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Intervention publique

Intervention de Roch-Olivier Maistre à l’occasion des "Rencontres de l’UDECAM" Mardi 7 septembre 2021

Publié le


Allocution de Roch-Olivier Maistre

sur le thème « La relance par la création de champions internationaux »

Rencontres de l’UDECAM 

Mardi 7 septembre 2021



Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les présidentes et présidents,

Mesdames et messieurs, chers amis,
Bonjour et merci  beaucoup à Gautier Picquet ainsi qu’aux organisateurs de m’avoir invité à ouvrir cette troisième section des rencontres 2021 de l’UDECAM, pour laquelle vous avez choisi comme thème « La relance par la création de champions internationaux ». Un thème d’une grande actualité.


Le thème de la relance est d’autant plus central que la crise de Covid-19 a bien sûr durement touché l’audiovisuel et les médias.

Le CSA a publié à échéance régulière un Baromètre des effets de la crise, qui a permis de prendre la mesure  de l’impact de cette crise sur le secteur et nous a aussi conduits à formuler auprès des pouvoirs publics des propositions de soutien aux acteurs concernés, dont plusieurs ont pu être reprises.

Ce secteur a fait face, en 2020, à une situation inédite et à vrai dire assez paradoxale. L’exemple des éditeurs télévisuels pendant le premier confinement est à cet égard éloquent : la durée d’écoute individuelle de la télévision a atteint des niveaux historiques après plusieurs années d’érosion de son audience, avec des pics à plus de 5 heures quotidiennes en avril, mais de nombreux annonceurs ont été contraints de réduire voire de supprimer leurs investissements publicitaires. Cette situation n’a donc pas permis aux éditeurs de valoriser ce regain d’intérêt pour la télévision sur le marché de la publicité. Au total, les recettes publicitaires des grands médias ont connu une chute de plus de 10 % par rapport à 2019 avec un impact plus lourd pour la radio que pour la télévision.

À l’inverse, la publicité sur internet a nettement mieux résisté à la crise, avec une croissance de 3 % en 2020. Ce support est ainsi le seul sur lequel les acteurs ont connu une hausse de leurs revenus par rapport à 2019.

Les effets conjoncturels de la crise sont venus confirmer une tendance de fond, celle de l’évolution des choix d’investissements publicitaires entre les médias, le poids croissant des grands acteurs du numérique qui parviennent à concentrer une grande partie des recettes publicitaires. En 2020 et pour la première fois, le numérique aura capté plus de la moitié du marché publicitaire en France, ce qui confirme d’ailleurs une tendance observée au plan mondial.

Face à ce phénomène, la crise a aussi joué un rôle d’amplificateur des reconfigurations en cours du paysage médiatique.

Ce dernier connaissait déjà des changements profonds et notamment des mouvements de consolidation, (transformations des usages, des supports et des vecteurs de diffusion, des  formats, …). Ces mouvements de consolidation ne sont d’ailleurs pas propres à la France : on l’a vu aux États-Unis, les annonces de consolidation n’ont cessé de se multiplier : le rapprochement  entre  Disney et Fox, plus récemment le rapprochement de Discovery et de Warner Media. Au-delà des GAFAM, ce sont là des acteurs du paysage médiatique avec une force de frappe d’investissement considérable. En juin dernier par exemple, les transactions dans le secteur des médias ont  atteint 230 milliards de dollars aux États-Unis, ce qui souligne le dynamisme de ces transformations.

Des initiatives européennes ont également vu le jour. La France  elle-même est déjà engagée depuis quelques années dans ces mouvements de consolidation. On en a connu dans le rapprochement entre le média radio et le média télévisé qui s’est amorcé avec RMC puis la reprise de RTL par le Groupe M6. On le voit en télévision : M6 reprenant les chaines du Groupe Lagardère, Vivendi chez Canal puis Lagardère. Ces mouvements de rapprochement sont enclenchés depuis plusieurs années.

La question est donc de savoir comment nos acteurs français s’adaptent, de leur côté, à l’évolution de ce paysage pour être en mesure de rivaliser en terme d’investissements sur les achats de contenus audiovisuels, cinématographiques et sportifs avec les géants du numérique.

