Introduction
Les chiffres clés du CSA en 2002
Les dates clés de l'année 2002
Les événements marquants de l'activité du Conseil en 2002
La gestion des fréquences
Les autorisations et les conventions
Le contrôle des programmes
L'activité contentieuse
Les avis
Les études et la communication
Le Conseil
Calendrier des faits marquants
Chiffres clés
Les membres du Conseil et leurs domaines d'activité
Les avis
Les décisions
Les recommandations
Les communiqués

 

V - L'activité contentieuse

Le contentieux relatif à l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore
Les autres contentieux
Les procédures d'urgence

Compte tenu du nombre important de décisions que le Conseil prend chaque année dans le domaine de la radiodiffusion sonore, le contentieux de l'attribution de fréquences dans ce secteur demeure abondant.

Il a notamment donné lieu, en 2002, à un arrêt de la section du contentieux du Conseil d'État sur l'application du critère de l'expérience acquise.

Les autres contentieux ont porté sur le refus du CSA d'adresser une recommandation aux sociétés nationales de programme pour le traitement des débats suscités par la sortie en salles du film « Baise moi », quelques décisions prises sur le fondement des articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, et la qualification des œuvres européennes et d'expression originale française avec l'affaire du film d'animation « Le Journal d'Anne Frank ».

Sans oublier, naturellement, les nombreux recours en référé qui ont jalonné cette année 2002.

Le contentieux relatif à l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore

La jurisprudence du Conseil d'État dans ce domaine a permis de préciser les conditions de recevabilité des dossiers soumis au CSA lors des opérations d'appel aux candidatures lancées sur le fondement de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

Le juge administratif a par ailleurs rendu plusieurs décisions concernant l'application des critères de sélection de l'article 29 de la loi de 1986. Ces nouvelles décisions apportent de précieuses indications à l'autorité de régulation pour la mise en œuvre des critères du pluralisme des courants d'expression socioculturels, de la diversification des opérateurs, de l'expérience acquise ainsi que du financement et des perspectives d'exploitation.

LA RECEVABILITÉ DES DOSSIERS DE CANDIDATURE

2e et 5e alinéas de l'article 29 de la loi : « Pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées, le Conseil publie un appel aux candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées. [...] À l'issue du délai prévu [...] , le Conseil supérieur de l'audiovisuel arrête la liste des candidats ».

Avant de procéder à un examen au fond des dossiers qui lui ont été adressés dans le cadre d'un appel aux candidatures pour l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore, le Conseil doit s'assurer que ceux-ci répondent aux conditions de recevabilité fixées par sa décision d'appel. Il s'agit là d'une étape importante de la procédure, la sélection au regard des critères légaux ne pouvant s'opérer qu'à partir d'une liste de candidats préalablement déclarés recevables.

L'appartenance à une catégorie de service radiophonique (Les cinq catégories de services radiophoniques définies par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sont les suivantes : - catégorie A : services locaux associatifs éligibles au Fonds de soutien à l'expression radiophonique ; - catégorie B : services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié ; - catégorie C : services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique national ; - catégorie D : services thématiques à vocation nationale ; - catégorie E : services généralistes à vocation nationale.) non prévue par la décision d'appel aux candidatures figure notamment parmi les conditions de recevabilité des dossiers. Dans deux décisions du 11 mars 2002, le Conseil d'État a ainsi considéré que « le CSA a compétence pour énumérer les catégories de services faisant l'objet de l'appel aux candidatures et pour déterminer les caractéristiques permettant de définir chacune de ces catégories » (CE 11 mars 2002 Société Europe 1 Communication, Req. no 222 219 et no 224 867.).

Il s'agit là de la confirmation d'une jurisprudence déjà bien établie (CE 18 février 1994 Société Performance SA RFM et autres, Rec. p. 91. CE 27 juin 1997 Société NRJ, Rec. p. 268.). Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est ainsi fondé à rejeter pour irrecevabilité toute candidature qui ne remplirait pas les conditions posées par l'appel (CE 9 septembre 1994 Association Aix FM, Req. no 142 210.). Une autorisation délivrée en méconnaissance d'une prescription fixée par l'appel aux candidatures serait en effet entachée d'illégalité (CE 25 mars 1994 Association Porte-Voix, Rec. tables p. 1169.). Le CSA peut enfin prévoir que « des candidatures présentées dans plus d'une catégorie, mais intéressant en fait le même projet de service seront rejetées » (CE 17 mars 1997 Société NRJ, Req. no 142 429.). Le strict respect des conditions de recevabilité reste ainsi primordial afin d'assurer l'égalité des candidats.

