précitée.

 

 

le juge des référés peut suspendre une décision de refus d'autorisation

L'appel à candidatures lancé le 14 décembre 2004 pour l'édition de services nationaux de télévision diffusés en mode numérique a conduit le CSA, le 19 juillet 2005, au terme de la procédure de mise en concurrence, à sélectionner les candidatures de huit nouveaux services et à rejeter les autres demandes dont celle de l'association Zaléa TV qui a formé un recours à l'encontre de la décision du 19 juillet 2005 écartant sa candidature et a demandé au juge des référés du Conseil d'État d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision.

Par une ordonnance du 25 octobre 2005, le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la requête non pas pour absence d'urgence mais pour défaut de doute sérieux sur la légalité de la décision. Après avoir écarté les moyens de légalité externe, le juge des référés a estimé qu'il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel de subordonner l'octroi des autorisations qu'il délivre aux garanties offertes par le demandeur quant à sa capacité d'assurer de façon durable l'exploitation du service, que le motif principal de refus tiré de l'insuffisance des garanties de financement apportées par l'association Zaléa TV à l'appui de son projet est au nombre de ceux qui peuvent le justifier, et que l'appréciation portée sur l'insuffisance des garanties supposées contenues dans les lettres émanant d'établissements financiers dont se prévaut l'association n'était pas erronée.

Par ailleurs, le juge des référés a estimé que la légalité du refus n'était pas douteuse au regard de l'exigence du pluralisme des courants d'expression socioculturels, de l'application par anticipation de règles relatives à la distribution commerciale des programmes diffusés par la télévision numérique terrestre et de l'appréciation du montant moyen envisagé de la redevance mensuelle par abonné (CE, Ord., 25 octobre 2005, Association Zaléa TV, req. n° 285750).

 

 

Le contrôle des programmes et l'exercice du pouvoir de sanction

L'édition des services de radio et de télévision est subordonnée, en application des article 28 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, à la conclusion d'une convention qui fixe les règles particulières applicables au service et définit notamment les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles, lesquelles s'ajoutent aux obligations légales et réglementaires dont la méconnaissance expose le service, après le préalable d'une mise en demeure (CE, Ass. 11 mars 1994 Société La Cinq, Rec. p. 117.) , au prononcé des sanctions prévues aux articles 42 et suivants de la loi de 1986.

En 2005, le Conseil d'État a précisé les modalités selon lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel contrôle le respect par les éditeurs de services de leurs obligations de programme, s'est prononcé sur la possibilité de mettre en demeure un opérateur de réseaux satellitaires relevant de la compétence de la France de faire cesser la diffusion de programmes portant atteinte aux principes essentiels garantissant l'exercice de la liberté de communication et a confirmé la sanction de résiliation de la convention d'un service de télévision diffusant des programmes violant délibérément ces principes.

les modalités de contrôle des obligations de programme

Par une décision du 25 juin 2005, le Conseil d'État a confirmé la décision par laquelle le CSA a mis en demeure un service de radio de se conformer à l'obligation d'honnêteté de l'information et, à cette occasion, a précisé qu'il pouvait se fonder sur ses propres enregistrements et non sur ceux du service.

En l'espèce, le service de radio en cause avait diffusé, au cours de deux émissions programmées à une semaine d'intervalle de manière répétée, une information inexacte et non vérifiée relative au décès ou à l'hospitalisation dans un état critique d'un chef d'État étranger, sans rectifier cette information erronée.

Après avoir rappelé que l'obligation imposée par convention à un service autorisé d'enregistrer et de conserver les programmes qu'il diffuse ne fait pas obstacle à ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel procède par ses propres moyens à des enregistrements des programmes diffusés - afin d'assurer sa mission de contrôle et de vérifier, sur ces bases, le respect par le service autorisé des obligations qui lui sont imposées -, le Conseil d'État a exercé un contrôle normal sur l'appréciation portée par le CSA sur l'honnêteté de l'information diffusée par un service autorisé et rejeté la requête de l'opérateur (CE, 26 juin 2005, SARL Saprodif Méditerranée FM, mentionnée aux tables du Recueil).

 

 

le contrôle des opérateurs de réseaux satellitaires relevant de la compétence de la france

La loi n° 2004-469 du 9 juillet 2004 a introduit dans la loi du 30 septembre 1986 des dispositions nouvelles dont l'objet est de garantir le respect effectif des principes énoncés par cette loi dans le cas de services de télévision diffusés par des chaînes non européennes qui utilisent la capacité d'opérateurs de réseaux satellitaires relevant de la compétence de la France.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut ainsi, en vertu de l'article 19 modifié de la loi du 30 septembre 1986, recueillir auprès de ces opérateurs « toutes les informations nécessaires à l'identification des éditeurs des services de télévision transportés » afin de régulariser la situation de ces services au regard de l'obligation, prévue à l'article 33-1 de la loi, de conclure avec l'instance de régulation une convention définissant leurs obligations particulières. À défaut de régularisation, l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 9 juillet 2004 dispose que les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1 er et 3-1 qui interdisent notamment la diffusion de programmes contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité.

