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Intervention publique

Allocution de Roch-Olivier Maistre à l’occasion de l’ouverture du grand débat du Festival de la fiction, le jeudi 17 septembre 2020

Publié le

Allocution de Roch-Olivier Maistre à l’occasion de l’ouverture du grand débat du Festival de la fiction

Les Folies Bergère – Paris – 17 septembre 2020


Seul le prononcé fait foi.

 

Bonjour à toutes, bonjour à tous,

Merci Marjorie PAILLON, merci Stéphane STRANO, merci pour votre invitation à introduire ce grand débat du Festival, qui s’est – momentanément ! – un peu éloigné de La Rochelle. Merci, par la même occasion, à toute l’équipe qui a permis que le Festival ait lieu cette année : c’est un signal important pour la filière.

Des auteurs aux diffuseurs, en passant par les producteurs, une grande partie des acteurs de la filière, en effet, sont réunis ce matin. Pour engager le débat sur la crise, ses conséquences, mais aussi sur les pistes d’avenir. C’est donc un vrai plaisir pour moi d’ouvrir ce débat – et ce d’autant plus que c’est la première fois que j’ai la possibilité de participer au Festival !

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1. Vous avez souhaité débuter cette matinée en dressant un premier bilan de la crise. Un premier bilan de ce choc d’une rare violence que nous avons connu ces derniers mois, dont nous sommes encore loin d’être sortis.

Dans la production audiovisuelle, la reprise des tournages observée depuis la mi-mai s’est confirmée cet été, mais elle reste fragile. Du fait de la crainte de nouvelles interruptions, après la centaine de reports ou d’annulations du printemps[1], mais aussi du fait du renchérissement des coûts de production[2]. Et, en tout état de cause, la reprise ne compensera pas les pertes du premier semestre.

Un scénario similaire est en vue chez les diffuseurs. Après l’effondrement brutal du marché publicitaire – qui a pu atteindre 60 % pendant le confinement – les annonceurs recommencent à investir. L’été a été plutôt encourageant : c’est un des principaux enseignements de la nouvelle édition de notre Baromètre des effets de la crise, publiée aujourd’hui. Reste que la chute de l’ordre de 15 %  anticipée pour cette année[3] a, d’ores et déjà, impliqué d’importants efforts sur les coûts de grille[4].

En réalité, et je ne détaillerai pas plus, c’est l’ensemble de notre secteur qui est durement touché, à court et moyen terme. Et, avec les multiples incertitudes qui subsistent, ce n’est pas seulement « le monde d’après » qu’il nous faut concevoir, c’est aussi « le monde d’avec[5] ». Car l’hypothèque sanitaire risque bien de se prolonger.

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2. Dans ce contexte difficile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel reste, plus que jamais, en lien constant avec tout le secteur, en particulier dans le cadre du groupe de travail piloté par Jean-François MARY et Nathalie SONNAC.

Nous avons immédiatement fait passer un message clair de soutien à l’ensemble des acteurs. Et nous avons fait preuve, lorsque nécessaire, de pragmatisme et de souplesse dans l’application des règles, tout en veillant aux grands équilibres de l’écosystème.

En cette rentrée, nous restons très attentifs à l’évolution de la situation, notamment en ce qui concerne les obligations des chaînes en matière de contribution à la production. Notre préoccupation est de préserver notre tissu créatif et productif, et plus largement d’éviter toute nouvelle fragilisation des différentes composantes de la filière.

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3. Depuis le début de la crise, nous avons aussi relayé les préoccupations et les difficultés du secteur auprès des pouvoirs publics. Cela nous a d’ailleurs conduit à formuler un certain nombre de propositions de soutien, à la fois conjoncturel et plus structurel.

De ce point de vue-là, on ne peut que se réjouir de la mobilisation des pouvoirs publics. Des mesures importantes et attendues ont pu être annoncées, comme le crédit d’impôt « création », ou l’abondement exceptionnel à l’audiovisuel public, qui joue un rôle-clé pour la création. Le secteur n’a pas été oublié par le plan de relance, cette relance indispensable que vous avez mise au programme de la seconde partie de ce débat. La ministre aura probablement l’occasion de nous en dire plus tout à l’heure.