L'APPLICATION DES CRITÈRES DE SÉLECTION

Pour apprécier l'intérêt relatif de chacun des dossiers présentés dans le cadre d'un appel aux candidatures portant sur plusieurs zones, le juge administratif a rappelé que le CSA pouvait procéder à un examen zone par zone, pourvu que l'ensemble des autorisations et des refus soient décidés lors d'une seule et même séance plénière pour chaque zone d'attribution. Aucun délai particulier n'est ainsi imposé à l'autorité de régulation pour statuer sur l'ensemble des demandes d'un candidat, et la délivrance d'une autorisation dans une zone géographique donnée ne saurait être regardée comme valant rejet implicite des candidatures soumises dans d'autres zones examinées postérieurement (CE 22 novembre 2002 Société Vortex, Req. no 215 315.).

Le juge admet par ailleurs que la motivation du rejet d'une candidature figure sur un document joint à la lettre de notification adressée à l'opérateur. Cette annexe peut, en particulier, prendre la forme d'un tableau de motivation, tel que ceux adressés habituellement par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux opérateurs dont la candidature n'a pas été retenue (CE 10 avril 2002 Société Canal 9, Req. no 213 281.).

De plus, le simple fait que la décision attaquée ne mentionne que certains des critères de l'article 29 de la loi de 1986 ne suffit pas à établir que l'instance de régulation se soit abstenue d'examiner la demande au regard de l'ensemble de ces critères (CE 14 juin 2002 Société Vortex, Req. no 213 282 et no 213 183.). Sur ce point, le Conseil d'État confirme une jurisprudence déjà ancienne et bien établie (CE 17 octobre 1990 Association Tropic FM Graden, Req. no 96 375.). L'essentiel est que la décision notifiée à l'intéressé lui permette de déterminer celui des critères auquel sa candidature ne satisfait pas ou satisfait moins bien que celles qui ont été retenues (CE 18 mai 1990 Association arménienne d'aide sociale, Rec. p. 128.).

Plusieurs décisions rendues par le Conseil d'État au cours de l'année 2002 apportent en outre un nouvel éclairage pour la mise en œuvre des critères du pluralisme des courants d'expression socioculturels, de la diversification des opérateurs, de l'expérience acquise ainsi que du financement et des perspectives d'exploitation prévus par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

Les critères du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de la diversification des opérateurs

8e alinéa de l'article 29 de la loi : « Le Conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la diversification des opérateurs [...] ».

Dans un arrêt du 10 avril 2002, le Conseil d'État a jugé qu'en application du principe de la « diversité des programmes », qui « se rattache aux critères de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversité des opérateurs », le CSA se trouve fondé à écarter la candidature d'un service musical thématique, dépourvu de tout décrochage local, au profit d'un service concurrent offrant un programme d'intérêt local mieux à même de répondre aux attentes du public de la zone concernée (CE 10 avril 2002 Société Canal 9, Req. no 213 281.).

Le respect du principe du pluralisme des courants d'expression socioculturels suppose ainsi que l'instance de régulation privilégie les services qui proposent un programme d'intérêt local susceptible de satisfaire le plus large public dans la zone concernée. Il en va de même de ceux qui présentent un « format totalement inédit » dans la zone (CE 14 juin 2002 Société Vortex, Req. no 213 282 et no 213 283.). Le juge avait dégagé des solutions analogues dans plusieurs arrêts antérieurs, en invitant le CSA à accorder sa préférence, au nom de la diversité des programmes, aux services locaux (CE 6 mai 1996 Association Evasion, Req. no 158 205. CE 27 juin 1997 SARL Cirtes, Rec. tables p. 1056.) ou à ceux correspondant à un format inédit (CE 27 mars 2000 Société d'exploitation de Radio Finance, Req. no 198 349.).