À la suite du constat qu'une partie de la capacité de diffusion de la société de droit français Eutelsat, opérateur de réseau de télécommunications par satellite était utilisée pour diffuser notamment vers la France la chaîne non conventionnée Sahar 1 dont les programmes portaient atteinte aux principes essentiels précités, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, par une décision du 10 février 2005, mis en demeure la société Eutelsat de cesser dans un délai d'un mois la diffusion du service de télévision Sahar 1, décision dont la société Eutelsat a demandé au juge des référés du Conseil d'État d'ordonner la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Par une ordonnance du 3 mars 2005, le juge des référés du Conseil d'État a considéré que le CSA pouvait mettre en demeure un opérateur de réseaux satellitaires de faire cesser la diffusion d'un programme portant atteinte aux principes essentiels de la loi du 30 septembre 1986 (JRCE, 3 mars 2005, Société Eutelsat, publiée au Recueil Lebon, AJDA p. 838 note Yves Gounin).

Pour ce faire, il a d'abord considéré que la loi du 30 septembre 1986, telle que modifiée par la loi du 9 juillet 2004, prescrit à tout opérateur de réseaux satellitaires relevant de la France de veiller à ce que les contrats qu'il conclut dans l'exercice de son activité subordonnent leur application au respect par les services de télévision transportés des règles et principes énoncés par ces dispositions législatives, en particulier l'obligation de conventionnement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'interdiction dans les programmes de toute incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité.

Le juge des référés a ensuite estimé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel pouvait user des pouvoirs que lui confère la loi pour assurer l'application effective des principes qu'elle a énoncés et, en particulier, de prendre les mesures appropriées pour faire cesser dans les plus brefs délais le transport et la diffusion de tout programme contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité ; qu'il pouvait à cet effet adresser aux opérateurs de réseaux satellitaires, sans procédure contradictoire préalable, une mise en demeure sur le fondement de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 et que cet avertissement solennel a pour objet de prescrire, sans préjudice d'une éventuelle saisine du président de la Section du contentieux du Conseil d'État selon la procédure prévue par l'article 42-10 de cette loi, des mesures proportionnées à la nature et à la gravité des manquements constatés et destinées à mettre fin à ceux-ci.

Sur le fond, le juge des référés a constaté que la chaîne Sahar 1 avait diffusé deux feuilletons et une émission qui comportent des connotations antisémites caractérisées - dont un de ces feuilletons était au nombre des émissions qui avaient déjà conduit le président de la Section du contentieux du Conseil d'État (CE, Ord., 13 décembre 2004, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Lebon p. 456, AJDA 2005 p. 206.) à enjoindre à la société Eutelsat de faire cesser dans un délai de 48 heures la diffusion sur ses satellites d'un autre service de télévision -, et que la société Sahar 1 n'avait conclu aucune convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Dans ces conditions, et eu égard en particulier à la nature et la gravité des manquements constatés aux principes énoncés par l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986, le juge des référés a estimé que la décision de mettre la société Eutelsat en demeure de prendre, dans un délai d'un mois, les mesures nécessaires pour faire cesser le transport sur ses satellites des émissions de la chaîne Sahar 1 ne semblait pas illégale.

 

 

l'interdiction des programmes portant ouvertement atteinte aux principes essentiels de la liberté de communication

En 2005, la résolution de la question de la régularisation des chaînes extra-communautaires non conventionnées s'est accompagnée de celle de l'interdiction des chaînes qui sont signataires d'une convention mais qui ne se conforment pas à leurs obligations, notamment en diffusant des programmes portant ouvertement atteinte aux principes essentiels de la liberté de communication, conduisant ainsi le Conseil d'État à mettre un terme à « l'affaire Al Manar » par une décision dont la présentation nécessite de retracer préalablement les grandes lignes de sa genèse.

À la suite de l'ordonnance prononcée par le juge des référés du Conseil d'État (CE, Ord., 20 août 2004, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, Lebon, p. 357.) , la société Lebanese Communication Group, éditrice du service de télévision dénommé Al Manar, avait présenté le 21 septembre 2004 au CSA une demande tendant à la conclusion d'une convention aux termes de laquelle elle s'engageait notamment à ne pas diffuser de programmes susceptibles d'inciter à la violence ou à la haine pour des raisons de religion ou de nationalité. Au terme de l'instruction de cette demande, le CSA a décidé le 19 novembre 2004 de signer une convention permettant la diffusion de la chaîne Al Manar en Europe, conclue pour une durée d'une année et assortie d'obligations propres à garantir l'interdiction de diffuser notamment des programmes susceptibles d'entraîner des troubles à l'ordre public ou d'encourager des attitudes de rejet ou de xénophobie.

