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Texte juridique

Avis n° 2014-18 du 2 décembre 2014 relatif au projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles des services de télévision

Publié le

Saisi pour avis par le Gouvernement, en application des articles 9, 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d’un projet de décret modifiant le régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, après en avoir délibéré en séance plénière le 2 décembre 2014, émet l’avis suivant.

Le projet adressé au Conseil modifie les décrets n° 2010-747 du 2 juillet 2010 et n° 2010-416 du 27 avril 2010 ; il a pour objet principal de porter application de l’article 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, qui a ouvert la possibilité de prendre en considération, au titre de la production indépendante, des dépenses des éditeurs en parts de producteur. Le projet de décret comporte une autre série de dispositions, prises sur le fondement des articles 27, 28, 33 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 non modifiés par la loi de 2013 précitée. A propos de ces secondes dispositions, la Ministre pose certaines questions au Conseil dans sa lettre de saisine.

Le présent avis examine en conséquence, après quelques observations générales, successivement :

  • les modalités d’application de l’article 71-1 de la loi du 15 novembre 2013 ;
  • les questions posées par la Ministre de la Culture et de la Communication ;
  • les autres dispositions du projet de décret. 

Il formule ensuite quelques propositions complétant le projet de décret, ainsi que quelques précisions rédactionnelles.

I. OBSERVATIONS GENERALES

Les principaux objectifs qui sous-tendent aujourd’hui les politiques publiques de soutien à la production audiovisuelle et le cadre réglementaire des relations entre éditeurs de services de télévision et producteurs de programmes audiovisuels ont été exprimés au cours des années 2013 et 2014 à l’occasion des travaux du Parlement, du Gouvernement et de la Cour des comptes. Le Conseil, qui a également apporté ses contributions, les résume ainsi :

- favoriser, dans l’intérêt du public, la qualité des œuvres audiovisuelles qui lui sont exposées, qui résulte notamment d’un investissement élevé des éditeurs dans la production et d’une bonne circulation des œuvres ;

- favoriser un équilibre dynamique entre le renforcement des groupes audiovisuels, qui doivent faire face à de profondes évolutions des usages et diversifier leurs ressources, et la solidité d’un secteur de la production indépendante, susceptible de participer activement au renouvellement de la création ;

- soutenir le rayonnement international de la création française et européenne et, particulièrement dans une période d’absence de croissance en France des revenus des médias audiovisuels linéaires, permettre aux éditeurs et aux producteurs de construire des partenariats pour trouver ensemble des relais de croissance par la coproduction, la prévente et la vente des programmes.

Le cadre législatif et réglementaire doit favoriser la créativité, sur laquelle repose l’activité audiovisuelle. La création est évidemment présente dans les groupes éditeurs de services de télévision et dans leur production propre. Mais la préservation d’un secteur fort de la production indépendante, vivier de talents créatifs, est en partie gage du renouvellement de la création. C’est à ce titre que ce secteur industriel, qui représente une activité économique importante en termes d’emploi et de création de valeur, doit être soutenu, ainsi que la directive européenne « Services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010 l’a prévu.
Le secteur de la production audiovisuelle a prouvé sa capacité à répondre aux besoins croissants des antennes des services de télévision et montre des signes de vitalité par la diversité des productions et de belles réussites d’audience ou de notoriété que la réglementation française doit continuer d’encourager.
Dans son rapport publié en avril 2014, la Cour des comptes a cependant fait le constat de l’échec du dispositif de soutien à la production audiovisuelle à faire émerger un tissu d’entreprises de production audiovisuelle suffisamment structuré. Le Conseil partage le constat que de nombreuses sociétés de production pâtissent d’une sous-capitalisation qui freine leur capacité à développer, de manière significative, des travaux de recherche et à soumettre aux diffuseurs de nouveaux projets. La fragmentation du tissu productif doit être relativisée du fait de l’existence de quelques pôles de production en cours de développement, mais ceux-ci demeurent de taille inférieure aux plus grands groupes européens. 
Le Conseil estime que le système des obligations d’investissement des diffuseurs dans la production audiovisuelle doit encourager cet effort de consolidation de l’industrie de la production. Une telle évolution n’empêcherait ni le maintien d’entreprises très diverses ni l’installation de nouveaux entrants. 
Le Conseil estime ensuite que le cadre réglementaire doit créer les conditions d’une circulation et d’une exposition optimales des programmes français et européens afin d’en garantir le rayonnement sur le plan tant national qu’international.
L’ensemble des opérateurs traverse actuellement une période de stagnation voire de baisse de leurs ressources (produit des abonnements, recettes publicitaires, subventions budgétaires à l’exception de la contribution à l’audiovisuel public) : après une légère reprise de l’activité en 2011 et 2012, l’assiette des obligations de l’exercice 2013 amorce une baisse de 2,3 % par rapport à l’année précédente, passant de 6,49 milliards d’euros en 2012 à 6,34 milliards d’euros en 2013.Diffuseurs et producteurs sont par conséquent contraints de trouver des relais de croissance. L’un d’eux réside dans la valorisation des œuvres par les coproductions internationales, les préventes et les ventes à l’étranger.
Dans ce contexte, la réforme des décrets doit conduire à la maximisation des revenus tirés des exploitations secondaires en France et à l’international, afin, d’une part, de permettre aux producteurs de rémunérer leur structure et de soutenir leurs efforts de développement de projets et, d’autre part, d’inciter les diffuseurs à préfinancer des programmes exportables et à valoriser à l’international les œuvres qu’ils financent fortement.
La place de la création française sur les nouveaux réseaux de distribution et dans la sphère numérique mondialisée s’en trouvera en outre renforcée. Le Conseil précise à cet égard qu’au sein de la création française, il convient de n’exclure aucun genre de programmes, notamment les émissions de flux qui participent à l’économie du secteur dans son ensemble et sont un facteur de diversité de l’offre de programmes. Elles peuvent faire preuve d’une grande créativité et permettent l’émergence de formats innovants. Le cadre réglementaire doit contribuer à encourager les concepts originaux d’émissions de flux dont certains ont une grande capacité d’exportation.
Plus largement, le Conseil estime que le soutien à la création suppose de garantir une exploitation effective des œuvres, vertueuse pour la vitalité de la filière de production et les reversements aux ayants droit, et qui n’est pas nécessairement contradictoire avec les stratégies des groupes audiovisuels quant à la valorisation et la protection de leurs marques.
Le Conseil est enfin très attaché à la préservation d’un juste équilibre entre le renforcement de l’ensemble des groupes audiovisuels, soumis à concurrence croissante, et la garantie de développement du secteur de la production indépendante.
C’est pourquoi le Conseil a salué l’introduction, par la loi du 15 novembre 2013, de la possibilité pour les éditeurs de services de détenir directement ou indirectement des parts de producteur sur les œuvres dont ils ont financé une part substantielle, tout en valorisant cette dépense au sein de leur contribution à la production indépendante.
Cette réforme législative est l’aboutissement des travaux du Sénateur Jean-Pierre Plancade (Rapport d’information sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision, 30 mai 2013) et de M. Laurent Vallet (Rapport à la Ministre de la Culture et de la Communication, Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir, 17 décembre 2013).
Le Conseil souscrit à l’intention de mieux intéresser les diffuseurs à la vie des œuvres qu’ils financent de manière substantielle, au-delà du seul intéressement aux recettes. Il partage l’objectif poursuivi par cette mesure qui permet aux éditeurs de détenir non seulement des droits de diffusion sur leurs antennes mais aussi des actifs (une part du « négatif ») que sont les parts de producteur. Le Conseil considère qu’en outre l’intéressement du diffuseur à la vie de l’œuvre, dès le premier euro de recette d’exploitation, peut avoir des effets bénéfiques sur le rayonnement international de la création française puisque les diffuseurs pourraient être davantage incités à financer des œuvres commercialisables en France et à l’étranger, donc sources de revenus pour eux et non seulement pour les producteurs.
Cet objectif ne doit pas cependant méconnaître les intérêts des producteurs indépendants qui assument la prise de risque initiale et ont besoin de disposer de ressources leur permettant d’investir dans le développement de nouveaux projets.
Le dynamisme du secteur audiovisuel dans son ensemble exige des relations de qualité entre éditeurs de services, auteurs et producteurs. Le Conseil estime très positive la démarche suivie lors de la réforme des décrets de 2010. Il s’agit d’une avancée réelle qui a permis de créer un dialogue constructif entre tous les acteurs de la filière audiovisuelle. Toutefois, le Conseil a pu exprimer des regrets sur la méthode de transcription réglementaire de ces accords, qui ont été négociés de manière bilatérale, sans l’appui des pouvoirs publics garants des grands équilibres, et sur la complexité des textes réglementaires issus de ces négociations. 
Le Conseil salue donc l’initiative du projet de décret qui renvoie de manière plus systématique aux conventions le soin de fixer les modalités de la contribution des éditeurs à la production audiovisuelle « en tenant compte » des accords professionnels et de « critères objectifs et transparents tels que le chiffre d’affaires de l’éditeur ou la nature de sa programmation ». Cette évolution lui apparaît comme une mesure permettant une meilleure adaptabilité des obligations de production aux éventuels aléas économiques des diffuseurs et à l’évolution des discussions entre producteurs, auteurs et éditeurs de services. Le Conseil est évidemment disposé à jouer un rôle de médiation plus important dans les relations entre ces derniers afin de garantir, de manière neutre et indépendante, l’équilibre des rapports de force.