Le recours en annulation formé par l'association Oxygène contre l'autorisation accordée à la SAS FG Concept à Paris a d'ailleurs permis de confirmer cette interprétation. Le Conseil d'État a admis, en effet, qu'en proposant un programme original axé sur les musiques nouvelles, la candidature de la SAS FG Concept « contribuait davantage à la diversité des programmes radiophoniques proposés aux auditeurs parisiens » que le projet présenté par la requérante (CE 29 juillet 2002 Association Oxygène, Req. no 235 611 mentionnée aux tables.).

L'application du critère du pluralisme sera toutefois différenciée en fonction des caractéristiques de la zone concernée. Le CSA retiendra ainsi la candidature d'un service proposant un programme de variété plutôt que celle d'un opérateur dont la thématique musicale, orientée sur le « rap », s'adresse à une moindre partie de la population d'une zone rurale (CE 22 novembre 2002 Société Vortex, Req. no 215 315.).

Le critère de l'expérience acquise

9e alinéa de l'article 29 de la loi : « Il tient également compte : 1o de l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication [...]. »

La mise en œuvre de ce critère secondaire a toujours été problématique et a fait l'objet d'un contentieux abondant par le passé. Ce sont sans doute ces considérations qui ont amené la Section du contentieux du Conseil d'État à prendre position en la matière. Le juge administratif avait déjà considéré, en 1998, que le critère de l'expérience acquise est « relatif au professionnalisme des opérateurs » (CE 6 avril 1998 Société Canal 9, Req. no 181 643. CE 6 avril 1998 Société Vortex, Req. no 181 644. CE 23 septembre 1998 Société Canal 9, Req. no 186 345. CE 23 septembre 1998 Société Vortex, Rec. p. 1150. CE 23 septembre 1998 Société Serc Fun Radio, Req. no 186 399.). L'antériorité d'implantation d'un opérateur dans la zone d'attribution de fréquences n'est donc pas une indication pertinente pour l'appréciation de sa candidature au regard dudit critère. Cette interprétation avait été confirmée par deux arrêts du Conseil d'État rendus en 2001 (CE 14 mars 2001 Association Radio Uylenspiegel, Req. no 213 517. CE 23 mars 2001 Société Canal 9, Req. no 200 050.).

Dans sa décision de section du 13 décembre 2002, concernant la société Radio Monte-Carlo, le Conseil d'État a décidé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la requérante « présente des garanties de professionnalisme moindres que la radio retenue », en l'occurrence Nostalgie (CE 13 décembre 2002 Société Radio Monte-Carlo, Req. no 221 827 publiée au Recueil.). Une perte significative d'audience sur le plan national, par exemple, n'est pas en soi révélatrice d'un manque de professionnalisme.

Le critère du financement et des perspectives d'exploitation

9e alinéa de l'article 29 de la loi : « Il tient également compte : 2o du financement et des perspectives d'exploitation du service, notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle [...]. »

Ce critère dit de la « viabilité économique » fait partie des critères secondaires auxquels le CSA doit se référer lors de la sélection des candidatures pour l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore. Dans un arrêt du 3 avril 2002, le Conseil d'État a ainsi rappelé qu'au moment de la sélection des dossiers de candidature, le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit, non seulement vérifier l'intérêt de chaque projet pour le public, mais aussi prendre en compte l'ensemble des autres critères énoncés par l'article 29 de la loi de 1986, notamment le financement et les perspectives d'exploitation du service. L'autorité de régulation devait ainsi écarter la candidature de la société Poindiff, affiliée au réseau Skyrock appartenant à la société Vortex, dès lors qu'un désaccord survenu entre les intéressés « était susceptible de faire obstacle à l'exploitation du service dans des conditions normales » (CE 3 avril 2002 Société Vortex, Req. no 230 057 mentionnée aux tables.).