Le « triopole » – formé par Google, Facebook et Amazon -a concentré, au 1er semestre 2021, 70 % des recettes du marché publicitaire numérique. Ces acteurs bénéficient de la publicité présente sur les moteurs de recherche et sur les réseaux sociaux et la croissance des investissements publicitaires s’appuie sur la valorisation de temps d’audience élevés.

Il est donc normal, en tout cas compréhensible, que certains acteurs de l’audiovisuel se mettent en « ordre de marche ». Il s’agit pour eux de développer leur capacité d’investissement mais aussi préserver une forme de souveraineté culturelle pour pouvoir offrir, dans un climat de concurrence croissante, des histoires françaises avec des acteurs français et des décors français. Nos groupes médias ont d’ailleurs déjà adapté leur offre, avec le développement par exemple de plateformes de streaming comme Salto ; les britanniques disposent d’un service similaire avec Britbox. Cette diversification vers les espaces numériques, en permettant de toucher un public plus large, favorise aussi une offre publicitaire plus transversale qui leur permet de rester compétitifs.

Les projets de rapprochement annoncés ces derniers mois s’inscrivent donc dans ce contexte de préservation de la capacité d’investissement de nos acteurs et de rééquilibrage du paysage lui-même.
C’est les opérations que j’ai évoquées précédemment et aussi le rapprochement des groupes TF1 et M6 dont Gilles Pélisson va nous parler dans quelques instants. Vous l’aurez compris, le régulateur est dans un esprit d’ouverture et de compréhension vis-à-vis de ces opérations de rapprochement. Le CSA n’est pas seulement là pour préserver un statu quo, pour  conserver ce qui existe,  il est là pour anticiper, il est là pour accompagner les acteurs et préserver les équilibres d’ensemble du paysage dans un contexte qui évolue.  Nous-mêmes nous allons nous transformer pour tenir compte des mutations en cours, puisque nous allons fusionner avec la Hadopi dans quelques mois, au 1er janvier 2022, pour former la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’ARCOM. Cette réforme souhaitée par le législateur souligne que le régulateur s’adapte lui aussi aux évolutions du paysage médiatique mais aussi numérique, pas seulement pour mieux en contrôler les acteurs, mais aussi pour mieux les accompagner et mieux les conseiller.

Un mot maintenant des prochaines étapes du projet de rapprochement TF1-M6

Nous sommes officiellement saisis de l’opération depuis cet été ; c’est un dossier auquel nous accordons la plus grande importance et qui va sans doute nous occuper au moins jusqu’à début 2023. Nous allons débuter dès demain le cycle d’auditions de l’ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire les chaînes (TF1 et M6) mais aussi les  producteurs, les concurrents, les fournisseurs d’accès, les sociétés d’auteurs, et bien sur toute la filière de la publicité.

L’examen de cette opération relève d’abord de l’Autorité de la concurrence, à laquelle nous rendrons un avis, sans doute au premier trimestre 2022. Puis nous statuerons sur la demande d’agrément du changement de contrôle capitalistique de la chaîne M6 et aurons à gérer le renouvellement des autorisations de M6 et TF1 qui arrivent à échéance au printemps 2023.

Nous allons instruire dans un esprit d’ouverture et de compréhension je l’ai dit, mais aussi à la faveur des compétences que nous donne la loi. Notre fil rouge sera de veiller à la préservation du pluralisme ; pluralisme de l’offre, des acteurs, des sources de financement, de la production, des rédactions, le tout dans l’intérêt des téléspectateurs.

Un mot sur la loi climat et résilience

Nous allons entamer la mise en œuvre de la loi climat et résilience. Nous avons plaidé contre une approche coercitive en la matière mais avec le souhait de concilier l’urgence de la transition écologique avec les équilibres de financement de nos médias. La solution trouvée est une solution d’équilibre. Un cycle d’auditions s’ouvre avec les acteurs de la filière, pour bâtir les chartes que le législateur nous demande de superviser et pour lesquelles nous assurerons le contrôle. 

Vous l’aurez compris, le CSA est un régulateur pleinement engagé dans les évolutions du paysage et qui s’attache à accompagner les acteurs dans ces transformations, afin que nous ayons demain, un paysage audiovisuel adapté aux évolutions d’une concurrence aujourd’hui redoutable. Je regarde ce paysage avec confiance car je sais les acteurs déterminés, motivés, et mobilisés. Le CSA sera à leurs côtés dans cette démarche.