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Texte juridique

Avis n° 2013-19 du 18 décembre 2013 relatif au rapport d’exécution pour l’année 2012 du contrat d’objectifs et de moyens de la société nationale de programme France Télévisions

Publié le

La loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public confère au Conseil supérieur de l’audiovisuel une compétence d’avis pour se prononcer sur le rapport annuel d’exécution des engagements souscrits par France Télévisions dans le cadre de son contrat d’objectifs et de moyens (COM) [1].

La synthèse du rapport d’exécution puis le document complet et définitif ont été transmis au Conseil les 15 et 20 novembre 2013. La synthèse a été approuvée par le conseil d’administration de France Télévisions le 31 octobre dernier.

Ce document doit permettre à France Télévisions d’apporter un éclairage sur la réalisation des objectifs annuels qui dessinent la trajectoire globale du COM et, le cas échéant, les difficultés rencontrées pour les atteindre. Pour le Conseil, le rapport d’exécution permet de s’assurer du respect des missions de service public de France Télévisions, en particulier en ce qui concerne les engagements qualitatifs. Ce document participe également du mécanisme de transparence et de bonne gouvernance de l’entreprise.

Dans ce cadre, le Conseil a relevé que les indicateurs de France Télévisions avaient globalement été respectés au cours de l’année 2012. Le groupe public s’est notamment signalé par la place centrale qu’il a occupée dans l’animation des campagnes électorales pour l’élection présidentielle et les élections législatives. Le bilan annuel de France Télévisions montre également que l’offre de magazines d’information a été augmentée. De même, s’agissant des quotas de diffusion d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, France Télévisions a largement dépassé les seuils réglementaires. La mise en place des offres numériques constitue aussi un élément positif dans l’exécution des engagements de la société.

Le Conseil souhaite indiquer que le rapport d’exécution pour l’année 2012 était un exercice difficile pour France Télévisions.

En effet, l’activité du groupe public au cours du premier semestre s’est inscrite dans les perspectives tracées par le COM signé en novembre 2011 tandis que le second semestre a été marqué par des évolutions sensibles remettant en cause les orientations initiales.

En 2012, le marché publicitaire s’est fortement dégradé et, à partir du mois de novembre, des discussions ont été engagées avec le Gouvernement afin de prendre également en compte la diminution envisagée du montant des ressources publiques.

Dans ces conditions, un avenant au COM a été conclu entre l’Etat et le groupe public pour la période 2013-2015. Le Conseil s’est prononcé sur cet avenant dans l’avis n° 2013-14 du 11 septembre 2013. L’avenant, qui reprend une partie des recommandations formulées par le Conseil, a été signé par les ministres compétents et le président de France Télévisions le 22 novembre 2013

La plupart des éléments qui figurent dans le rapport d’exécution ne tiennent cependant pas compte des objectifs, plus modestes, qui ont été définis en 2013. La remise très tardive du document a mis ainsi en lumière le hiatus évident entre les premières projections liées aux perspectives optimistes du COM initial et la réalité qui a marqué le tournant de l’année 2012 et qui devait conduire à la révision de l’économie générale du COM. Dans ces conditions, en dehors des quelques éléments de mise en perspective qui peuvent figurer dans le document, l’exercice est rendu parfois assez artificiel.

La restitution des prochains rapports annuels d’exécution devrait être davantage dynamique. A l’avenir, le Conseil souhaite que France Télévisions intègre dans sa présentation les évolutions déjà engagées pour l’année en cours.

Le Conseil insiste pour qu’à l’avenir la transmission des rapports annuels d’exécution intervienne dans délais permettant de de mieux éclairer le bilan annuel relatif au respect du cahier des charges de France Télévisions que le Conseil établit chaque année.

 

I – EN CE QUI CONCERNE LES LIGNES ÉDITORIALES DES CHAÎNES

Le rapport d’exécution met en avant, au titre des réalisations de l’année 2012, « l’affirmation plus marquée des identités des chaînes nationales » [2]. France Télévisions se limite en réalité à dresser la liste des émissions phares, propres à chaque antenne.