La pierre angulaire de ces mesures, c’est évidemment la transposition d’ici à la fin de l’année de la directive « SMA » de 2018, en faveur de laquelle le chef de l’Etat s’est engagé. Cette directive permet – vous le savez – d’intégrer les grandes plateformes internationales de vidéo à la demande au financement de la création et de la production en France, même si elles ne sont pas établies dans le pays. Elle instaure également des quotas en matière de composition des catalogues. Des asymétries concurrentielles entre opérateurs historiques et nouveaux entrants, qui étaient devenues intenables, vont enfin pouvoir être levées. C’est la promesse de redonner de l’oxygène à la filière de la création, de lui ouvrir des leviers de croissance.

Adopter les différents textes, pour pouvoir concrètement les mettre en œuvre dans les délais : il s’agit, à n’en pas douter, du grand enjeu de cet automne. Le projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée nationale fait l’objet d’un large consensus parmi les parlementaires, c’est naturellement très positif.

Pour sa part, le Conseil supérieur de l’audiovisuel entend jouer tout son rôle, et contribuer au bon aboutissement du processus. Il sera appelé à émettre un avis sur le projet d’ordonnance qui lui sera soumis par le Gouvernement, ainsi que sur les textes réglementaires qui en découleront. Pleinement mobilisé pour tenir les délais, il veillera aussi à maintenir le dialogue avec les différents acteurs de la filière. En gardant à l’esprit cette conviction, que j’ai souvent eu l’occasion de répéter : mieux vaut privilégier la régulation à la réglementation. Pour que les règles soit les plus opérationnelles et favorisent au mieux le financement de la création audiovisuelle, chacun a intérêt à donner de l’espace à la régulation, à travers notamment les conventions que le CSA aura à négocier avec les plateformes.

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4. La mise en œuvre de la directive représentera une avancée majeure, très attendue. Mais, et j’en terminerai par la, nous ne serons pas encore au bout du chemin.

Un constat partagé sur l’inadaptation de notre législation a émergé ces dernières années, notamment du côté du Parlement. Et, au-delà des mesures déjà en vue, d’autres évolutions législatives restent nécessaires. Elles ont même été rendues d’autant plus nécessaires par la crise, qui accentue et accélère certaines transformations du secteur.

Je pense, en particulier, à la modernisation de la lutte contre le piratage. Sans outils ciblant le streaming illégal, la lutte contre le piratage audiovisuel risque de se dévitaliser. C’est pour cette raison que le projet de rapprochement entre le CSA et l’Hadopi, pour constituer un régulateur compétent sur l’ensemble de la chaîne de la création, conserve toute sa pertinence.

Je pense, aussi, à d’autres actualisations de notre régulation, pour lui donner plus de souplesse et plus de simplicité. Des évolutions peut-être moins visibles, mais tout aussi nécessaires.

Et je pense, aussi, à des chantiers qui vont nécessairement s’inviter à l’agenda, comme celui de l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), avec la fin programmée de la taxe d’habitation. A cet égard, le CSA a régulièrement rappelé son attachement à un financement dédié et pérenne de l’audiovisuel public.

Je souhaite que ces différents chantiers puissent trouver leur traduction législative dans les prochains mois. Vous aurez peut-être l’occasion de les évoquer ce matin, ne les perdons pas de vue !

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Place, donc, au débat ! Merci de votre attention !

[1] Source : USPA citée par Les Echos, 14 avril 2020
[2] Source : Les Echos, 7 sep. 2020 (+ 10% évoqués)
[3] Source : Le Figaro, 7 sept. 2020
[4] Les groupes TF1 et M6 ont vu leurs revenus baisser respectivement de 250 et 175 M€ au S1 2020, et les deux groupes ont réduit leur coût de grille d’environ 100 M€ chacun
[5] Cf. not. A. Filipetti, « Le monde d’avec », Le Grand Continent, 22 avril 2020