La diffusion le 23 novembre 2004 par cette chaîne, d'une part, d'une revue de presse au cours de laquelle un intervenant présenté comme un expert faisait état de tentatives sionistes pour transmettre à travers les exportations aux pays arabes des maladies dangereuses comme le sida, d'autre part, d'un programme intitulé Des hommes qui ont tenu parole, mettant en valeur l'action qualifiée de martyre des auteurs d'attentats suicide commis contre des Israéliens, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, lors de sa séance plénière du 30 novembre 2004, estimé que de tels programmes constituaient des manquements graves de la chaîne aux obligations précitées et décidé de mettre en demeure la société éditrice de se conformer à ses obligations. En outre, le président du CSA a demandé au président de la Section du contentieux du Conseil d'État d'enjoindre la société Eutelsat de faire cesser la diffusion sur ses satellites des services de télévision Al Manar, ce qu'il a obtenu par une ordonnance prononcée le 13 décembre 2004 (CE, Ord., 13 décembre 2004, précitée.) .

Lors du journal télévisé présenté en langue française sur la chaîne Al Manar diffusé le 2 décembre 2004, la présentatrice a fait état d'une campagne de l'État d'Israël tendant à empêcher la diffusion de ladite chaîne en Europe, ajoutant que le gouvernement israélien cherchait ainsi à empêcher la chaîne de télévision de révéler aux téléspectateurs européens et aux résidents étrangers en Europe, la réalité des crimes contre l'humanité perpétrés par Israël, aussi bien en Palestine occupée que dans le monde. Ces nouveaux propos tenus à l'antenne ont conduit le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lors de sa séance plénière du 7 décembre 2004, à considérer que de tels programmes étaient susceptibles de constituer de nouveaux manquements graves aux obligations précitées et à décider d'engager, sur le fondement des articles 42-1 et 42-7 de la loi, une procédure de sanction qui, après audition des représentants de la chaîne Al Manar, l'a conduit à prononcer le 17 décembre 2004 la résiliation de la convention dont la société éditrice de la chaîne était signataire.

Cette décision a été déférée à la censure du Conseil d'État qui, par une décision du 6 janvier 2006, a confirmé la légalité de la sanction aux termes d'une décision importante qui confirme la régularité de la procédure de sanction du CSA, notamment au regard du principe d'impartialité ainsi que l'appréciation portée sur la qualification juridique des faits.

Sur la légalité externe, le Conseil d'État a écarté les moyens tirés de vices de forme ou de procédure en considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n'impose que les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, non plus que les procès-verbaux de ses réunions, mentionnent à peine d'irrégularité la présence éventuelle d'agents des services du Conseil lors de l'audition des représentants d'un éditeur de services faisant l'objet d'une procédure de sanction, ni l'éventuelle présence et l'identité du secrétaire du Collège.

 

 

Mais surtout, la Haute Assemblée a confirmé que les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 et du règlement intérieur du Conseil supérieur de l'audiovisuel relatives à la procédure de sanction ne sont pas contraires aux principes d'impartialité et d'équité du procès rappelés par les stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

À cet égard, le Conseil d'État a d'abord rappelé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel, lorsqu'il prononce les sanctions en application de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, doit être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales - alors même qu'il n'est pas une juridiction au regard du droit interne - et, en conséquence, respecter le principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 dont la méconnaissance par un tribunal peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions du CSA, être utilement invoquée à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'État (CE 29 juillet 2002 Association Radio Deux Couleurs, Tables du recueil p. 917,) .

La Haute Assemblée a ensuite précisé que la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l'article 6-1 n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable, notamment en ce qui concerne le défaut de publicité de la séance à l'issue de laquelle a été adoptée la sanction, dès lors que l'examen en séance publique devant le Conseil d'État, d'un recours de pleine juridiction dirigé contre une sanction prononcée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure le respect du principe de la publicité de l'audience garanti par les stipulations précitées de l'article 6-1 précité (CE 4 avril 1999 G.I.E. Oddo-Futures, Tables du Recueil p. 791 ; CE 10 mai 2004 Crédit du Nord, 241587, tables p. 692).) .

En ce qui concerne le respect des principes d'impartialité et d'équité du procès, le Conseil d'État a également rappelé que, si la possibilité conférée à une autorité pouvant être qualifiée de tribunal au sens de l'article 6-1 précité de se saisir de son propre mouvement d'affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n'est pas en soi contraire à l'exigence d'équité dans le procès énoncé par ces stipulations, ni celles-ci ni aucun principe général du droit n'imposent la séparation des phases d'instruction et de jugement au sein d'un même procès, validant ainsi la confusion des fonctions, dès lors que, lorsque le CSA se prononce sur des agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 ou aux pénalités contractuelles définies dans les conventions, il statue dans des conditions respectant le principe d'impartialité.