Dans le cas de France 3, « chaîne des racines et de l’histoire, de la proximité et des repères », il est indiqué qu’elle a rempli une « mission de proximité et de présence territoriale » [3] notamment en raison de la diffusion en 2012 de 19 800 heures de programmes régionaux. Le document insiste sur le fait qu’il s’agit d’une hausse substantielle par rapport aux années précédentes.

Le texte se fait ensuite plus flou en omettant de signaler que ce volume est appelé à être réduit dès 2013 – à un niveau qui ne pourra cependant être inférieur à 17 000 heures – notamment pour prendre en compte les nouvelles contraintes budgétaires [4].

Aucune interrogation ne transparaît s’agissant de la relation entre l’offre nationale et l’offre régionale de la chaîne. Pourtant, ce point est aujourd’hui discuté à l’issue des propositions formulées par le député Stéphane Travert [5]. La réforme de France 3 fait aussi l’objet d’une mission confiée à Mme Brucy par la ministre de la Culture et de la Communication.

Le risque de décalage apparaît encore pour France 4 entre la satisfaction affichée pour l’exercice 2012 et la situation actuelle de la chaîne. Il est en effet indiqué que l’antenne a conforté son succès en 2012 mais qu’une réflexion a été engagée, à la faveur de la révision du COM, pour procéder à « la refonte éditoriale de la chaîne » [6].

Pour les neuf chaînes du réseau Outremer 1ère, les rédacteurs considèrent que la proportion de 20 % de programmes produits localement était trop ambitieuse. En 2012, cette proportion aura effectivement représenté 18,6 %. Pour autant, l’avenant au COM appelle des efforts supplémentaires de France Télévisions pour atteindre 19,5 % en 2013 puis 20 % pour les années 2014 et 2015.

S’agissant des audiences qui font l’objet de plusieurs indicateurs dans le COM,  elles se sont globalement stabilisées en 2012 pour France 2 et France 3 tandis qu’elles sont en hausse pour France 4 et France 5. La part d’audience des chaînes du groupe France Télévisions représentait 30,2 % au total, soit une augmentation de 0,3 point par rapport à 2011 [7].

 

II – EN CE QUI CONCERNE LE DÉVELOPPEMENT NUMÉRIQUE

L’année 2012 a été marquée par le lancement de la plateforme francetv sport qui a permis un accès sur internet aux retransmissions des Jeux olympiques de Londres pendant l’été. France Télévisions a aussi procédé au lancement, au cours du mois de novembre, du portail francetv education. L’offre francetv info, rendue accessible au public en 2011, a été déclinée, un an après son lancement, sur les applications des téléphones mobiles et des tablettes.

En 2012, l’offre de télévision de rattrapage francetv pluzz a été rendue accessible depuis les offres multiservices des opérateurs de communications électroniques et a poursuivi sa phase de développement. À cette date, 75 % des programmes étaient disponibles en rattrapage.

Ces nouvelles offres continuent aujourd’hui de rencontrer un réel succès. Des données sur leur coût de développement et le budget annuel alloué aux offres numériques de France Télévisions auraient été utiles pour mieux appréhender l’effort consacré au développement numérique du groupe. 

Le rapport d’exécution aborde la question de la valorisation de ces offres en soulignant que les revenus publicitaires se sont élevés, en 2012, à 10,5 millions d’euros, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2011 [8]. Cette trajectoire a été remise en cause et, sans ignorer les difficultés conjoncturelles, le manque d’ambition dans la diversification des recettes numériques a été souligné par le Conseil dans l’avis n° 2013-14 du 11 septembre 2013 précité.

Les développements relatifs à la télévision connectée sont très sommaires. Par ailleurs, il n’est fait aucune mention de la diffusion des chaînes publiques en haute définition. Il s’agit pourtant d’un enjeu essentiel pour l’offre des chaînes publiques [9].

Dans le cas de France 2, l’objectif d’une diffusion intégrale en haute définition réelle des programmes a été maintenu à l’horizon 2015 dans l’avenant au COM. Toutefois, ce mode de diffusion n’a porté que sur 52 % des programmes de la chaîne en 2011 et sur 60 % des programmes en 2012.