 II. LA PRISE EN COMPTE DES PARTS DE PRODUCTEUR AU TITRE DE LA PRODUCTION INDEPENDANTE (ARTICLES 15 DES DECRETS N° 2010-416 ET 2010-747)

En application de l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, le projet de décret transcrit la possibilité pour l’éditeur de services, s’il a financé une part substantielle de l’œuvre, de détenir directement ou indirectement des parts de producteur, tout en valorisant sa dépense au sein de sa contribution à la production indépendante.

A. La part substantielle de financement

1. Le projet de décret retient le seuil de 70 % du devis de production comme « part substantielle » du financement de l’œuvre, permettant au diffuseur de détenir des parts de producteur valorisables au titre de la production indépendante.
Le Conseil prend acte de ce taux, évoqué lors des débats sénatoriaux, alors préconisé par la Ministre de la Culture et de la Communication, et proposé par M. Laurent Vallet dans le cadre de son rapport à la Ministre.
Le Conseil note qu’en raison de ce seuil élevé au regard des apports constatés aux plans de financement, la faculté de détenir des parts de producteur ne pourra essentiellement concerner que les œuvres de fiction, séries et unitaires, financées par les groupes audiovisuels historiques (ils financent de l’ordre de 70 % du coût des fictions, 60 % du coût des documentaires et 20 % du coût des œuvres d’animation). Les éditeurs de services non hertziens et les groupes ou chaînes indépendantes plus récents ne pourront a priori que très rarement bénéficier de cette disposition, dans la mesure où il leur est quasiment impossible de participer au financement des œuvres à une telle hauteur. 
Le Conseil relève également que ce taux minimum de 70 % ne permettra pas de faire bénéficier les coproductions européennes ou internationales de l’introduction des parts de producteurs dans les obligations de production indépendante, à moins de l’apprécier sur la part française du financement comme certains éditeurs de services le préconisent. Ainsi l’objectif de développement des préfinancements internationaux d’œuvres de fiction ne pourra sans doute guère être poursuivi dans le cadre d’un tel taux. Il conviendra que le pouvoir réglementaire se réserve pour l’avenir de l’ajuster à la lumière des pratiques observées.
Le Conseil préconise que le décret précise que le devis pris en compte est annexé au contrat de coproduction.

2. Lors des auditions que le Conseil a menées sur le projet de décret dont il est saisi pour avis, il lui a été fait part de certaines difficultés liées à un manque de transparence dans la présentation des devis, donnant lieu à des variations parfois importantes entre le devis initial et le coût définitif de l’œuvre. Compte tenu des éventuelles conséquences sur la possibilité de détenir des parts de producteur valorisables au titre de la production indépendante, il suggère qu’un travail de réflexion interprofessionnel soit conduit, en vue de parvenir à la mise en place d’un devis type, à l’instar de ce qui existe dans le domaine du cinéma.