Cette décision s'inscrit dans la logique de l'arrêt SARL Contact distribution de 1994 (CE 28 septembre 1994 SARL Contact distribution et autres, Rec. tables p. 1169.). Dans cette affaire, le CSA avait rejeté la candidature de la SARL Contact distribution « en raison de graves dissensions » avec la société Vortex, son franchiseur. Le Conseil d'État avait alors validé cette décision, estimant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'avait commis aucune erreur de droit, même si le tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 12 décembre 1990 devenu définitif, avait rejeté la demande de la société Vortex tendant à faire constater la nullité du contrat d'affiliation. Ainsi, pour le juge administratif, dès lors qu'il existe un grave désaccord entre le franchiseur et son affilié, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut que rejeter la candidature de ce dernier sur le fondement du 2o du 9e alinéa de l'article 29 de la loi de 1986.

Enfin, le 5 juin 2002, le Conseil d'État s'est prononcé sur la question du partage des ressources publicitaires sur le plan local, dans le cadre d'une affaire concernant la SA Challenge Radio Vibration. Le juge administratif a ainsi jugé qu'en « rejetant, pour un motif tiré de la répartition des ressources publicitaires entre les seuls services de radiodiffusion, la candidature de la SA Challenge Radio Vibration, [...] le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est fondé sur un critère qui n'est prévu par aucune disposition législative ou réglementaire » (CE 5 juin 2002 SA Challenge Radio Vibration, Req. no 202 221 mentionnée aux tables.). Dans cet arrêt, le juge rappelle donc au CSA qu'il doit, pour la mise en œuvre du critère de la viabilité économique, procéder à une analyse globale du marché de la publicité locale, tous médias confondus.

Les autres contentieux

LE CONTENTIEUX DES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1er DE LA LOI DE 1986

Par une décision du 18 décembre 2002, le Conseil d'État a rejeté la requête présentée par l'association Promouvoir dirigée contre une décision implicite du CSA refusant d'adresser aux sociétés nationales de programme Radio France et France Télévisions une recommandation relative au respect du pluralisme dans le traitement de l'affaire faisant suite au retrait du visa d'exploitation du film Baise moi (CE 18 décembre 2002 Association Promouvoir, Req. no 232 273 publiée au Recueil.).

Le juge a ainsi rappelé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose d'un « large pouvoir d'appréciation » et de moyens variés, autres que la recommandation, pour inviter les opérateurs à respecter les obligations qui leur sont imposées. Il a estimé que, compte tenu des circonstances de l'espèce, l'instance de régulation n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'adresser une recommandation aux sociétés nationales de programme Radio France et France Télévisions, « plus de cinq mois après les faits litigieux ».

LE CONTENTIEUX DES DÉCISIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 42 ET SUIVANTS DE LA LOI DE 1986

Préalablement à l'exercice de son pouvoir de sanction, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est conduit à prendre des décisions de mise en demeure à l'égard des opérateurs qui ne respecteraient pas les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, par les principes définis à l'article premier de la loi de 1986 (article 42 de la loi de 1986) ou découlant de leurs propres engagements conventionnels.

Il peut en outre infliger des sanctions à ces mêmes opérateurs, telle que la suspension de leur autorisation ou d'une partie de leur programme pour une durée maximale d'un mois (article 42-1 de la loi de 1986).

La loi du 30 septembre 1986 modifiée donne enfin compétence à l'instance de régulation pour examiner toute modification, intervenant notamment dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement, susceptible de remettre en cause l'autorisation initialement délivrée à un service de communication audiovisuelle. L'exercice d'un tel contrôle peut aboutir soit à une décision d'agrément, soit au retrait pur et simple de l'autorisation (article 42-3 de la loi de 1986).

Les décisions de mise en demeure (article 42 de la loi de 1986)

Le 30 décembre 2002, le Conseil d'État a rejeté la demande de la société Vortex tendant à l'annulation de la décision du CSA du 15 mai 2001 la mettant en demeure de ne plus diffuser de propos susceptibles de porter gravement atteinte à la dignité de la personne humaine et de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs au sens des dispositions de l'article 15 de la loi de 1986 (CE 30 décembre 2002 Société Vortex, Req. no 236 826 mentionnée aux tables.). La décision contestée avait été prise à la suite des propos outranciers, à caractère violent et pornographique, tenus à l'antenne par des animateurs de Skyrock à l'égard des candidates du jeu Loft Story diffusé sur M6.