À cet égard, la Haute Assemblée a considéré que la procédure de sanction ne peut être engagée qu'à raison de faits postérieurs à une mise en demeure qui, constatant l'existence d'un manquement du service à ses obligations, constitue un préalable à l'engagement d'une procédure de sanction, décidée sur la base de faits nouveaux susceptibles de révéler un manquement du service à ses obligations, mais ne saurait constituer un préjugement portant atteinte au principe d'impartialité.

 

 

S'agissant de la mise en oeuvre de la procédure qui, conformément au règlement intérieur du Conseil supérieur de l'audiovisuel, fait intervenir la direction juridique du CSA pour la rédaction d'un rapport de présentation de l'affaire après que les griefs ont été notifiés à l'éditeur, au distributeur ou à l'opérateur concerné et qu'un délai lui a été imparti pour présenter ses observations écrites, le Conseil d'État a souligné que ce rapport n'est soumis au Conseil supérieur de l'audiovisuel qu'en vue de l'adoption de la décision de clore ou de poursuivre la procédure de sanction engagée et que, dans ce dernier cas, ce rapport est communiqué à l'intéressé qui est ensuite entendu par le Conseil, avant que celui-ci ne procède à la délibération à laquelle la direction juridique ne prend aucune part. Sur ce point, il a ajouté que la circonstance que cette direction soit placée sous l'autorité du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et que son rapport ne se borne pas à une présentation des faits mais, comme en l'espèce, commente les observations écrites déposées par l'éditeur, n'est pas de nature à altérer l'impartialité du Conseil supérieur de l'audiovisuel dans la conduite de la procédure de sanction.

Sur le même terrain, le Conseil d'État a enfin écarté tous les moyens tirés de ce que l'issue de cette procédure était déterminée avant d'être menée à son terme en relevant « que ni la publication dans la presse, le 30 novembre 2004, antérieurement aux faits ayant motivé l'engagement de la procédure de sanction, qui ont été commis le 2 décembre 2004, d'un article du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel consacré aux questions posées par la diffusion de services de télévision par satellite en Europe, ni la demande présentée le même jour par le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel devant le président de la Section du contentieux du Conseil d'État et tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion du service Al Manar sur ses satellites à la suite des émissions diffusées le 23 novembre 2004, n'ont eu pour effet, dans les circonstances de l'espèce, d'affecter l'impartialité exigée du Conseil supérieur de l'audiovisuel dans le cadre de la procédure de sanction engagée ».

Sur le bien-fondé de la sanction infligée, la Haute Assemblée a considéré que les propos ont été tenus à l'antenne d'une chaîne dont les programmes s'inscrivent dans une perspective militante qui comporte des connotations antisémites, ainsi que l'ont illustré certaines de ses émissions qui ont, avant comme après la signature de la convention du 19 novembre 2004, porté gravement atteinte aux principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986, en dépit des engagements réitérés de ses responsables de se conformer à leurs obligations.

Le Conseil d'État en a conclu que, dans ce contexte, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'avait pas inexactement qualifié les faits en estimant que de tels propos, tenus lors d'un journal télévisé et venant après ceux diffusés à l'antenne le 23 novembre 2004, constituaient un manquement grave de la chaîne à l'exigence d'honnêteté de l'information et à l'obligation de traiter avec pondération et rigueur les sujets susceptibles d'alimenter ou d'entraîner, en France et en Europe, des tensions et des antagonismes envers certaines communautés ou certains pays, ainsi qu'une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité et qu'en raison des manquements répétés de la chaîne Al Manar à ses obligations légales et conventionnelles, de la particulière gravité de ces manquements et de l'incapacité avérée du service à respecter ses engagements, la sanction de la résiliation unilatérale de la convention signée le 19 novembre 2004 prononcée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'était pas excessive.

Il est à noter que la question de la régularisation et du conventionnement des chaînes extra-communautaires posée par les « affaires Sahar 1 et Al Manar » ne se posera plus dès lors que l'article 22 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme a supprimé à leur égard l'exigence de conventionnement ou de déclaration prévue par l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée de sorte que les services en cause peuvent être diffusés sans formalité préalable mais « demeurent soumis aux obligations résultant de la présente loi et au contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel ».

 

 

Le pluralisme d'expression politique

Conformément à sa mission de contrôle du respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et sur le fondement du second alinéa de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986, selon lequel « Pour la durée des campagnes électorales, le Conseil supérieur de l'audiovisuel adresse des recommandations aux exploitants de services de communication audiovisuelle autorisés en vertu de la présente loi », le Conseil supérieur de l'audiovisuel adopte une recommandation s'adressant aux services audiovisuels et les invite à respecter scrupuleusement le pluralisme d'expression politique avant et pendant la campagne officielle préalable à toute consultation électorale.

En 2005, le Conseil d'État s'est prononcé à deux reprises sur des requêtes dirigées contre des recommandations adoptées par le CSA sur le fondement des dispositions précitées.