3. Le projet de décret prévoit que la détention de parts de producteur par l’éditeur ne peut excéder la moitié du préfinancement apporté. Le préfinancement d’une œuvre produite par un producteur indépendant doit évidemment consister pour partie en acquisition de droits de première diffusion. La disposition prévue est largement inspirée de la pratique du cinéma, dans lequel les éditeurs de services apportent toutefois des proportions de préfinancement très inférieures à 70 %. Le Conseil prend acte du choix du Gouvernement, même si une autre orientation pourrait être d’apprécier la proportion de l’investissement en parts de producteur au regard du devis de l’œuvre et non de l’apport de l’éditeur.

B. Les conditions relatives à l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation

L’article 71-1 de loi de 1986 prévoit que le décret doit préciser « l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l’éditeur ». 
Les éditeurs de services estiment pour la plupart que la réelle maîtrise de la vie de l’œuvre ne passe pas uniquement par la détention financière de parts de producteur mais suppose un droit de regard sur les modes d’exploitation de l’œuvre notamment matérialisé par l’exercice des mandats de commercialisation. 
Le modèle économique d’un producteur indépendant est, quant à lui, fondé sur une valorisation de son catalogue à long terme. Le Conseil considère qu’il est donc fondamental pour le producteur de contrôler le plus possible la distribution des œuvres et d’assurer une circulation optimale de celles-ci, tant sur le marché français qu’international, afin de générer des ressources utiles au financement de travaux en recherche et développement d’œuvres inédites. Or la détention des mandats de commercialisation apparaît comme une source de revenus indispensable pour réinvestir dans de nouveaux projets.

1. Le Conseil tient à souligner le rôle central du producteur dit « délégué ».
Si la loi de 1986 est autonome par rapport au code de la propriété intellectuelle et par rapport au dispositif de soutien financier de la production audiovisuelle par le Centre national du cinéma et de l’image animée, il est souhaitable que les dispositions législatives et réglementaires des trois domaines soient en cohérence.
Le II de l’article 3 du décret n° 95-110 du 2 février 1995 relatif au soutien financier à la production, à la préparation et à la distribution d’œuvres audiovisuelles définit comme « entreprise de production déléguée » « l’entreprise de production qui prend personnellement ou partage solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et en garantit la bonne fin ». Aux termes de l’article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle, « le producteur de l’œuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre » et aux termes de l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle, « sauf clause contraire », les auteurs le font cessionnaire des droits exclusifs d’exploitation de l’œuvre audiovisuelle.
Il revient donc en principe au producteur délégué le droit de décider de l’éventuelle attribution des mandats d’exploitation et sous quelles conditions. 
Toutefois, dans le souci d’assurer la meilleure exploitation des œuvres, et comme le prévoit la nouvelle rédaction de l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, le diffuseur ne doit pas pour autant se voir interdire la détention de tout mandat de commercialisation.
Le Conseil rappelle que les dispositions en vigueur des articles 15 des décrets n° 2010-416 et n° 2010-747 en cours de modification prévoient que lorsque l’éditeur de services valorise sa dépense dans la production indépendante, il ne « prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la responsabilité de l’œuvre et n’en garantit pas la bonne fin ». Ces dispositions doivent être comprises comme ayant pour conséquence que l’éditeur n’est pas le « producteur délégué » et n’est pas d’office titulaire des droits d’exploitation de l’œuvre. Le projet du Gouvernement ne modifie pas ces dispositions en cas de prise de parts de producteur, ce qui lui est possible en vertu du dernier alinéa de l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit que le décret peut « prendre en compte l’étendue et la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre ». Dès lors, même en cas de détention de parts de producteur par l’éditeur de services, ce dernier ne peut pas avoir la qualité de producteur délégué ou coproducteur délégué lorsqu’il entend valoriser cet investissement dans ses obligations de production indépendante. Il ne peut donc détenir des mandats de commercialisation de l’œuvre que si le producteur délégué les lui confie expressément. 
Le Conseil propose une modification rédactionnelle du 1° et du 2° des articles 15 des décrets en cours de modification qui rend cette règle plus explicite. 

2. Le projet de décret interprète la notion, figurant à l’article 71-1, de limitation de l’« étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation » que les éditeurs peuvent détenir comme supposant moins de définir dans le texte réglementaire la consistance de tout ou partie des mandats et droits secondaires que pourrait détenir l’éditeur, que d’encadrer la négociation contractuelle entre le producteur délégué et l’éditeur.
Le Conseil estime possible de considérer que le législateur a envisagé la notion d’étendue des droits dans une perspective souple en cherchant à désigner, en réalité, tout moyen propre à assurer que les droits susceptibles d’être acquis par les éditeurs de service ne sont pas excessifs.
Le projet du Gouvernement subordonne l’entrée en vigueur effective de l’encadrement des mandats et droits secondaires à des avenants aux conventions et cahiers des charges des éditeurs prenant en compte des accords interprofessionnels dont la rédaction, la signature et la mise en application pourraient être encouragées par le Conseil, afin d’assurer des conditions d’attribution équitables, transparentes et non discriminatoires des mandats, qui ne sont en général pas vérifiables aujourd’hui. Ces engagements pourraient ensuite être transcrits dans les conventions signées avec le Conseil.
Le Conseil, en ce qui concerne la rédaction du b) du 2) des articles 15, suggère de ne pas retenir les mentions de contrats séparés et d’échanges écrits postérieurs à l’accord de coproduction. En effet, d’une part, l’exigence de contrats séparés figure déjà aux articles 18, 28 et 44 du décret n° 2010-747, pour ce qui concerne les chaînes hertziennes ; et, d’autre part, les dépenses prévues aux articles 12, 27 et 41 du décret n° 2010-747 et aux articles 12 et 28 du décret n° 2010-416 ne peuvent en tout état de cause pas comprendre d’à valoir sur un mandat de commercialisation.
En revanche, compte tenu des consultations qu’il a conduites avec l’ensemble des interlocuteurs, dont le ministère de la culture et de la communication, le Conseil suggère une rédaction qui assure la prise en compte effective des capacités propres de distribution des producteurs et, quel qu’en soit le responsable, les conditions de commercialisation les meilleures. Une hypothèse voisine avait été émise lors de la mise en consultation publique par le ministère de la culture et de la communication d’un avant-projet du décret. Ainsi, à défaut de mention particulière dans la convention ou le cahier des charges de l’éditeur tenant compte d’accords professionnels, l’éditeur ne pourrait se voir confier de mandats de commercialisation que lorsque le producteur ne dispose pour l’œuvre en cause ni d’une capacité de distribution, interne ou par l’intermédiaire d’une filiale, ni d'un accord conclu avec une entreprise de distribution, assurant des conditions de commercialisation équivalentes. Une telle disposition permettrait une mise en œuvre immédiate de la loi avant même la conclusion d’accords professionnels.
Le Conseil sera alors fondé, aux termes de l’article 19 de la loi du 30 septembre 1986, à demander, lors du contrôle des obligations de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services, tout élément permettant d’attester, œuvre par œuvre, que la détention des mandats de commercialisation et des droits secondaires est conforme à ce principe, y compris, en cas d’attribution de mandats à l’éditeur, toutes pièces par lesquelles, pour une œuvre donnée, le producteur a estimé ne pas disposer d’une capacité adaptée de commercialisation. A l’occasion des rapports annuels sur l’exécution des obligations de financement de la production indépendante, le Conseil rendra compte des pratiques qu’il observera.