S'agissant de la légalité externe, le juge a notamment rappelé qu'eu égard à son objet la mise en demeure « n'est soumise à aucune procédure préalable ». Il a surtout estimé qu'une telle décision n'a pas « le caractère d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

Sur la légalité interne, le Conseil d'État a considéré que les propos « à caractère sexuel, scatologique et violent [...] diffusés à l'antenne de Skyrock [...] , seraient-ils tenus dans une intention humoristique, entraient dans le champ d'application des dispositions du 4 e alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ».

Les décisions de sanction (article 42-1 de la loi de 1986)

Le Conseil d'État a, par une décision du 29 juillet 2002 (CE 29 juillet 2002 Association Radio Deux Couleurs, Req. no 221 302 mentionnée aux tables.), rejeté le recours de l'association Radio Deux Couleurs tendant à l'annulation de la décision du 7 mars 2000 par laquelle le CSA a suspendu son autorisation pour une durée d'un mois, du 10 avril au 9 mai 2000. Cette sanction, motivée par le non-respect du programme d'intérêt local que l'opérateur s'était engagé à diffuser quotidiennement, faisait suite à une mise en demeure préalable du 18 novembre 1999.

Sur la légalité externe, le juge a ainsi considéré que la requérante n'était pas fondée à invoquer une prétendue méconnaissance des droits de la défense, dès lors que la mise en demeure « précisait les faits qui lui étaient reprochés et les sanctions applicables en cas de persistance des irrégularités constatées » et qu'elle avait été en mesure de présenter ses observations écrites. Mais le Conseil d'État a surtout retenu qu'il n'y avait pas eu « violation des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales applicables aux décisions statuant sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale au nombre desquelles figure la sanction contestée ». Ce faisant, le juge confirme l'applicabilité de l'article 6-1 de la Convention européenne précité aux procédures de sanction mises en œuvre par les autorités administratives indépendantes (CE Sect. 3 décembre 1999 M. Didier, Rec. p. 399 ; AJDA 2000 p. 126 chron. Mathias Guyomar et Pierre Collin ; RFDA 2000 p. 584 concl. Alain Seban.). Cette jurisprudence, initiée dans le cadre d'une affaire concernant une décision du Conseil des marchés financiers, s'étend désormais naturellement aux sanctions prononcées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui ressortissent à la matière pénale au sens de la Convention européenne.

Sur la légalité interne, le Conseil d'État a considéré que le principe de légalité des délits et des peines n'avait pas été méconnu, dès lors que la sanction avait été prononcée sur le fondement des articles 21 et 22 de la convention du 15 octobre 1996 conclue entre l'opérateur et le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le juge a en outre admis que la décision attaquée n'était pas fondée sur des faits matériellement inexacts, puisque la persistance du manquement avait été constatée par deux séries d'écoutes. Le Conseil d'État a enfin remarqué qu'eu égard à la gravité des manquements reprochés et à leur répétition, la sanction contestée ne présentait pas un caractère excessif et n'avait pas été prise en méconnaissance de l'article 10 de la Convention européenne relatif à la liberté d'expression.

Les décisions d'agrément (article 42-3 de la loi de 1986)

Dans le cadre d'un contentieux concernant l'association TSF-RP, dont le conseil d'administration avait été renouvelé de façon significative, le Conseil d'État a validé de nouveau la procédure d'agrément mise en place sur le fondement de l'article 42-3 de la loi de 1986, en reconnaissant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'est pas tenu de retirer une autorisation en cas de modification des données au vu desquelles celle-ci a été délivrée (CE 16 janvier 2002 Association Paris Jazz, Req. no 212 892.). Seule une modification substantielle serait de nature à entraîner un tel retrait. Or, pour le Conseil d'État, un simple changement dans la composition du conseil d'administration sans modification substantielle des conditions de financement et du contenu des programmes ne justifie pas un retrait de l'autorisation. Cette affaire s'inscrit dans la lignée des arrêts Société NRJ du 29 janvier 1993 et du 8 avril 1998 (CE Sect. 29 janvier 1993 Société NRJ, Rec. p. 17. CE 8 avril 1998 Société NRJ, Rec. p. 171.).