Ce rythme doit pourtant être accéléré, en mettant notamment en place un calendrier de déploiement des équipements, pour atteindre d’ici deux ans l’objectif fixé [10].

 

III – EN CE QUI CONCERNE L’ÉVOLUTION DE L’OFFRE DE PROGRAMMES

Le document fait état du « niveau historique » d’investissement de France Télévisions en faveur de la production audiovisuelle qui atteint 420,3 millions d’euros. Les mêmes formulations, qui soulignent les « niveaux record de financement », précisent que le groupe public a investi 62,8 millions d’euros au soutien de la création cinématographique [11].

A la date de remise du rapport d’exécution, ces données auraient sans doute pu être mises en perspective en indiquant que le niveau de financement serait ramené, pour la période 2013-2015, à 400 millions d’euros pour la production audiovisuelle et à 57 millions d’euros pour la production cinématographique [12].

Le groupe public indique par ailleurs que les engagements pris dans le cadre du COM en matière d’offre culturelle ont été souvent dépassés [13]. Ainsi, 808 programmes culturels – pour une obligation de 365 [14] – ont-ils été diffusés en 2012 au cours de la première partie de soirée sur les antennes du groupe France Télévisions [15].

Pour autant, dans le respect de l’article 4 du cahier des charges de France Télévisions [16], il conviendrait d’établir avec plus de netteté ce qui relève de la notion de programmes culturels en particulier au regard de l’« exigence de qualité » qui doit caractériser l’offre des sociétés nationales de programme [17].

Avec 2 112 heures, le volume consacré aux émissions à caractère musical reste stable par rapport à 2011 (2 146 heures) [18]. Il est cependant assez faible aux heures de grande écoute et dans les cases de première partie de soirée des grilles de programmes [19].

Le rapport reste, ici encore, très descriptif. Les expositions de la musique dans l’offre numérique de France Télévisions ne sont pas abordées ni les ressources commerciales nouvelles susceptibles d’être générées par l’offre musicale, notamment en vidéo à la demande [20].

La plateforme numérique culturebox, lancée en juin 2013, est sans doute appelée à valoriser l’exposition en ligne de la musique.

S’agissant de l’information, le groupe public souligne, à juste titre, l’importance de son offre au cours de l’année 2012 en raison, notamment, de la couverture accordée à l’élection du président de la République et aux élections législatives. Sur le plan de la gestion des moyens et de la complémentarité des antennes, un dispositif commun entre les différentes rédactions a été mis en place pour retransmettre les soirées électorales.

En 2012, le groupe public aura également lancé, d’une part, le projet « i.nat » destiné à dématérialiser, avant la fin de l’année 2013, la chaîne de fabrication des journaux et, d’autre part, le projet éditorial « Info 2015 » en vue de construire, d’ici trois ans, la rédaction unique de France Télévisions [21].

Le Conseil reste très attentif à la mise en œuvre de ces projets ambitieux susceptibles de générer des gains importants d’efficacité pour l’entreprise.

Compte tenu de la date de remise du rapport, l’intérêt de ces annonces reste cependant très limité. Les développements qui leur sont consacrés auraient pu apporter des précisions sur leurs coûts ou  les étapes de leur réalisation.

 

IV – EN CE QUI CONCERNE LE MODÈLE D’ENTREPRISE

Alors même que France Télévisions engage des actions résolues en faveur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, il est regrettable que le rapport d’exécution du COM ne présente aucun chiffre en ce qui concerne l’évolution du taux d’emploi des personnels concernés.

De même, aucune information ne permet de mesurer les résultats des différents plans d’actions mis en œuvre dans l’entreprise pour améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes [22] ou garantir une proportion de 20 % de salariés âgés de plus de 55 ans.

Le Conseil relève cependant que la cohésion sociale dans l’entreprise tend à se renforcer. Les démarches engagées en 2012 pour l’obtention du label « Diversité », délivré par l’AFNOR, devraient ainsi aboutir au début de l’année 2014.

S’agissant par ailleurs de la gestion de l’entreprise, les données qui se rapportent à l’exercice 2012 font état d’un résultat net à l’équilibre (+ 2,2 millions d’euros). Le Conseil observe que ce résultat marquait une baisse de plus de 60 % par rapport au chiffre de 2011.