C. Les conditions relatives à l’exploitation des droits de diffusion et des mandats de commercialisation

Le projet de décret intègre, comme autre condition de la prise en compte des parts de producteur au titre de la production indépendante, deux dispositions tendant à éviter, outre le gel des droits de diffusion, le gel des mandats de commercialisation de l’œuvre en France pour son exploitation sur un service de télévision.
Les obligations d’exploitation des droits en cas de rachat de l’œuvre et d’exploitation des mandats de commercialisation à l’issue de la période initiale des droits de diffusion sont des mesures qui visent à la bonne circulation et à l’exploitation optimale des œuvres.
Le Conseil estime que le soutien à la création, comme l’alimentation en programmes des groupes ou services de télévision qui n’ont pas les moyens de financer une importante production inédite, supposent de garantir l’exploitation effective des œuvres. C’est pourquoi, si la base légale de l’article 71-1 est considérée comme suffisante pour inscrire une obligation d’exploitation comme condition de la production indépendante, il approuve l’introduction de ces deux dispositions dans le projet de décret. 
Toutefois, afin que ces conditions soient opérantes et vérifiables, le Conseil propose une modification rédactionnelle visant à inscrire l’engagement de l’éditeur de respecter ces conditions dans le cadre d’une option de rachat des droits de diffusion qui devra figurer au sein du contrat initial.

D. Le versement intégral des sommes avant la fin de la période de prise de vues

Le Conseil salue la fixation d’une condition relative au versement intégral de l’investissement en parts de producteur avant la fin de la période de prise de vues. Dès son avis n° 2010-10 sur le projet de décret « relatif à la contribution au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre », le Conseil avait noté que le secteur de la production audiovisuelle pâtissait de délais de paiement parfois excessifs de la part des éditeurs de services, qui freinent la capacité de réinvestissement des sociétés de production contraintes, faute de trésorerie propre, de s’endetter pour pouvoir financer le développement de nouveaux projets.
Le Conseil propose toutefois que soit insérée une mention permettant de faire face à des situations imprévues, par exemple une révision à la hausse du devis après le début de la mise en production de l’œuvre. 

E. Le maintien du droit à recettes

Compte tenu de la part substantielle que représente le financement des éditeurs de services dans le coût total de certaines œuvres, le Conseil approuve le maintien d’un droit à recettes de l’éditeur pour les œuvres dans la production desquelles il ne prend pas de parts de producteur.

