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Décision du CSA

Reportages télévisés consacrés à des jeunes en difficulté : la Charte Médias du CHU de Bordeaux

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Le 9 mars, le groupe de travail Protection de l'enfance et de l'a dolescence placé au sein du CSA sous la direction d'Hélène Fatou a reçu le docteur Xavier Pommereau, psychiatre des hôpitaux et responsable de l'unité médico-psychologique de l'adolescent et du jeune adulte (UMPAJA), au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Au cours de son audition, celui-ci s'est attaché à exposer la démarche originale qui a conduit à l'adoption, par le service qu'il dirige et où sont accueillis des jeunes ayant fait une ou plusieurs tentatives de suicide, d'une Charte Médias qui régit les conditions de réalisation de tout reportage consacré à un patient y séjournant.

L'équipe du docteur Pommereau est en effet saisie de nombreuses demandes d'interviews et d'enquêtes et, après quelques expériences malheureuses, elle a conçu cette Charte qui s'a pplique aux reportages réalisés dans son unité de soins, qu'il s'a gisse de patients majeurs ou mineurs.

Conscients de l'utilité des médias pour apporter au public une information sur des sujets sensibles, tel le suicide des adolescents, mais désireux de préserver aussi bien le public que les témoins eux-mêmes de certains effets néfastes immédiats ou futurs, les membres de l'équipe hospitalière ont jugé nécessaire de prendre certaines précautions.

La mise en oeuvre de cette Charte permet d'éviter les démarches de journalistes pressés de rechercher des images-chocs et de sélectionner ceux qui destinent le résultat de leur enquête davantage à un magazine qu'à un journal télévisé. Pour ce faire, la Charte exige, comme préalable, que l'équipe de tournage n'e xcède pas quatre personnes, qu'elle soit présente dans l'unité hospitalière pour une durée minimale de deux jours, dont un sans micro ni caméra, et que ses membres ne pénètrent pas dans les chambres des jeunes, ceci afin d'éviter toute familiarité excessive qui risquerait de fausser ensuite le témoignage.

Les adolescents en détresse, qui souvent peinent à se situer et à s'identifier, ont envie de communiquer. La communication à travers la télévision leur assure un début de reconnaissance par l'image. L'équipe médicale vérifie cependant que les jeunes sont en état de participer au reportage et que ce ne sont pas des raisons discutables qui les motivent (pour, par exemple, régler un problème avec leurs parents). Elle vérifie également le sérieux de la démarche des journalistes : s'agit-il de délivrer une information brutale ou spectaculaire ou bien de faire passer une information approfondie susceptible d'aider et d' éclairer les téléspectateurs ? Dans ce dernier cas, il est nécessaire de parler avec les journalistes hors caméra et de s'a ssurer que ce n'est pas avec un a priori personnel qu'ils accomplissent leur démarche.

Toutes les autorisations habituelles sont demandées et les jeunes patients signent eux-mêmes un formulaire d'accord. A cela, la Charte ajoute une protection complémentaire originale de l'i dentité des patients interviewés : elle demande aux journalistes de n'appeler le jeune ni par son nom ni par son prénom et de ne donner à l'antenne aucune indication de lieu ou autre, susceptible de permettre son identification. Le jeune choisit lui-même un prénom d'emprunt et son visage n'est pas mosaïqué. Ce procédé autorise en effet une reconnaissance du sujet à travers l'image mais, en même temps, lui offre un filtre derrière lequel il pourra s'abriter ultérieurement pour préserver son avenir, le but étant de lui permettre de témoigner de l'a dolescence en détresse et non de son cas particulier. Il est ainsi à même de parler au nom d'autres jeunes qui vivent ou ont vécu la même douloureuse expérience, sans que son témoignage perde de sa véracité. Dans ce contexte vécu de faillite de son identité et de celle de sa place dans la société, le jeune en situation de détresse est sensible à la reconnaissance qu'apporte le passage à l'écran.

L'UMPAJA demande également une cassette de l'enregistrement pour visionnage avec celui ou celle qui a témoigné, préservant ainsi à l'équipe et au jeune le droit d'intervenir avant diffusion.

Le docteur Pommereau a précisé qu'il tient la Charte à la disposition des autres professionnels de la santé qui pourraient utilement la compléter au regard de leur expérience propre. Revenant ensuite sur quelques exemples récents d'émissions de télévision consacrées à des jeunes en situation difficile, Xavier Pommereau a estimé que leur forme apparaît parfois discutable au regard des sujets abordés.

Soucieux de voir s'améliorer les conditions de réalisation des émissions traitant de tels sujets, le groupe de travail Protection de l'enfance et de l'adolescence du CSA poursuivra ses auditions au cours des prochaines semaines.