Le CSA et l’Hadopi sont devenus l’Arcom, rendez-vous sur arcom.fr Le CSA et l’Hadopi sont devenus l’Arcom, rendez-vous sur arcom.fr

Décision du CSA

Conditions d’apparition à l’antenne des mineurs : le CSA confronte son analyse avec celle des spécialistes du ministère de la Justice

Publié le


La cellule de réflexion justice et médias qu'anime au sein du CSA Jacqueline de Guillenchmidt a reçu, le 13 janvier dernier, Sylvie Perdriolle, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la Justice et Isabelle Couzy, chef du bureau des affaires judiciaires et de la législation afin de recueillir leur point de vue sur les conditions de l'apparition à l'antenne de mineurs délinquants d'une part et des mineurs en situation difficile d'autre part. Le Conseil souhaitait en effet confronter son expérience et ses points de vue avec ceux des spécialistes de la protection de l'enfance du ministère de la Justice.

Sylvie Perdriolle s'est exprimée très fermement sur l'importance du strict respect de l'interdiction d'identifier à l'antenne un mineur délinquant. Ce principe, inscrit à l'article 14 de l'o rdonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante interdisant la publicité des audiences, des comptes rendus, de l'i dentité et de la personnalité des mineurs, est de portée générale, et s'applique tout au long de la procédure dès lors qu'u n mineur est mis en cause.

Régulièrement sollicitée par la presse pour des reportages, Sylvie Perdriolle a souligné que sa direction est ouverte à de telles demandes à la condition du strict respect des textes, c'e st-à-dire de l'absence d'identification des mineurs délinquants - pas de mention du nom, « masquage de l'image» -.

C'est au nom de l'intérêt de l'enfant qu'un tel principe ne saurait souffrir d'exception. L'identification d'un mineur délinquant au cours d'une émission peut le figer dans la délinquance, le placer dans un rôle de vedette, ou déstabiliser les plus fragiles d'entre eux. L'identification ne favorise pas la réinsertion, pose de réels problèmes de suivi éducatif, et peut contrecarrer le travail pédagogique qui est mené. Elle est également nocive pour l'entourage du mineur.

Pour ce qui concerne l'apparition à l'antenne des mineurs en situation difficile, Sylvie Perdriolle et Isabelle Couzy partagent la position du CSA qui a inclus dans les conventions de TF1 et de M6 une disposition imposant la protection totale de l'i dentité d'un mineur en situation difficile, et obtenu qu'une disposition identique figure dans les cahiers des missions et des charges de France 2 et France 3.

Là encore, l'intérêt de l'enfant motive cette position. La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse a rappelé que, lorsque dans des émissions certains mineurs sont identifiables alors même qu'ils apparaissent en situation de fragilité ou de détresse, le travail éducatif ne peut se poursuivre sereinement. Elle a également précisé que lorsque sa direction est sollicitée pour des reportages sur des mineurs victimes d'infractions, la protection de l'identité du mineur est demandée. Le projet de loi « renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes » en cours de discussion au Parlement prévoit d'ailleurs l'i nterdiction de toute identification d'un mineur victime d'i nfraction.

Au cours de cette rencontre, les deux responsables du ministère de la Justice ont également fait part de leur préoccupation à l'é gard de la pornographie. Un groupe de cliniciens a en effet appelé leur attention sur le fait que, dans les cas de viols collectifs commis par des mineurs, on retrouve, dans l'histoire des mineurs qui commettent de tels actes, le fait d'avoir visionné des cassettes pornographiques dans un cadre familial. Elles ont insisté sur le caractère très nocif de cette pratique qui constitue une levée des interdits au sein même des familles.
*
* *
Les conditions juridiques de l'apparition à l'antenne d'un mineur

Le CSA encourage les chaînes de télévision à donner la parole aux enfants et aux adolescents, à leur permettre de s'exprimer sur leur vie scolaire, leurs attentes, leurs goûts culturels, leur quotidien aussi. Il est évident que de telles prises de parole renforcent les adolescents, les aident à s'affirmer, à construire leur personnalité et leur individualité, à s'intégrer à l'univers adulte. C'est aussi une possibilité pour eux d'apprendre à se conduire de manière responsable, et de s'investir dans la vie collective.

Les chaînes de télévision peuvent - et c'est essentiel - traiter les sujets qui concernent les jeunes et ceux qui concernent la délinquance des jeunes, à condition de respecter les dispositions pénales, réglementaires ou conventionnelles relatives à la diffusion d'informations sur un mineur. 

Le mineur
L'apparition à l'antenne d'un mineur est subordonnée à l'a utorisation des parents ainsi qu'à celle du mineur lui-même s'il est en âge de donner son consentement (cet âge n'est pas fixé par les textes).

Le mineur en situation difficile
La encore, l'apparition à l'antenne d'un mineur en situation difficile est subordonnée à l'autorisation des parents ainsi qu'à celle du mineur lui-même s'il est en âge de donner son consentement .

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a en outre souhaité que figure dans les conventions des sociétés TF1 et M6 ainsi que dans les cahiers des missions et des charges de France 2 et France 3 une disposition imposant la protection totale de l'i dentité d'un mineur en situation difficile. Ainsi pour les chaînes précitées la disposition suivante s'impose :

«La chaîne s'abstient de solliciter le témoignage de mineurs placés dans des situations difficiles dans leur vie privée, à moins d'assurer une protection totale de leur identité par un procédé technique approprié et de recueillir l'assentiment du mineur ainsi que le consentement d'au moins l'une des personnes exerçant l'autorité parentale » .

Cette disposition est motivée par le souci d'éviter le risque d'i mpact négatif, de fragilisation voire de stigmatisation que peut entraîner pour un mineur la révélation publique d'une difficulté grave et intime, ou la publication d'une image dévalorisante. L'o bjectif du Conseil est de protéger l'intérêt de l'enfant ou de l'a dolescent, car témoigner d'une situation difficile c'est souvent faire prendre des risques supplémentaires à l'enfant. Préserver l' anonymat des témoignages qui relèvent de la vie privée ou familiale, c'est préserver la possibilité pour l'enfant ou l'a dolescent de faire évoluer ses relations avec son entourage, et d' évoluer lui-même dans sa parole.


Des dispositions pénales interdisent la diffusion d'informations concernant l'identité d'un mineur et qui portent sur des situations particulières :

- les mineurs en fuite ou délaissés - article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;
- le suicide de mineurs de dix-huit ans - article 39 ter de la loi du 29 juillet 1881 ;


- Par ailleurs, le projet de loi « renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes » en cours de discussion au Parlement prévoit une modification de l' article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 en étendant son champ d'application « au mineur victime d'infraction » . Toute identification d'un mineur victime d'infraction serait donc interdite.

- Enfin, l'article 227-23 du code pénal interdit notamment la diffusion de l'image pornographique d'un mineur .

Le mineur délinquant 

L'article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'e nfance délinquante, interdit la publication du compte rendu des débats des tribunaux pour enfants. Il interdit également la publication de tout texte ou de toute illustration concernant l'i dentité et la personnalité des mineurs délinquants. Ainsi au cours d'une émission, le nom du mineur délinquant ne doit pas être mentionné, et son image doit être masquée.

Par ailleurs, l'autorisation des parents doit avoir été recueillie comme pour tout mineur. Celle du magistrat, si une procédure judiciaire est en cours, est recommandée. Enfin, l'a utorisation du mineur lui-même peut être recueillie s'il est en âge de donner son consentement.

Ces conditions sont cumulatives.