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Texte juridique

Avis du 27 mars 2012 sur un projet de décret modifiant le décret n° 2006-502 du 3 mai 2006 portant création du comité stratégique pour le numérique

Publié le

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi pour avis, le 2 mars 2012, en application de l’article 9 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, d’un projet de décret modifiant le décret n° 2006-502 du 3 mai 2006 portant création du comité stratégique pour le numérique.
 
Après en avoir délibéré lors de son assemblée plénière du 27 mars 2012, il émet un avis favorable, sous les réserves qui suivent.
 
La télévision numérique hertzienne terrestre (TNT), dont le succès en France est incontestable, doit continuer de s’adapter aux exigences des téléspectateurs. La diffusion de l’ensemble des chaînes en haute définition, le développement de l’interactivité, de la mobilité, la poursuite de l’amélioration de la qualité de l’image et du son (émissions en trois dimensions, ultra-haute définition) justifient à eux seuls, compte tenu de la rareté de la ressource radioélectrique, la nécessité de migrer, le moment venu, vers des normes de diffusion et de compression du signal encore plus performantes que celles utilisées aujourd’hui. L’accompagnement des téléspectateurs dans ces mutations technologiques extrêmement rapides et profondes devra s’inscrire au cœur des préoccupations du comité stratégique pour le numérique, comme le prévoit le 2° de l’article 1er du projet de décret.
 
Le conseil regrette toutefois que l’objectif de migration vers les normes les plus efficaces possibles, permettant un usage optimal des fréquences, ne concerne, dans le projet de décret, que la radiodiffusion. Cet objectif devrait être partagé par tous les utilisateurs du spectre radioélectrique. Ainsi, par exemple, une grande partie des bandes actuellement affectées au secteur des communications électroniques mobiles est encore utilisée par le GSM, technologie de deuxième génération (2G) qui date des années 1990. Un gain d’efficacité conséquent pourrait être obtenu si l’abandon de cette technologie était accéléré au profit des normes de dernière génération (4G notamment). En particulier, la bande GSM 900 MHz, dont les caractéristiques physiques sont très proches de celles de la bande 800 MHz précédemment affectée à la radiodiffusion (bonne propagation pour la couverture des zones rurales, bonne pénétration à l’intérieur des bâtiments) devrait faire l’objet d’un traitement prioritaire.
 
Le conseil demande donc que le 2° de l’article 1er du projet de décret soit reformulé de la manière suivante, afin que les travaux du comité stratégique pour le numérique puissent porter sur l’amélioration de l’efficacité d’usage du spectre pour tous les réseaux de communications électroniques.
 
« Le comité stratégique pour le numérique [...] est chargé [...]
 
2° de coordonner les actions nécessaires à la modernisation de la diffusion de la télévision numérique terrestre des réseaux de communications électroniques par l’adoption et la mise en œuvre de nouvelles normes de diffusion et de codage de radiocommunications, en particulier dans les fréquences inférieures à 1 GHz. »
 
En outre, le conseil note qu’une bonne partie de la croissance du trafic du secteur des communications électroniques mobiles sera liée à la consommation de vidéo (1) (contenus audiovisuels linéaires et non linéaires). Il semblerait alors légitime que le comité stratégique pour le numérique examine les perspectives offertes par la plate-forme hertzienne terrestre de diffusion, et plus particulièrement son évolution vers la mobilité, aux utilisateurs de terminaux mobiles (« smartphones », tablettes, etc.). Permettre à ces équipements de recevoir les services diffusés sur la TNT, voire d’utiliser une partie de la ressource des multiplex de la TNT pour recevoir certains contenus audiovisuels non linéaires (2) pourrait s’avérer efficace pour soulager en partie les réseaux mobiles.
 
De même, le rôle du « WiFi » et prochainement des solutions dites « femtocells » dans la prise en charge d’une partie du trafic mobile vers les réseaux fixes (ADSL, câble, fibre) devrait être soigneusement examiné. En effet, les usages effectués en situation de réelle mobilité semblent moins fréquents que les usages sans-fil à domicile ou sur le lieu de travail. Ces derniers représenteraient même la majorité des usages des terminaux mobiles (3). Or, le domicile ou le lieu de travail sont de plus en plus raccordés à un réseau fixe haut débit. Ainsi, à l’aide d’une connexion « WiFi » par exemple ou de la technologie « femtocell » (associée aux modems des opérateurs mobiles dans le cadre d’offres « multiplay »), une partie significative du trafic généré par les utilisateurs mobiles au domicile ou au travail serait potentiellement délestable sur les réseaux fixes.
 
Ces questions semblent d’autant plus légitimes qu’au niveau européen, dans le cadre des activités du groupe RSPG (4), la Commission européenne a soumis un projet de « demande d’avis » proposant aux Etats membres de travailler sur ces deux sujets notamment, à savoir les possibilités de délestage du trafic des communications électroniques mobiles vers les réseaux fixes et vers la plate-forme hertzienne terrestre de télévision.
 
Enfin, le conseil propose qu’en complément de la réflexion prospective sur les possibilités de réaffectation des fréquences, le comité stratégique pour le numérique examine les perspectives offertes par de nouvelles méthodes d’accès au spectre basées sur le partage de ressource : espaces blancs de la radiodiffusion, radio-cognitive, mutualisation entre opérateurs, régime d’autorisation « APL (5) », etc. Les premiers travaux réalisés sur ces sujets au niveau européen (rapport du RSPG [6] de novembre 2011 par exemple) et au niveau français pourraient constituer un point de départ.
 
Le conseil propose donc de modifier le 1° de l’article 1er du projet de décret de la manière suivante.
 
« Le comité stratégique pour le numérique [...] est chargé :
 
1° De définir les orientations de nature à assurer une allocation optimale des fréquences hertziennes au regard des enjeux économiques, culturels et stratégiques qui s’y attachent, en examinant notamment les solutions d’accès partagé au spectre, ainsi que les complémentarités d’usage entre les différents réseaux de communications électroniques. »
 
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.
 
Fait à Paris, le 27 mars 2012.
 
 
Pour le Conseil supérieur
de l’audiovisuel :
Le président,
M. Boyon
 
(1) Selon une étude de Cisco, dès 2015, la vidéo représentera plus de 60 % du trafic mobile mondial. (2) Les contenus seraient « poussés » et stockés dans la mémoire du terminal mobile. (3) Selon une étude de Cisco, 40 % des usages de données mobile sont effectués au domicile de l’utilisateur, 25 % sur son lieu de travail, et seulement 35 % en situation réelle de mobilité. (4) Radio Spectrum Policy Group, groupe consultatif d’experts gouvernementaux à haut niveau des Etats membres de l’Union européenne, est chargé de conseiller la Commission européenne sur les enjeux stratégiques en matière de spectre. (5) Accès partagé aux fréquences radioélectriques avec licence (APL) au profit des réseaux du service mobile (par exemple, partage dynamique sur une base géographique ou temporelle avec des autorisations individuelles). (6) Rapport intitulé « Usage collectif du spectre et autres approches sur le partage du spectre ».