Par une décision du 12 janvier 2005, la Haute Assemblée a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur une requête formée à l'encontre d'une recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 19 décembre 2003 relative aux périodes précédant les élections cantonales et régionales des 21 et 28 mars 2004 dès lors que les résultats de ces élections avaient été proclamés à l'issue des opérations de vote (CE, 12 janvier 2005, M. Simonin, req. n° 265 352). Ce faisant, le Conseil d'État a rappelé sa position selon laquelle il n'y a pas lieu de statuer dès lors que les résultats de l'élection ont été proclamés à la date à laquelle le juge examine la requête, laquelle étant devenue sans objet (CE, 24 janvier 1996, Front National, Lebon p. 1144.) .

Telle n'a pas été la pratique à l'égard de nombreux recours formés à l'encontre des actes préparatoires au référendum du 29 mai 2005 relatif au projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe dès lors que les juges du Palais-Royal ont examiné, avant la consultation électorale, des questions aussi essentielles que celle de la prise en compte du temps de parole du Président de la République (Le contentieux des actes préparatoires du référendum du 29 mai 2005, Yves Gounin, AJDA p. 1211.) .

En fait, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, par une délibération du 22 mars 2005, adopté une recommandation ayant pour objet, notamment, de déterminer les conditions de traitement, par les services audiovisuels, de l'actualité liée au référendum qui invite les services de radio et de télévision à veiller, à compter du 4 avril et pendant la durée de la campagne officielle organisée à cet effet, à ce que les partis ou groupements politiques bénéficient d'une présentation et d'un accès à l'antenne équitables.

Cette recommandation, publiée au Journal officiel du 25 mars 2005, était accompagnée, sur le site internet du CSA, d'une présentation précisant - ce que ne faisait pas la recommandation - que « conformément à la pratique constante du CSA en la matière, les propos du Président de la République, qu'il s'agisse de l'actualité liée au référendum ou de l'actualité non liée, ne sont rattachés à aucune organisation ».

 

 

Contestant la non-comptabilisation des propos du Président de la République, M. Hoffer, électeur tahitien, a déféré à la censure du Conseil d'État, d'abord la note de présentation en ce qu'elle traite du non-rattachement de ces propos à une organisation partisane, puis la recommandation en tant que la règle contestée de non-comptabilisation des interventions du chef de l'État résultait implicitement mais nécessairement de ladite recommandation.

Il faisait notamment valoir que M. Jacques Chirac, en tant que membre de l'UMP (Union pour un mouvement populaire), ne devrait pas bénéficier d'un statut particulier excluant toute comptabilisation de ses interventions et qu'il devait, au contraire, voir son temps de parole comptabilisé au profit de son parti.

En défense, une fin de non-recevoir de la requête dirigée contre la note de présentation a été soulevée en tant qu'elle ne constitue pas - contrairement à la recommandation - un acte faisant grief car dépourvu de caractère impératif ou normatif. Sur le fond, il a ensuite été soutenu que la pratique en cause était une constante des instances de régulation de l'audiovisuel qui se sont succédé, qu'un large pouvoir d'appréciation était reconnu au CSA pour assurer sa mission de régulation, que le rôle particulier reconnu au Président de la République par les institutions de la Ve République, en particulier l'article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958, en faisait un arbitre garant du bon fonctionnement des institutions dont les propos ne pouvaient être affectés à une organisation politique et qu'aucune observation à ce sujet n'avait été formulée par le Conseil constitutionnel lors des campagnes électorales ou référendaires passées.

Par une décision du 13 mai 2005, le Conseil d'État a estimé que les conclusions dirigées contre la note de présentation du 25 mars 2005 étaient irrecevables faute d'avoir le caractère d'un acte faisant grief, la note se bornant à commenter les dispositions de la recommandation. Interprétant les conclusions dirigées contre la recommandation comme contestant le non-rattachement des interventions du Président de la République au titre des groupements et partis politiques, la Haute Assemblée a considéré « qu'en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique » et que par suite, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a exclu à bon droit les interventions du Président de la République de toute comptabilisation partisane de ses interventions dans les médias audiovisuels (CE, 13 mai 2005, M. René-Georges Hoffer, à publier au Recueil).

 

 

La qualification européenne des œuvres

Pris en application du 2° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié fixe les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision dont les dispositions de l'article 6 prescrivent notamment, conformément à l'objectif fixé par la directive n° 89/552/CEE modifiée du Conseil des communautés européennes en date du 3 octobre 1989 dite Télévision sans frontières (TVSF) qu'elles transposent en droit interne, de diffuser une proportion au moins égale à 60 % d'œuvres européennes définies comme remplissant un critère de réalisation européenne et un critère de production européenne.

