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Décision du CSA

Sahar1 : Eutelsat mise en demeure

Publié le

Assemblée plénière du

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunication par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999, publiée au Journal officiel du 9 juin 2001 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 15, 33-1, 42, 43-2 et 43-4 ;
Considérant que l'article III de la convention précitée du 15 juillet 1982 prévoit que la société Eutelsat SA est soumise à l'obligation suivante : "pour ce qui est des services audiovisuels et des services futurs, ils seront offerts en conformité avec les réglementations nationales [...]" ;
Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure les opérateurs de réseaux satellitaires de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison du I de l'article 33-1 et des articles 43-2 et 43-4 de la loi du 30 septembre 1986 précitée que tout service de télévision diffusé par la société Eutelsat SA et dont l'éditeur est établi en dehors de l'Union européenne doit faire l'objet d'une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, s'il n'est pas déjà contrôlé par un autre Etat membre de l'Union européenne, au titre de sa diffusion par un satellite relevant de la compétence de cet Etat ;
Considérant que le service de télévision "Sahar1", édité par l'Islamic Republic of Iran Broadcasting Company (IRIB), société établie en Iran, qui ne fait l'objet d'aucun contrôle par un autre Etat membre de l'Union européenne, est diffusé par la société Eutelsat SA sans que ce service n'ait fait l'objet d'une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Considérant qu'en vertu de l'article 15 de la même loi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, d'une part, à la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle et, d'autre part, à ce que les programmes des services de radio et de télévision ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité ;
Considérant que le service de télévision "Sahar1" a diffusé, à partir du 13 décembre 2004, un feuilleton intitulé Pour toi, Palestine ou les yeux bleus de Zahra, qui présente systématiquement les Israéliens et les Juifs de manière avilissante, sous les traits de personnages sans scrupules, prêts notamment à prendre les yeux d'une enfant ;
Considérant que ce service a également diffusé, en décembre 2004 et janvier 2005, le feuilleton Al-Shatat (Diaspora), qui dépeint une conspiration datant de plusieurs siècles menée par la famille Rothschild, dont les principaux acteurs sont les rabbins et les leaders sionistes ; sont également présentés dans ce feuilleton le meurtre rituel d'un "enfant chrétien" par des religieux juifs qui recueillent son sang pour fabriquer du pain azyme, et celui, dans des conditions confinant à la barbarie, d'un juif qui a eu le tort d'épouser une femme non-juive ;
Considérant que la diffusion de tels programmes constitue un manquement à l'un des principes définis à l'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, en tant qu'ils représentent un risque pour l'ordre public, ainsi qu'un manquement à l'article 15 de la même loi, en tant qu'il portent atteinte à la dignité de la personne et sont susceptibles d'inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination pour des raisons de sexe, de race, de religion ou de nationalité ;
Considérant que la diffusion de ce feuilleton était d'autant plus choquante qu'une précédente diffusion du même programme, sur la chaîne Al Manar, avait suscité une vive émotion en France et avait été à l'origine de la procédure engagée par le CSA devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en vue d'obtenir qu'il soit ordonné à Eutelsat de cesser de diffuser cette chaîne ;
Considérant que l'émission Le monde en question, diffusée en français sur ce service le jeudi 3 février 2005 entre 22 heures 12 et 22 heures 45 (heure française), était consacrée à "l'instrumentalisation de l'holocauste à des fins politiques" ; qu'au cours de cette émission, M. Robert FAURISSON, présenté simplement comme un "historien français", a pu pendant 10 minutes, sans jamais être contredit, développer ses théories négationnistes lui ayant valu la condamnation des tribunaux français ; qu'il a notamment déclaré : "Il n'y a jamais eu de politique d'extermination physique des Juifs. Il était interdit de tuer les Juifs et toutes les images qu'on présente de cadavres dans les camps sont des images, à quelques exceptions près, de personnes qui sont mortes d'épidémies et notamment d'épidémies de typhus" et "Il n'a jamais existé de chambres à gaz d'exécution chez les Allemands" ; que ces propos sont susceptibles de constituer le délit de négationnisme, réprimé par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ;
Considérant en conséquence que la diffusion, par la société Eutelsat SA, du service "Sahar1" est contraire aux dispositions des articles 1er, 15 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée et de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse ;

D E C I D E :

Article 1er : La société Eutelsat SA est mise en demeure de cesser la diffusion du service de télévision "Sahar1", dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
 

Article 2 : La présente décision, qui sera notifiée à la société Eutelsat SA, sera publiée au Journal officiel de la République française.
 
Fait à Paris, le 10 février 2005
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Le président
Dominique BAUDIS
 

Par ailleurs, le Conseil a saisi le procureur de la République de Paris des faits précités, susceptibles de constituer les délits d'incitation à la haine raciale et de négationnisme prévus et réprimés par les articles 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881. Il a également informé le garde des Sceaux de sa saisine du procureur de la République de Paris et a écrit au Premier ministre pour l'informer de ces différentes décisions et lui demander les suites réservées aux intentions exprimées de renforcer le dispositif législatif afin de permettre la suspension immédiate de toute chaîne diffusant des programmes à caractère raciste ou antisémite.