La même solution a été réaffirmée à propos de la modification du capital de la société Télé Lyon Métropole (TLM), déférée par la société de presse Lyon-Mag au contrôle du juge de l'excès de pouvoir (CE 29 mai 2002 Société Lyon-Mag, Req. no 222 112.). Pour rejeter la demande de la requérante, le Conseil d'État a relevé que le groupe Le Progrès, détenteur de 49,98 % du capital de cette télévision locale à l'issue de l'opération contestée, figurait parmi les actionnaires « à l'origine de la société ». Dans ces conditions, « compte tenu de l'ensemble des caractères du service de télévision en cause, du maintien ou du renforcement des obligations imposées à la société et de l'absence de modification du contenu et du format des programmes », le CSA a pu légalement accorder son agrément, dans les conditions prévues à l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

L'opération menée par le groupe Le Progrès n'a pas non plus été jugée incompatible avec le dispositif anti-concentrations de la loi de 1986. Il n'a pas davantage été porté atteinte aux principes de la libre concurrence et du pluralisme des courants d'expression socioculturels, prévus à l'article 29 de la loi de 1986. Le Conseil d'État a ainsi jugé « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier [...] que la modification de capital autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel [...] , ait placé la société Le Progrès dans une position susceptible de permettre un abus de position dominante sur le marché local de la publicité ». D'après le juge, les « engagements souscrits par la société TLM en matière d'indépendance de l'équipe rédactionnelle de la chaîne » permettent enfin à eux seuls d'assurer la sauvegarde du pluralisme.

LE CONTENTIEUX DE LA QUALIFICATION DES ŒUVRES EUROPÉENNES ET D'EXPRESSION ORIGINALE FRANÇAISE

Par une décision du 15 novembre 2002, le Conseil d'État a rejeté les demandes de la société Globe Trotter Network tendant à l'annulation de la décision par laquelle le CSA a refusé d'accorder au film d'animation Le Journal d'Anne Frank les qualifications d'œuvre d'expression originale française et d'œuvre européenne (CE 15 novembre 2002 Société Globe Trotter Network, Req. no 229 465, no 236 912 et no 244 287 publiées au Recueil.).

La principale difficulté présentée par cette affaire résidait dans le fait que, contrairement à ce qui se pratique pour les autres types d'œuvres, il n'est pas possible de se référer à une quelconque « langue de tournage » pour procéder à la qualification d'œuvre d'expression originale française d'un dessin animé. Le juge administratif a donc validé le raisonnement suivi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et considéré que seuls les films d'animation comportant, dès l'origine, une version en langue française peuvent bénéficier de la qualification d'œuvre originale française au sens de l'article 5 du décret no 90-66 du 17 janvier 1990 modifié. Tel n'était pas le cas du film d'animation Le Journal d'Anne Frank, entièrement adapté d'une œuvre originale intitulée Anne no Nikki, initialement réalisée en anglais et en japonais et exploitée au Japon ainsi que sur la Péninsule coréenne dès 1995. Le fait que l'œuvre adaptée en français soit protégée par les droits d'auteurs en tant qu'œuvre composite demeure sans incidence sur son éventuelle qualification au regard de l'article 5 du décret précité, le droit de l'audiovisuel et celui de la propriété littéraire et artistique répondant à deux logiques totalement différentes. Le Conseil d'État a en outre estimé que le film d'animation Le Journal d'Anne Frank ne remplissait ni les critères artistiques, ni les critères économiques requis par l'article 6 du décret précité pour l'obtention de la qualification d'œuvre européenne.

Les procédures d'urgence

Pour la deuxième année consécutive, le nouveau référé administratif institué par la réforme du 30 juin 2000 (Loi no 2000-597 du 30 juin 2000 (JO du 1er juillet 2000 p. 9948). entrée en vigueur le 1er janvier 2001, a connu un franc succès auprès des opérateurs et des justiciables. Six recours en référé ont ainsi été formés devant le Conseil d'État en 2002, dont deux « référés-suspension » (article L. 521-1 du code de justice administrative) et quatre « référés-liberté » (article L. 521-2 du même code).