L'œuvre doit d'abord avoir été réalisée essentiellement avec la participation d'auteurs, artistes-interprètes et techniciens résidant dans des États de l'Union européenne ou parties à la convention du Conseil de l'Europe sur la Télévision transfrontière. Ce critère a été précisé par un arrêté interministériel du 21 mai 1992, pris pour l'application de l'article 6 du décret précité, qui fixe un barème d'appréciation des éléments de réalisation afférents au caractère européen de l'œuvre. Ce système de points prend en compte le genre de l'œuvre et garantit qu'une proportion des différents corps de métiers intervenant dans la production est d'origine européenne. Le Conseil d'État a déjà reconnu la légalité du barème de points fixé par l'arrêté et la compatibilité de cet arrêté avec les objectifs énoncés par la directive modifiée n° 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 (CE, 15 novembre 2002, Société Globe Trotter Network, p. 401.) .

L'œuvre doit ensuite, soit avoir été produite par une entreprise établie dans un de ces États précités, soit avoir été majoritairement financée par les contributions de coproducteurs établis dans ces États. Le Conseil d'État a confirmé la décision par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé la qualification d'œuvre européenne à une série majoritairement financée par des producteurs non européens (CE, 29 janvier 1999, Union syndicale de la production audiovisuelle, n° 189917.) .

Par ailleurs, l'article 6-1 du décret précité attribue au Conseil supérieur de l'audiovisuel, après avis du directeur général du Centre national de la cinématographie, la compétence de qualification des œuvres produites ou coproduites par un producteur français et pour lesquelles le soutien financier de l'État a été demandé.

Par une décision du 19 octobre 2005, le Conseil d'État a examiné la légalité d'une décision par laquelle l'instance de régulation a refusé l'octroi de cette qualification à une œuvre qui n'avait pas été réalisée essentiellement avec la participation d'artistes et de techniciens européens. À cette occasion, il a expressément précisé les modalités d'application des critères de qualification européenne d'une œuvre cinématographique et implicitement confirmé la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour leur mise en œuvre (CE 19 octobre 2005, Société Les Films sans Frontières, n° 266461).

En l'espèce, le Conseil d'État a confirmé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel était fondé à refuser ladite qualification pour le seul motif que l'œuvre en cause n'atteignait pas le seuil de points afférent aux éléments artistiques et techniques de réalisation européenne fixé par l'article 2 de l'arrêté du ministre de la Culture, en date du 21 mai 1992, pris pour l'application de l'article 6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié.

En examinant la légalité du refus de qualification, le Conseil d'État a jugé implicitement mais nécessairement que l'autorité de régulation est compétente pour statuer sur la qualification européenne d'une œuvre quel que soit le lieu d'établissement du producteur et ce, indépendamment de la circonstance qu'elle bénéficie ou non du soutien financier de l'État. Ce faisant, la Haute Assemblée confirme la pratique selon laquelle l'instance de régulation s'est toujours estimée compétente pour accorder ou non la qualification européenne et d'expression originale française à toutes les œuvres susceptibles d'être diffusées par les services français de télévision, dès lors que les chaînes sont soumises à des contraintes spécifiques d'exposition des œuvres - instituées par la directive TVSF ainsi que par la réglementation nationale - afin de garantir la diversité culturelle des programmes.

Sur le fond, le Conseil d'État confirme que la qualification européenne ne peut être accordée à une œuvre ne réunissant pas le nombre de points fixé par le barème d'appréciation des éléments de réalisation européenne et que le CSA est fondé à refuser cette qualification pour ce seul motif. La Haute Assemblée rappelle également qu'une œuvre remplissant ce premier critère doit également, pour bénéficier de la qualification européenne, être produite ou coproduite par un producteur établi en Union européenne et considère que la circonstance que la société propriétaire du film posséderait la nationalité britannique est par elle-même et, en tout état de cause, sans influence sur la qualification d'œuvre européenne du film.

 

 

L'interruption publicitaire d'une œuvre cinématographique

Conformément à l'article 73 de la loi du 30 septembre 1986, la diffusion d'une œuvre cinématographique ou audiovisuelle par un service audiovisuel ne peut faire l'objet, sauf dérogation accordée par le CSA, de plus d'une interruption dont l'objet exclusif est de permettre la diffusion de messages publicitaires à l'exclusion de tout autre document, donnée ou message de toute nature, notamment bande-annonce et bande d'autopromotion.

Par une décision de principe (CE, 20 mars 1991, Société La Cinq, Lebon p. 99, aux conclusions de M. Stirn.) , la Haute Assemblée a considéré qu'il ressort de ces dispositions que « la diffusion d'une œuvre cinématographique ne peut faire l'objet que d'une interruption unique dont l'objet exclusif est de permettre la diffusion de messages publicitaires » auxquels ne sont pas assimilables des bandes enregistrées annonçant les programmes et assurant ainsi la promotion de la chaîne. Ce faisant, le Conseil d'État interprète l'article 73 de la loi comme n'autorisant en cours de diffusion d'une oeuvre audiovisuelle qu'une interruption unique dont l'objet exclusif est la diffusion de messages publicitaires. Cette position de principe a pour objectif de préserver l'unité et l'intégrité culturel de l'œuvre et de prohiber toute interruption, même dépourvue de caractère publicitaire.