III. LES QUESTIONS POSEES PAR LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION

A. La modification de l’exercice de référence pour la détermination de l’assiette des obligations
Le projet de décret propose une modification de l’assiette de calcul des obligations, qui serait déterminée sur la base du chiffre d’affaires net ou des ressources nettes de l’exercice en cours et non plus sur ceux de l’exercice précédent. Dans la lettre de transmission du texte, le Gouvernement « souhaite s’assurer que cette nouvelle mesure ne poserait pas au Conseil de difficulté d’application, notamment en termes de calendrier de communication des données financières des sociétés ».
Le Conseil souligne son attachement à l’objectif poursuivi par une telle mesure qui est de permettre une meilleure adéquation du niveau des obligations des chaînes à leur situation économique et n’est pas opposé à la prise en compte, pour la détermination de l’assiette des obligations, des recettes ou du chiffre d’affaires de l’année en cours.
Cependant, la plupart des professionnels s’accordent à relever un certain nombre de difficultés que la référence à l’exercice « en cours » pourrait soulever.
Pour les diffuseurs, cette mesure pourrait en effet susciter des incertitudes sur le niveau des obligations en raison d’une saisonnalité très marquée, pour certains éditeurs, de leurs recettes publicitaires et dès lors rendre le pilotage des investissements beaucoup plus incertain. Pour les producteurs, il est à craindre qu’une telle mesure réduise leur visibilité sur la capacité d’investir des diffuseurs. De manière subsidiaire, elle conduirait à complexifier le contrôle des obligations qui nécessiterait d’être établi en deux temps, sur la base de chiffres d’affaires et de recettes prévisionnels d’abord puis sur la base de chiffres consolidés après approbation définitive des comptes.
Pour ces raisons, le Conseil préconise en définitive de maintenir la référence à l’exercice précédent, et, afin de répondre à l’objectif d’adaptabilité des obligations à la conjoncture économique, il recommande que le décret mette en place des mesures d’ajustement avec la possibilité de reporter des dépenses excédentaires et de compenser d’éventuels écarts déficitaires par rapport au niveau de l’obligation, d’une année sur l’autre.
Afin d’éviter tout dévoiement qui consisterait à reporter indéfiniment une partie des obligations, le report des excédents et déficits doit être limité à un certain pourcentage des obligations, que le Conseil propose de fixer à 10 % pour les éditeurs de services hertziens et à 20 % pour les éditeurs de services non hertziens.
Un tel mécanisme s’inscrit dans le prolongement de dispositifs déjà existants et serait à même de les remplacer : la prise en compte limitée de dépenses de l’exercice précédent, initialement prévue dans les accords professionnels signés en 2008 et transcrite dans les décrets en vigueur, constitue déjà un mode de report des dépenses excédentaires qu’il convient cependant d’amender.
De même, une faculté de compenser d’éventuels écarts déficitaires sur l’exercice suivant n’est pas nouvelle dans les décrets en vigueur qui l’envisagent pour les obligations de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services non hertziens de cinéma, qui l’avaient négociée dans leur accord. Elle est également appliquée, de longue date, aux obligations de contribution à la production cinématographique des éditeurs de services de cinéma, en raison des accords professionnels que ceux-ci ont signés en ce sens, et a pu montrer tout son intérêt tant du point de vue de la souplesse donnée aux éditeurs que des montants investis dans la production.
En effet, grâce à ces mécanismes de report et contrairement au dispositif actuel, si l’éditeur ne parvient pas à atteindre le niveau de ses obligations de production, le déficit doit être rattrapé au cours de l’exercice suivant. La faculté de report, en cas de dépenses excédentaires, présente un intérêt incitatif pour l’éditeur à engager de lourds investissements qui pourront être comptabilisés au titre des obligations sur deux exercices et encourager ainsi au financement de coproductions internationales ou de séries longues dont les budgets peuvent être élevés.
Enfin, pour des raisons de cohérence du texte, les dispositions relatives au report d’une partie de l’obligation en cas de diminution du chiffre d’affaires nécessiteraient sans doute d’être modifiées.
B. Le régime d’inclusion des émissions de plateau (article 14-6° du décret n° 2010-747 et article 14-5° et 6° du décret n° 2010-416)
La Ministre de la Culture et de la Communication interroge le Conseil sur le point de savoir s’il estime « opportun, dans un souci de simplification réglementaire, d’alléger la formulation du régime d’inclusion des émissions de plateau (6° de l’article de l’article 14 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 en particulier) » ou s’il préconise au contraire « le maintien de certaines précisions dans les décrets ».
Le Conseil considère que ce régime étant dérogatoire au régime général d’investissement dans les œuvres audiovisuelles, il nécessite en conséquence d’être encadré par le décret.