Sur le terrain du « référé-suspension », un nouveau recours a été introduit par la SARL Saprodif Méditerranée FM contre une décision de non-reconduction prise sur le fondement de l'article 28-1 de la loi de 1986. Après le rejet d'un « référé-liberté » initial, le GIE Sport Libre a pour sa part emprunté la voie du « référé-suspension » à l'encontre de la délibération du 20 décembre 2001 par laquelle le conseil d'administration de la Ligue nationale de football avait décidé de mettre en œuvre une « procédure d'appel d'offres » portant sur la commercialisation des droits sportifs à la radio. Dans le cadre du « référé-liberté » initial, le président de la Section du contentieux du Conseil d'État s'était déclaré compétent pour connaître de la légalité des décisions de la Ligue nationale de football, dès lors qu'elles ont pour effet de modifier unilatéralement l'état du droit et sont l'expression des prérogatives de puissance publique de la ligue. Il avait toutefois rejeté la requête en estimant que l'illégalité susceptible d'entacher la décision attaquée n'était pas « manifeste » au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CE réf. 18 mars 2002 GIE Sport Libre et autres, Req. no 244 081 publiée au Recueil.). La Ligue ayant entre-temps renoncé à l'appel d'offre contesté, les requérants se sont finalement désistés de leur deuxième recours en référé, introduit sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CE réf. 11 avril 2002 GIE Sport Libre et autres, Req. no 244 760.).

Le « référé-liberté » a enfin été surtout utilisé au printemps 2002, dans le cadre de la campagne en vue de l'élection présidentielle. Les deux recours exercés par Pierre Larrouturou, tendant à ce qu'il soit fait injonction au CSA de garantir l'égalité de traitement des candidats, ont ainsi été rejetés, faute pour le requérant de pouvoir justifier détenir les 500 signatures prévues au 2e alinéa du I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel. Le juge a cependant reconnu que le principe du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion constituait une « liberté fondamentale » au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il a ainsi confirmé la position déjà adoptée dans le cadre de l'affaire Tiberi concernant les élections municipales à Paris (CE réf. 24 février 2001 M. Jean Tiberi, Req. no 230 611.). Le juge des référés du Conseil d'État a par ailleurs rejeté la requête de M. Meyet tendant à ce qu'il soit enjoint au CSA de faire cesser les manquements au principe de l'égalité entre les candidats à l'élection présidentielle résultant, d'après lui, de l'émission Les Guignols de l'info diffusée sur Canal+. Après avoir rappelé les termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative relatif au référé-liberté, le juge a estimé que ces dispositions ne s'appliquaient qu'aux « personnes dont une liberté fondamentale viendrait à être méconnue de façon grave et manifestement illégale par l'administration ». Le juge des référés a cependant relevé qu'en l'espèce, le requérant ne justifiait pas « en sa seule qualité d'électeur, subir directement et personnellement l'atteinte à la liberté fondamentale » dont il se prévalait, à savoir « le libre exercice du suffrage » (CE réf. 17 avril 2002 M. Meyet, Req. no 245 283 publiée au Recueil.).

Conclusion

Avec plus d'une trentaine de décisions rendues par le Conseil d'État dans le secteur de l'audiovisuel, dont seulement trois annulations, l'année 2002 confirme une tendance déjà observée dans le précédent rapport d'activité du CSA à un accroissement significatif du nombre des recours. Cette inflation du contentieux s'accompagne toutefois d'une baisse de la qualité des recours, ou d'un durcissement relatif des conditions de recevabilité.

Le Conseil d'État a ainsi prononcé, sur le fondement de l'article R. 122-12 du code de justice administrative, deux désistements d'office à l'encontre de requérants qui n'avaient pas produit le mémoire ampliatif annoncé par leur requête introductive d'instance dans le délai réglementaire de quatre mois prévu à l'article R. 611-22 du même code (CE ord. 4 septembre 2002 Association Radio Cormorane, Req. no 241 844. CE ord. 25 septembre 2002 Monsieur Rousselet, Req. no 246 510.). Il a en outre constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête dirigée par le parti écologiste Les Verts contre une décision du président de la Commission d'accès aux émissions de la campagne officielle à la radio et à la télévision en vue des élections législatives des 9 et 16 juin 2002, dès lors que ladite campagne se trouvait achevée depuis plusieurs mois au jour où le juge s'est trouvé amené à statuer (CE 22 novembre 2002 Les Verts, Req. no 247 265.). Même solution en ce qui concerne une requête du Syndicat de la presse quotidienne régionale contre le communiqué no 414 par lequel le CSA avait autorisé l'accès des sites internet à la publicité télévisée, y compris ceux des entreprises relevant de secteurs interdits de publicité à la télévision comme la presse, la distribution, le cinéma et l'édition littéraire. Après avoir constaté que le communiqué attaqué avait déjà été annulé par une décision du 3 juillet 2000 (CE 3 juillet 2000 Syndicat français des artistes interprètes, Req. no 219 377 ; Syndicat national des techniciens et réalisateurs, Req. no 219 048 ; Société civile des auteurs réalisateurs producteurs et autres, Req. no 218 358, no 218 458, no 219 038, no 219 262 et no 219 364 publiée au Recueil., le Conseil d'État a ainsi estimé que les conclusions de la requérante étaient devenues sans objet (CE 14 juin 2002 Syndicat de la presse quotidienne régionale, Req. no 220 250.).