À la suite de la diffusion sur la chaîne M6, dans la soirée du 14 septembre 2003, à l'approche de la fin de l'émission Zone interdite, d'une part, d'un bandeau déroulant portant la mention « Après Zone interdite, retrouvez « L'affaire Trintignant, les dessous du drame, dans Secrets d'actualité », d'autre part, d'un duplex mettant en scène les deux présentateurs sur les deux plateaux respectifs, le CSA a, par une délibération du 21 octobre 2003, mis la société éditrice de la chaîne M6 en demeure de respecter à l'avenir les dispositions de l'article 73 précité, laquelle en a demandé l'annulation au Conseil d'État.

Par une décision du 16 mars 2005, le Conseil d'État a d'abord considéré que l'insertion d'un bandeau déroulant au sein d'une œuvre audiovisuelle, destiné à promouvoir un programme à venir de la même chaîne constitue une interruption de l'œuvre, prohibée par les dispositions précitées de l'article 73 de la loi du 30 septembre 1986, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une interruption publicitaire au sens de cette loi. Ce faisant, la Haute Assemblée a confirmé que l'insertion d'un bandeau en surimpression constitue une interruption de l'œuvre en cours de diffusion, dès lors que la présence du bandeau déroulant porte atteinte à l'unité et l'intégrité culturel que visent notamment à protéger les dispositions de l'article 73.

Le Conseil d'État a ensuite considéré que la diffusion, avant celle du générique de fin de l'œuvre en cours, d'une liaison en duplex avec le plateau d'une émission suivante, afin d'informer le téléspectateur du contenu de celle-ci et de l'inciter à ne pas quitter la chaîne, ne constitue pas une interruption publicitaire de l'œuvre et constitue donc une interruption illicite de l'œuvre, dès lors que sa diffusion intervient avant le lancement de générique de fin d'émission, alors que le générique fait partie intégrante de l'œuvre et qu'il doit être préservé au même titre que le corps de l'œuvre (CE, 16 mars 2005, Société Métropole Télévision M6, 265922, mentionnée aux tables du Recueil).

 

 

L'encadrement de la diffusion à la télévision des programmes de catégorie V

La question de la protection des mineurs contre l'exposition aux programmes de catégorie V, définis comme les programmes à caractère pornographique ou de grande violence destinés à un public adulte averti, a conduit le Conseil à adopter une recommandation en date du 21 octobre 2003 qui définit les critères techniques et commerciaux auxquels doit satisfaire la diffusion des programmes de cette catégorie en prescrivant notamment, d'une part, que la diffusion en mode numérique de ces programmes nécessite la mise en œuvre d'un dispositif de verrouillage de la diffusion du programme et un dispositif de verrouillage de sa réception imposant la composition d'un code parental fourni aux seuls majeurs titulaires de l'abonnement ; d'autre part, que la commercialisation de ces programmes doit permettre aux abonnés désirant les recevoir d'exprimer un choix explicite qui doit être précédé d'une information complète sur la nocivité de ces programmes pour les enfants.

Par délibération du 19 décembre 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a approuvé deux projets de convention comportant des stipulations mettant en œuvre ce dispositif permettant ainsi la diffusion par des chaînes de télévision des programmes de catégorie V. Les sociétés cocontractantes ont déféré à la censure du Conseil d'État ces stipulations en contestant, d'une part, que la réception de programmes de catégorie V soit subordonnée à un choix explicite du nouvel abonné, d'autre part, que la réception de ces programmes en mode numérique implique la composition d'un code personnel dénommé « double verrouillage » dont le dispositif technique réponde à des critères définis par le CSA pour garantir son adéquation avec l'objectif de protection du jeune public.

En ce qui concerne la définition unilatérale par le CSA des critères d'un double verrouillage efficace, le Conseil d'État a considéré (CE 9 février 2005 Sociétés Canal Calédonie et Canal Polynésie, Lebon.) que les dispositions de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée donnent compétence au CSA pour définir les critères garantissant l'adéquation des procédés techniques utilisés pour contrôler l'accès aux programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, que le CSA n'a fait qu'user des pouvoirs qui lui sont donnés par l'article 15 précité et que ces critères n'avaient donc pas à faire l'objet d'un accord préalable de la société requérante.