Toutefois, dans un souci de simplification réglementaire et partant du constat que les éditeurs de services hertziens en clair dont le chiffre d’affaires annuel net est inférieur à 100 millions d’euros n’ont à ce jour jamais pleinement exercé la faculté ouverte par cette disposition, le Conseil estime opportun de modifier le dispositif actuel pour ne proposer qu’un seul et même régime applicable aux éditeurs de services hertziens autres que de cinéma. 
Ainsi, le Conseil propose de supprimer le double seuil en termes de chiffres d’affaires permettant de bénéficier de ce régime dérogatoire pour ne garder que celui de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires, en deçà duquel les éditeurs seraient autorisés à valoriser des dépenses pour des émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau. Le Conseil estime qu’il n’est pas nécessaire que le texte du décret fixe un pourcentage précis, mais qu’il devrait prévoir que cette faculté est limitée à une proportion réduite du chiffre d’affaires annuel net des éditeurs, la prise en compte de ces dépenses à 50 % de leur montant réel restant inchangée. 
Pour les éditeurs de services non hertziens, compte tenu d’accords professionnels préexistants, le Conseil propose de ne pas modifier le régime d’inclusion des émissions de plateau inscrit aux 4° et 5° de l’article 14 du décret n° 2010-416 même si, en vue d’une meilleure lisibilité de la réglementation, il serait souhaitable que la prise en compte des dépenses pour des émissions de plateau soit fixée, de manière identique pour tous les éditeurs, à la moitié de leur montant réel.
Le Conseil salue la latitude qui lui est donnée par le projet de décret pour instaurer dans les conventions, en tenant compte des accords professionnels et de « critères objectifs et transparents tels que le chiffre d’affaires de l’éditeur de services ou la nature de sa programmation » et dans la limite fixée par le décret, la faculté de prendre en compte les dépenses pour des émissions de plateau. Le Conseil estime cependant indispensable de lier le bénéfice de cette disposition aux engagements pris par l’éditeur sur ce type de programmes.
C. Le plafonnement des dépenses de formation des auteurs et de promotion des œuvres
Dans sa lettre de saisine, la Ministre de la Culture et de la Communication souhaite savoir si le Conseil considère opportun que « les dépenses de formation et de promotion fassent l’objet d’un plafonnement réglementaire commun ». Le projet de décret propose de renvoyer désormais aux conventions le soin de fixer les conditions et limites de la prise en compte de ces dépenses.
A titre liminaire, le Conseil constate que les dépenses de financement de festivals ne figurent plus explicitement dans le texte qui lui est soumis pour avis. Il considère que les dépenses de financement de festivals relèvent naturellement de dépenses de promotion des œuvres. Dès lors, ces dépenses pourront continuer d’être valorisées par les éditeurs même sans mention explicite dans le décret.
Le Conseil considère que la prise en compte des dépenses de formation des auteurs et de promotion des œuvres, qui ne portent ni sur l’acquisition de droits de diffusion ni sur le financement d’une œuvre, doit être nécessairement prévue par le décret. Il veillera à ce que de telles dépenses ne représentent qu’une proportion réduite de l’obligation. 
D. La prise en compte des dépenses pour les œuvres exploitées sur des « services de communication au public en ligne »
La Ministre de la Culture et de la Communication souhaite savoir si le Conseil considère opportun que « la prise en compte des dépenses consacrées aux web-œuvres fassent également l’objet d’une limitation ».
Le Conseil salue l’introduction de ces nouvelles dépenses qui prend en compte l’adaptation des éditeurs de services à l’évolution des usages de consommation des contenus, face à la multiplication des offres délinéarisées.
Le Conseil regrette cependant que le projet de décret ne mentionne que la catégorie des « services de communication au public en ligne » qui vise uniquement les sites internet à l’exclusion des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), qui relèvent eux des services de communication audiovisuelle, quelles que soient leurs modalités de mise à disposition auprès du public. 
Il lui paraît souhaitable que le texte prévoie également la possibilité de valoriser des droits d’exploitation destinés aux SMAD et propose un ajout rédactionnel en ce sens aux articles 12, 27 et 41 du décret n° 2010-747 et articles 12 et 28 du décret n° 2010-416 en cours de modification.
Dans les deux cas, que le service relève de l’une ou de l’autre de ces catégories, le Conseil considère que la prise en compte de ces dépenses doit avoir pour contrepartie l’intégration des recettes liées à ces services au sein de l’assiette de contribution au développement de la production. Il suggère donc que le texte précise que les dépenses prises en compte au titre de la contribution peuvent être valorisées par les éditeurs « pour les services qu’ils éditent et dont le chiffre d’affaires est pris en compte au sein de l’assiette de contribution ». 
La Ministre de la Culture et de la Communication pose la question de savoir si ces dépenses consacrées aux web-œuvres doivent faire l’objet d’une limitation. Sous réserve d’intégrer au sein de l’assiette de contribution les recettes issues des services de médias audiovisuels à la demande ou résultant des « activités web », le Conseil considère que les dépenses afférentes n’ont pas à être limitées par le texte réglementaire.