Mais ce sont surtout les décisions d'irrecevabilité qui retiennent l'attention, en raison d'une part de leur nombre, et d'autre part de leurs apports dans les définitions des notions d'intérêt à agir et d'acte faisant grief.

De plus, en ce qui concerne les conditions de recevabilité tenant à la qualité du requérant, le Conseil d'État est venu préciser, par deux arrêts successifs, les contours de la notion d'intérêt à agir dans le secteur de l'audiovisuel. Le juge a ainsi considéré que le simple fait de se présenter comme « un téléspectateur soucieux de la protection de l'enfance » ne permet pas de justifier d'un intérêt donnant qualité pour demander l'annulation d'une décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel estimant qu'une vidéomusique du groupe Demon diffusée sur M6 et MCM n'avait pas un caractère choquant tel que son retrait de l'antenne puisse être exigé (CE 16 janvier 2002 M. Stiegler, Req. no 230 386 publiée au Recueil.). N'a pas d'avantage d'intérêt à agir contre la décision du CSA du 29 novembre 2000 portant reconduction de l'autorisation délivrée à la société Canal+, le requérant qui se borne à se présenter comme « un ancien agent de l'établissement public TéléDiffusion de France », lié par convention avec ladite société (CE 11 mars 2002 M. Guinet, Req. no 230 667.).

Parmi les multiples affaires examinées par le juge en 2002, la nature de l'acte attaqué a enfin représenté l'une des principales causes d'irrecevabilité. Le Conseil d'État a ainsi confirmé que dans le cadre de la procédure d'appel aux candidatures pour l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore, la liste des candidats présélectionnés constitue « une mesure préparatoire » et n'a pas, par conséquent, le caractère d'une « décision faisant grief » susceptible d'être déférée à la censure du juge de l'excès de pouvoir (CE 29 juillet 2002 Association Oxygène, Req. no 233 033 et no 233 034 mentionnée aux tables.). La même solution s'impose en ce qui concerne le communiqué par lequel le CSA informe l'ensemble des candidats à l'attribution d'une autorisation pour l'exploitation d'un service de télévision locale par voie hertzienne terrestre sur l'état d'avancement de la procédure de sélection et indique ceux avec lesquels il s'apprête à négocier la convention prévue à l'article 28 de la loi de 1986 (CE 29 juillet 2002 Société EDEPIS, Req. no 211 689.). Le juge a en outre rejeté comme irrecevables plusieurs requêtes dirigées contre diverses lettres du président et du directeur général du CSA équivalant à de simples « mesures d'information » et qui, partant, n'avaient pas le caractère de décisions faisant grief (CE 29 juillet 2002 M. Le Quintrec, Req. no 211 479. CE ord. 10 octobre 2002 Madame Patricia Régnier, Req. no 248 149. CE ord. 17 octobre 2002 Madame Sylvie Neidinger, Req. no 244 170 et no 246 599.). Ces dernières décisions ne font que confirmer une jurisprudence constante (CE 13 janvier 1995 Société TF1, Rec. p. 31. CE 4 octobre 1996 Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, Req. no 168 131, no 168 225, no 168 271, no 168 291, no 168 337, no 168 451 et no 168 994. CE 28 février 1997 Société TF1, Rec. tables p. 1055.).