S'agissant de l'obligation imposée aux abonnés de faire le choix explicite de recevoir des programmes de catégorie V, le Conseil d'État a considéré que cette stipulation relative à la réception de ces programmes en mode numérique était complémentaire de l'obligation de composer un code personnel, que la gestion informatisée des données nominatives se rapportant au choix des abonnés ne représentait pas un caractère excessif au regard de la finalité de protection du jeune public et que, par suite, les clauses prévoyant ces dispositifs ne méconnaissent pas les dispositions de la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 ni les objectifs de la directive n° 95/46/CE du 24 octobre 1995 du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

La Haute Assemblée a par ailleurs estimé que la création d'un fichier des personnes ayant choisi de recevoir des programmes de catégorie V ne pouvait pas être regardée comme étant de nature à faire apparaître, même indirectement, les mœurs des personnes concernées au sens des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés et que les stipulations litigieuses ne méconnaissaient pas l'article 1134 du Code civil dès lors que les opérateurs ne disposaient d'aucun droit acquis au maintien des dispositions relatives à la protection du jeune public figurant dans leur convention antérieure et que la nouvelle convention s'appliquait de plein droit aux contrats souscrits à compter de son entrée en vigueur, qu'il s'agisse de contrats venus à échéance et renouvelés ou de contrats souscrits par de nouveaux abonnés.

 

 

Le pluralisme capitalistique interne des services de télévision

Le désengagement du groupe Suez du capital de la société Métropole Télévision, autorisée à exploiter le service M6, et dans lequel ce groupe détenait une part égale à celle de l'autre actionnaire de référence, la société RTL Group, a conduit le CSA à se poser la question de savoir si cette opération modifiait substantiellement les données au vu desquelles l'autorisation de la chaîne avait été délivrée le 26 février 1987 puis reconduite le 20 novembre 2001 et, en conséquence, pouvait entraîner son retrait en application de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

Par délibération du 20 novembre 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a estimé que la parité entre les deux actionnaires de référence de la chaîne avait constitué une donnée substantielle de délivrance puis de reconduction de l'autorisation, mais qu'il pouvait agréer l'opération à la condition que des clauses destinées à garantir l'indépendance de la chaîne soient introduites dans la convention la liant au CSA.

Par délibération du 24 janvier 2004, le CSA a approuvé un avenant à la convention de la chaîne interdisant notamment à tout actionnaire d'exercer plus de 34 % des droits de vote. La société Bouygues, qui contrôle la société TF1, a demandé au Conseil d'État d'annuler cette dernière délibération en soutenant principalement une violation des dispositions combinées des articles 39, I et 41-3, 2° de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. Selon elle, si l'agrément donné par le CSA permet à la société RTL Group de détenir moins de 49 % du capital et d'exercer 34 % des droits de vote de la société Métropole Télévision, la dispersion de son actionnariat lui permet de déterminer en fait les décisions des assemblées générales et doit la faire regarder comme le titulaire de l'autorisation. Il s'ensuivrait que son contrôle par un seul actionnaire à hauteur de 80 %, le groupe Bertelsmann, méconnaîtrait l'article 39, I dès lors que le plafond de détention capitalistique fixé à 49 % s'imposerait, non seulement à la société titulaire de l'autorisation, mais également à son principal actionnaire.

Cette interprétation littérale des dispositions combinées des articles 39, I et 41-3, 2° de la loi du 30 septembre 1986 pose problème dans la mesure où elle remettrait en cause, non seulement l'agrément relatif à l'actionnariat de la société Métropole Télévision (M6), mais également la régularité de celui de la société Canal+, contrôlée par le Groupe Canal+, lui-même filiale à 100 % de Vivendi Universal, voire celle de la société TF1 que contrôle la société Bouygues. Par ailleurs, cette interprétation ne correspond pas à l'objectif poursuivi par le législateur qui, en interdisant à toute société dont le capital est détenu à plus de 49 % par un même actionnaire d'acquérir le contrôle - même indirect - d'un service national de télévision, a entendu garantir le pluralisme interne de l'actionnariat des sociétés détenant effectivement l'autorisation d'exploitation du service de télévision et non celui de la société la contrôlant.

La Haute Assemblée n'a pas eu cette interprétation en considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu légalement, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que RTL Group soit détenu à plus de 80 % par le groupe Bertelsmann, agréer la nouvelle répartition du capital social de la société Métropole Télévision, dès lors que RTL Group n'en détenait pas plus de 49 % (CE, 20 avril 2005, Société Bouygues, 266974, publiée au Recueil).

Le Conseil d'État a considéré, d'une part, qu'il résulte de l'économie de la loi du 30 septembre 1986 et des textes qui l'ont ultérieurement modifiée que le législateur n'a pas entendu soumettre les personnes morales, contrôlant des sociétés titulaires de telles autorisations, à l'obligation de ne pas être elles-mêmes détenues à plus de 49 % par le même actionnaire, d'autre part, qu'en dépit des apparences, qui ne résultent que d'une malfaçon de rédaction, l'application combinée des dispositions des articles 39 et 41-3 de la loi dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 juillet 2004 ne peut donc avoir pour conséquence que toute personne physique ou morale contrôlant une société titulaire d'autorisation ou l'ayant placée sous son autorité ou sa dépendance, et devant être par suite regardée comme titulaire d'une autorisation, se verrait soumise, fût-ce dans l'hypothèse de participations dites en cascade, à la limite de détention du capital fixée à 49 % par le I de l'article 39 de la loi.