IV. LES OBSERVATIONS SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET DE DECRET

A. Le renvoi aux conventions (articles 11, 12, 14, 15, 27, 29, 41 et 43 du décret n° 2010-747 et articles 12, 14, 15, 27, 28 et 30 du décret n° 2010-416)
Le Conseil renouvelle son attachement à la conclusion d’accords professionnels entre éditeurs de services et organisations représentatives des auteurs et des producteurs, qui a permis de mettre en place un dialogue constructif entre eux.
Lors de son avis n° 2010-10 sur le projet de décret précité, le Conseil avait exprimé sa réserve sur un dispositif transcrivant au niveau réglementaire des stipulations négociées individuellement par certains dans leurs accords et entérinant ainsi des situations existantes au moment de la réforme.
L’expression « prenant en compte les accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l’industrie audiovisuelle », inscrite aux articles 14, 29 et 43 du décret n° 2010-747 et aux articles 14 et 30 du décret n° 2010-416, avait alors été interprétée comme ne laissant aucune marge de manœuvre au Conseil pour inscrire dans les conventions des modalités autres que celles issues de la signature d’un accord.
Le Conseil accueille avec satisfaction la nouvelle formulation « tenant compte des accords… » au lieu de « prenant en compte les accords… ». Il prend acte de cette évolution terminologique qui lui donne une plus grande latitude pour la rédaction des conventions sans nécessiter l’existence d’un accord préalable et lui permet, dans un souci d’égalité de traitement entre éditeurs de services, de s’écarter de la position stricte adoptée précédemment à l’égard des accords et d’appliquer notamment à des éditeurs non signataires d’accords certains aménagements jusqu’ici réservés à ses seuls signataires.
De même, le Conseil approuve la possibilité renvoyée aux conventions de prévoir les conditions de prise en compte de certaines dépenses ou de fixer l’obligation minimale en faveur des œuvres d’expression originale française, sous réserve du seuil minimal inscrit dans le projet de décret, et la marge d’appréciation qui lui est ainsi conférée pour augmenter, en tenant compte du chiffre d’affaires de l’éditeur, la part maximale des œuvres européennes qui ne sont pas d’expression originale française.
Un décret n’est pas destiné à être fréquemment modifié. Le renvoi aux conventions a comme avantage de permettre une plus grande adaptabilité aux éventuels aléas économiques des éditeurs et à l’évolution des discussions entre ces derniers et les organisations professionnelles de la création.  Le dispositif conventionnel peut de plus se limiter aux spécificités individuelles sans risque de remise en cause du cadre général prévu par le décret.
La puissance économique de certains éditeurs de services place parfois les producteurs dans une situation d’infériorité qui déstabilise leurs relations. De leur côté, des éditeurs ont déjà pu faire part de difficultés à se rapprocher des organisations professionnelles pour renégocier certains aspects de leurs engagements. Le Conseil veillera à favoriser des échanges interprofessionnels équilibrés. 
Le Conseil salue l’introduction, au sein des articles 14, 29 et 43 du décret n° 2010-747 et des articles 14 et 30 du décret n° 2010-416, de « critères objectifs et transparents tels que le chiffre d’affaires de l’éditeur ou la nature de sa programmation » pour encadrer d’éventuels aménagements de la contribution des éditeurs. Il propose d’ajouter au-delà de ces critères les « engagements pris par l’éditeur », en ajoutant une incise en ce sens aux articles 14, 29 et 43 du décret n° 2010-747 et des articles 14 et 30 du décret n° 2010-416 en cours de modification.
Ce dispositif permettra alors au Conseil de préciser et d’adapter, en tenant compte des accords éventuellement signés avec les professionnels, les modalités de la contribution aux spécificités et stratégies économiques de chaque groupe, tout en veillant à protéger et dynamiser la production française de programmes. 
Le Conseil salue la marge de manœuvre qui lui est donnée pour fixer, dans le cadre des conventions signées avec les éditeurs de services, les modalités particulières de leur contribution à la production audiovisuelle ; il se montrera fermement opposé à toute interprétation qui consisterait à vider de leur substance les engagements pris par les éditeurs dans le cadre des accords professionnels qu’ils ont signés.
B. La possibilité d’affecter un coefficient multiplicateur à toutes les dépenses (articles 14, 29 et 43 du décret n° 2010-747 et articles 14 et 30 du décret n° 2010-416)
Le projet de décret introduit une possibilité de valoriser dans la limite du double de leur montant l’ensemble des dépenses prises en compte au titre de la contribution.
Le Conseil salue la marge de manœuvre qui lui est offerte par le projet de décret pour fixer les modalités de la contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services.
Il sera particulièrement vigilant sur le maintien des dépenses essentielles que constituent les dépenses de préfinancement et d’acquisition de droits de diffusion. 
C. Les dépenses prises en compte (articles 12, 27 et 41 du décret n° 2010-747 et articles 12 et 28 du décret n° 2010-416)
Le Conseil accueille avec la plus grande satisfaction l’harmonisation, entre les différents types d’éditeurs de services, des dépenses prises en compte au titre de leur contribution, alors que les décrets entrés en vigueur en 2010 n’avaient transcrit sur ce point que les termes des accords négociés par certains.
Le Conseil rappelle que, lors de son rapport au Gouvernement sur l’application du décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, il avait suggéré d’élargir le périmètre des dépenses prises en compte au titre de la contribution au développement de la production, en intégrant les dépenses portant sur la numérisation des œuvres et celles liées à la lutte contre le piratage, dont la nature resterait à préciser.
D. L’obligation minimale en faveur des œuvres d’expression originale française (articles 11, 25 et 40 du décret n° 2010-747 et articles 11 et 27 du décret n° 2010-416)
Le projet de décret fixe une obligation d’investissement minimal en faveur des œuvres d’expression originale française (EOF). Le Conseil est très attaché au soutien à la création audiovisuelle d’expression originale française. Il relève néanmoins avec satisfaction la possibilité d’augmenter la part des œuvres européennes non EOF pour la contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services hertziens en clair dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros et des éditeurs de services non hertziens autres que de cinéma. Il salue le renvoi aux conventions pour fixer ce point et la marge de manœuvre qui lui est ainsi laissée pour établir une éventuelle montée en charge de cette obligation, en tenant compte des accords professionnels et du chiffre d’affaires des éditeurs.
Le Conseil considère qu’un tel dispositif permet de mieux appréhender les situations de chaque éditeur de services et augmentera la capacité des éditeurs à participer au financement de coproductions européennes.
Le Conseil regrette que le taux minimal applicable aux éditeurs de services de télévision de la TNT payante reste supérieur à celui des éditeurs de services hertziens en clair et propose d’harmoniser à 80 % le taux minimal applicable à tous les éditeurs de services hertziens.
De même, compte tenu des spécificités des éditeurs de services de télévision non hertziens, notamment les chaînes jeunesse dont le genre principal, l’animation, recourt tout particulièrement aux financements européens, le Conseil estime judicieux l’abaissement à 75 % du taux d’investissement minimal dans la production d’œuvres EOF. Il regrette que cette mesure ne concerne que les éditeurs de services autres que de cinéma. Afin de les inciter à participer à des coproductions européennes, il propose donc que le taux minimal de 75 % soit étendu aux éditeurs de services de cinéma non hertziens, tout en maintenant pour ces derniers la condition d’éligibilité aux aides financières du CNC.
Précisions rédactionnelles
Le Conseil note que le projet de décret n’a pas modifié l’article 10 du décret n° 2010-747, qui prévoit une montée en puissance de l’obligation patrimoniale pour les éditeurs de services hertziens en clair dont le chiffre d’affaires annuel net est inférieur à 300 millions d’euros. Il propose une mise à jour rédactionnelle de cet article en supprimant notamment la référence aux années passées. Une mise à jour équivalente devrait être envisagée à l’article 26 de ce même décret.
Le Conseil constate également que le projet de décret prévoit à l’article 11 du décret n° 2010-747 que, pour les éditeurs de services hertziens en clair dont le chiffre d’affaires est inférieur à 200 millions d’euros, la convention fixe la proportion minimale d’œuvres EOF prises en compte « au titre de leurs obligations ». Il estime souhaitable que le texte précise qu’il s’agit des obligations mentionnées aux articles 9 et 10 de ce décret.
Le Conseil propose par ailleurs de remplacer, dans la première phrase figurant aux articles 14 et 30 du décret n° 2010-416, la référence au chiffre d’affaires de l'éditeur de services par une référence aux ressources totales nettes de celui-ci, par cohérence avec le mode de détermination de l’assiette de contribution des éditeurs de services non hertziens.