Au surplus, le document indique que cet équilibre n’a pu être obtenu qu’en reportant sur l’exercice 2013 un provisionnement au titre des coûts de restructuration pour un montant de 35 millions d’euros [23].

La présentation des comptes pour l’exercice 2013 s’avérera en conséquence difficile d’autant que d’autres charges apparaîtront, notamment au titre du financement des départs volontaires (89,3 millions d’euros ont été provisionnés à ce titre).

Au cours de l’année 2012, le document précise que 250 postes ont été pourvus dans l’entreprise [24]. L’évolution des effectifs révèle une augmentation de 0,9 % du niveau d’emploi moyen pour passer de 10 397 équivalents temps plein (ETP) en 2011 à 10 491 ETP en décembre 2012, soit une hausse moyenne de 94 ETP.

La trajectoire de l’emploi montre néanmoins qu’en juin 2013 ce chiffre a diminué de 340 ETP pour représenter 10 151,5 ETP. Il ressort de l’avenant au COM que cet effort sera poursuivi puisque  l’effectif total devrait être ramené à 9 750 ETP en 2015 [25].

Enfin, les commentaires sur l’augmentation du coût de grille de 1,5 % en 2012 mettent en lumière les difficultés de France Télévisions qui doit désormais compter avec un coût de grille en baisse de 0,5 % en moyenne au cours des trois prochains exercices [26].

*

En application des nouvelles dispositions de la loi du 15 novembre 2013 précitée, le Conseil sera désormais amené à donner son avis sur le rapport annuel d’exécution du COM, avec le souci de mettre en perspective ses observations sur l’année considérée par rapport aux projections du COM pour les années suivantes.

Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 18 décembre 2013

Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :
Le président,
O. SCHRAMECK

 

[1] Article 28 de la loi du 15 novembre 2013 modifiant le II de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication.

[2] P. 5.

[3] P. 7.

[4] Cette diminution du volume minimum de programmes régionaux a été inscrite dans l’avenant au COM, p. 13.

[5] Ces propositions ont été formulées dans le cadre de l’avis, adopté le 10 octobre 2013, par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2014.

[6] P. 6.

[7] P. 9.

[8] P. 96.

[9] Conformément à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, la télévision publique se caractérise par un objectif général de qualité et d’innovation.

[10] Le Conseil a rappelé cette exigence dans le Bilan annuel de France Télévisions pour 2012, p. 7 et dans la recommandation n° 6 formulée au terme de l’avis n° 2013-14 précité.

[11] PP. 10 et 90.

[12] Avenant au COM, p. 32 et 35.

[13] P. 58

[14] Ce chiffre a été porté à 450 dans l’avenant au COM signé le 31 octobre 2013. Le Conseil avait émis une recommandation en ce sens dans l’avis n° 2013-14 précité, recommandation n° 10.

[15] Ce chiffre est conforme à celui effectivement retenu par le Conseil dans le cadre du Bilan annuel de France Télévisions pour 2012, de préférence au chiffre initial de 920 programmes déclarés par le groupe. Cf p. 7.

[16] L’alinéa 1er dispose que « France Télévisions diffuse nationalement au moins un programme culturel chaque jour en première partie de soirée relevant des genres suivants : retransmissions de spectacles vivants ; émissions musicales ; magazines et documentaires de culture et de connaissance (découverte, histoire, sciences, valorisation du patrimoine, portraits d’artistes, etc.) ; événements culturels exceptionnels ; œuvres de fiction axées sur la découverte et la connaissance, notamment les adaptations littéraires, les biographies, les reconstitutions historiques. »

[17] Article 43-11 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.

[18] P. 11 et pp. 61-65.

[19] Cf Bilan annuel de France Télévisions pour 2012 précité, p. 6.

[20] Ces pistes étaient envisagées dans le COM initial signé en novembre 2011.

[21] P. 95.

[22] Il est néanmoins précisé qu’en février 2013,  la composition du comité exécutif de l’entreprise a évolué pour compter désormais 6 femmes parmi les 19 membres, p. 87.

[23] P. 9.

[24] P. 82.

[25] P. 93.

[26] P. 90.

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