V. PROPOSITIONS DU CONSEIL

A. Le régime des éditeurs de services non hertziens
1. Les éditeurs de services autres que de cinéma
Face à la multiplication des offres délinéarisées et à la montée en puissance de la TNT gratuite, la situation économique des éditeurs de services non hertziens ne cesse de se détériorer. Les décisions récentes de cesser la diffusion de plusieurs chaînes thématiques devenues déficitaires viennent appuyer ce constat.
Le Conseil souligne la nécessité de prendre en compte les difficultés des éditeurs de services non hertziens, qui subissent la concurrence accrue des opérateurs étrangers dispensés de cadre réglementaire ainsi que celle des éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), pour lesquels le décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 fixe un seuil de déclenchement des obligations de production à compter d’un chiffre d’affaires supérieur à dix millions d’euros. A cette fin, le Conseil préconise que le projet de décret mette en œuvre un assouplissement des règles relatives à la contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services non hertziens.
Le Conseil relève que le 6° de l’article 14 du décret n° 2010-416 en cours de modification prévoit que la convention peut, à l’exception des chaînes musicales, fixer le niveau de l’obligation patrimoniale en dessous des taux définis à l’article 11 de ce même décret sans pouvoir être inférieur à 4,5 % des ressources totales nettes.
Le Conseil considère que la nouvelle rédaction « en tenant compte des accords professionnels […] et de critères objectifs et transparents tels que le chiffre d’affaires de l’éditeur ou la nature de sa programmation » l’autorise désormais à fixer une montée en puissance de l’obligation patrimoniale au regard notamment du niveau de chiffre d’affaires de l’éditeur de services.
Il propose que la rédaction de cet article soit complétée pour rendre également possible une montée en puissance de l’obligation dite globale. Ainsi, le Conseil serait en mesure de revenir sur le déséquilibre qui existe aujourd’hui entre des obligations élevées incombant aux éditeurs de services non hertziens et une absence de cadre réglementaire dont bénéficient certains de leurs concurrents directs. 
Pour les éditeurs de services non hertziens disposant des ressources les plus faibles, le Conseil propose une exonération de contribution à la production audiovisuelle. Il conviendrait ainsi d’établir un seuil de déclenchement des obligations à partir d’un niveau de ressources annuelles nettes fixé à un million d’euros.
Le Conseil considère que cette mesure serait une réelle simplification réglementaire pour des éditeurs de services à la santé économique fragile, ainsi qu’un moyen d’alléger les opérations de contrôle qu’il conduit. Il note que son impact financier serait relativement limité pour le secteur de la production avec un faible nombre de services concernés (onze éditeurs en 2013).Cette proposition semble compatible avec les principes posés par la directive « Services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010 qui autorise un système de progressivité des obligations lorsqu’il est justifié par des réalités économiques. 
2. Les éditeurs de services de cinéma
À ce jour, le seul éditeur de services non hertziens de cinéma consacrant annuellement plus de 20 % de son temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles, et assujetti en conséquence à des obligations de contribution à la production audiovisuelle, est le groupement de services OCS.
Le Conseil rappelle que le décret n° 2010-416 a entériné au niveau réglementaire des engagements pris par cet éditeur pour une durée de trois ans (2010-2013) dans le cadre d’un accord professionnel dont le terme est désormais échu. Cette consécration réglementaire d’engagements limités dans le temps a pour résultat de produire une situation très déséquilibrée pour OCS, notamment par rapport aux éditeurs de services hertziens de cinéma qui sont soumis à des règles moins strictes en matière de contribution à la production audiovisuelle.
Dès lors qu’un éditeur n’est plus tenu par un accord professionnel, le Conseil considère que le décret devrait rendre possibles des aménagements, sous conditions, de son régime d’obligations en faveur de la production audiovisuelle, cette faculté se justifiant d’autant plus s’agissant de services de cinéma dont l’objet principal n’est pas la diffusion d’œuvres audiovisuelles. En l’espèce, OCS a souscrit, à la fin de l’année 2013, des engagements importants en faveur de la production cinématographique qui pourraient justifier un certain assouplissement de ses obligations de production audiovisuelle.
En conséquence, le Conseil propose d’introduire deux évolutions au sein des obligations de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de cinéma non hertziens. 
Considérant que le taux de financement de 70 % autorisant la détention de parts de producteur valorisables au titre de la production indépendante est trop élevé pour bénéficier aux éditeurs de services non hertziens de cinéma, le Conseil préconise l’aménagement d’un couloir de production « dépendante » que l’article 31 du décret en cours de modification n’autorise pas à ce jour. Il propose de fixer l’obligation de production indépendante à au moins 75 % de l’obligation globale par analogie avec les taux en vigueur pour les autres éditeurs de services non hertziens. 
En outre, le Conseil serait favorable à un élargissement de la part des œuvres européennes non EOF prises en compte au titre de la contribution de ces éditeurs, tout en conservant la condition d’éligibilité aux aides financières du CNC. Il note que le texte prévoit un renvoi aux conventions pour fixer le taux minimal d’investissement dans les œuvres EOF mais que celui-ci est resté inchangé. Pour les raisons évoquées précédemment, le Conseil propose un alignement sur le taux minimal de 75 % proposé par le projet de décret pour les éditeurs de services non hertziens autres que de cinéma.
B. La valorisation explicite des droits 
Face à la multiplication des supports de diffusion et compte tenu de l’évolution des modes de consommation des contenus audiovisuels, le Conseil n’est pas opposé à l’idée que les éditeurs de services acquièrent des droits étendus sur davantage de supports mais il considère qu’il est primordial que chacun des droits acquis par l’éditeur soit clairement identifié et valorisé. Notamment, lorsque les droits linéaires et non linéaires sont cédés ensemble, ces derniers doivent faire l’objet d’une valorisation explicite.
S’agissant des droits de télévision de rattrapage, le Conseil ne remet pas en cause leur lien indissoluble avec les droits de diffusion télévisuelle mais il estime que l’inclusion des recettes de télévision de rattrapage dans l’assiette de contribution à la production audiovisuelle ne fait pas obstacle à une valorisation de cette forme d’exploitation des œuvres dans les contrats d’acquisition de droits par les éditeurs. Sensible aux préoccupations des producteurs sur la monétisation des droits de télévision de rattrapage, le Conseil estime qu’il serait opportun de leur donner à tout le moins une valeur, sans nécessairement augmenter la participation financière des éditeurs de services.
Le Conseil propose donc l’ajout d’une obligation de valoriser explicitement au sein des contrats chacun des droits acquis par l’éditeur, afin de reconnaître la valeur potentielle des droits non-linéaires. Cette proposition pourrait prendre place au sein des articles 18, 28 et 44 du décret n° 2010-747 et aux articles 13 et 29 du décret n° 2010-416 en cours de modification. 
Dans un souci de simplification réglementaire, le Conseil estime en outre souhaitable d’harmoniser, pour tous les éditeurs de services, l’exercice de prise en compte des dépenses contribuant au développement de la production audiovisuelle inscrit à ces mêmes articles. Il propose de retenir l’exercice au cours duquel l’éditeur de services a commencé à exécuter l’engagement financier. 

* * *

Le projet de décret examiné procède à une première et utile modernisation depuis 2010 du régime des obligations de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des éditeurs de services de télévision. Il met en application, de manière pragmatique, les dispositions de la loi du 15 novembre 2013.
Pour respecter la notion de production indépendante, tant la loi que le décret ne peuvent qu’introduire des conditions et limitations à la prise de participation des éditeurs dans la production et l’exploitation des œuvres audiovisuelles concernées. En conséquence, le projet de décret ne peut, sur le seul fondement du nouvel article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, que répondre imparfaitement à la nécessité de soutenir notre industrie de la production audiovisuelle dans toutes ses composantes et au besoin de consolidation des groupes éditeurs dans le domaine de la production audiovisuelle.
Le Conseil souhaite indiquer que le projet qui lui a été communiqué n’épuise pas, à législation constante, les différents éléments de modernisation et de simplification qu’appelle à brève échéance le secteur audiovisuel. Il recommande notamment que soient étudiées les perspectives et conditions d’évolution de deux paramètres qui relèvent aujourd’hui exclusivement du pouvoir réglementaire : un abaissement du taux de recours à la production indépendante au sein des obligations de contribution au financement des œuvres audiovisuelles et des œuvres audiovisuelles patrimoniales, ainsi qu’un relèvement du taux de la détention capitalistique de l’entreprise de production par l’éditeur de services. Pourrait donc intervenir prochainement une nouvelle modification des décrets de 2010. 
En tout état de cause, l’important travail de simplification opéré par le projet de décret étudié trouve une limite dans les fondements législatifs qui se sont additionnés au fil des années pour encadrer la production audiovisuelle et les relations entre éditeurs de services et producteurs. Il met en valeur l’utilité qu’il y aurait à étudier une réécriture partielle de la loi pour permettre de poursuivre le travail d’adaptation des obligations des éditeurs dans le contexte économique, technologique et culturel actuel.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 2 décembre 2014.
Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :

Le président,    

 O. SCHRAMECK

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