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Texte juridique

Avis sur le projet de loi sur l'audiovisuel

Publié le

Initialement limité à la seule réforme de l'organisation et du financement de l'audiovisuel public, le projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 avait donné lieu, en octobre dernier, à une première consultation pour avis du CSA.
Après avoir différé la présentation de ce projet devant le Parlement, le gouvernement a décidé de le compléter en lui adjoignant un second volet essentiellement consacré au secteur audiovisuel privé. Saisi des nouvelles dispositions de ce texte, le CSA a formulé le 12 avril l'avis suivant :
 
La deuxième partie du projet de loi sur l'audiovisuel répond à des manques importants de la législation existante, notamment en matière de diffusion satellitaire. Elle correspond ainsi aux attentes du Conseil tout en permettant une transcription en droit français de plusieurs dispositions de la directive Télévision sans frontières que la France devait prendre en compte sans délai.
Le Conseil ne saurait qu'approuver la volonté exprimée par le gouvernement d'accroître la place de la régulation, notamment en ce qui concerne l'élargissement des critères de non reconduction des autorisations. Dans le même esprit, le Conseil estime qu'une étape supplémentaire devrait être franchie avec l'extension de son pouvoir conventionnel.
 

I - Sur les différentes dispositions du projet de loi

- Sur les dispositions relatives à l'indépendance de l'information au regard des marchés publics
Le Conseil approuve l'objectif de transparence de l'information vis-à-vis des marchés publics et des délégations de marchés publics détenus par les actionnaires. Il prend acte de la mission nouvelle qui lui est ainsi conférée.
 

- Sur l'adoption d'un cadre juridique pour la diffusion satellitaire
Le Conseil considère que la définition nouvelle du "distributeur de services" par câble ou par satellite mériterait d'être précisée. Les relations contractuelles entre distributeur de services et éditeurs, en vue de proposer au public une offre groupée de services, ne se réduisent pas en effet à la seule fonction de distribution. En tout état de cause, le Conseil remarque que cette notion de "distributeur de services" devrait être reprise à l'article 34 de la loi sur l'autorisation d'exploitation des "réseaux câblés".
Le Conseil note que, conformément à ses souhaits, le régime réglementaire applicable aux services distribués par câble ou offerts par satellite est identique. Mais il s'étonne que, en matière satellitaire, son droit de regard ne concerne que la part des services indépendants du distributeur, elle-même définie par décret.
Par ailleurs, le délai de quinze jours laissé au CSA pour s'opposer à l'exploitation d'une offre groupée de services, ou à sa modification, est à l'évidence trop court. Il conviendrait de porter ce délai à un mois et de préciser que les demandes de modification font l'objet d'une notification préalable au Conseil.

- Sur les pouvoirs du Conseil en matière de composition des plans de services du câble
Le CSA approuve les pouvoirs accrus qui lui sont dévolus dans le domaine de la composition et de la modification de l'offre de services distribués par câble tout en estimant que le délai de quinze jours qui lui est laissé par le projet de loi pour réagir aux modifications envisagées ne constitue pas un délai raisonnable. Il conviendrait de le porter à un mois et de préciser que les demandes de modification font l'objet d'une notification préalable au Conseil.
Par ailleurs, les réseaux câblés audiovisuels et les réseaux filaires de télécommunications tendent à offrir aujourd'hui les mêmes services aux abonnés - du téléphone aux chaînes de télévision -. Il convient donc de mettre fin à la coexistence de deux régimes juridiques distincts pour leur établissement, l'un issu du code des P et T, l'autre de la loi de 1986. Le Conseil se prononce en faveur d'un alignement du régime de l'établissement  de l'ensemble des réseaux filaires sur le code des P et T.
 

- Sur les critères de reconduction hors appel aux candidatures d'une autorisation
La prise en compte des délits de presse ou des atteintes pénales à la protection des mineurs, tout comme l'adoption de deux nouveaux critères de non reconduction, est positive. Le Conseil approuve cette disposition qui lui permettra d'exercer une meilleure régulation au moment des reconductions d'autorisation, notamment pour les radios.
 

- Sur l'amélioration technique du dispositif de sanction
Le Conseil estime justifiée l'extension du dispositif de sanction à l'ensemble des chaînes du câble et du satellite, ainsi qu'aux distributeurs d'offres groupées de services par satellite ou par câble.
De même, l'insertion d'un communiqué dans les programmes par le Conseil au titre du 1° de l'article 42-1 dote le Conseil d'un instrument rapide d'intervention.
Le Conseil souscrit donc à ces améliorations qu'il avait lui-même souhaitées.
 

- Sur l'absence de reconnaissance d'un pouvoir conventionnel élargi demandé par le Conseil
La multiplication des services de communication audiovisuelle et la rapidité des évolutions techniques rendent illusoire et inadaptée l'application de normes législatives et réglementaires détaillées au secteur audiovisuel. Le législateur ne pourra dans ses textes de loi couvrir tous les cas de figure. Il doit revenir à la loi et aux décrets de fixer le cadre et les principes généraux, tandis que l'autorité de régulation adaptera précisément - dans le cadre d'un pouvoir conventionnel élargi - les règles générales à la spécificité de chacun des services de communication audiovisuelle et des évolutions de la situation et du marché. Il est donc indispensable que la loi donne au CSA un pouvoir de modulation des obligations du type de celui dont il dispose d'ores et déjà avec les heures d'écoute significatives.

Ainsi, il est regrettable que le projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire la fixation des obligations relatives à la contribution des éditeurs de services au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, aux modalités de cession des droits de diffusion et à la limitation de la durée de ces droits ainsi que le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques de longue durée.

S'il revient au pouvoir réglementaire de fixer les principes généraux, et notamment les seuils d'obligations, les modalités d'application et les modulations nécessaires doivent relever des conventions conclues entre les diffuseurs privés et le CSA, et des cahiers des charges pour le secteur public. En ce qui concerne les matières énumérées aux articles 27 et 33 de la loi, doter le Conseil d'un pouvoir conventionnel élargi permettrait d'adapter avec la diligence nécessaire les règles générales à la diversité des opérateurs.

- Sur le Conseil de la concurrence
Le Conseil prend acte du choix du gouvernement d'aligner le secteur audiovisuel sur le droit commun des concentrations. Il souhaite toutefois qu'une compétence générale lui soit maintenue au nom de l'objectif constitutionnel de pluralisme.
Ainsi, le CSA s'interroge sur la compétence exclusive donnée au ministre de l'Economie et des Finances auquel il appartient de décider, ou non, de saisir le Conseil de la concurrence et, par voie de conséquence, le CSA.
A cet égard, il serait souhaitable que le projet de loi prévoie que le ministre de l'Economie et des Finances ne statue pas sur les concentrations ou projets de concentration sans saisir préalablement le CSA pour avis, même s'il ne saisit pas le Conseil de la concurrence.
Par ailleurs, le Conseil souhaite pouvoir de son côté, dans le domaine des concentrations, saisir le Conseil de la concurrence pour avis.
 

- Sur la multiplicité des critères d'autorisation
La liste des critères supplémentaires prévue à l'article 17 II b) et c) du projet de loi apparaît superflue. Elle reprend en fait - en les déclinant - les critères que le Conseil applique déjà au nom du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et de la diversité des opérateurs. Au surplus, ces critères sont susceptibles d'apparaître contradictoires avec le pouvoir de régulation et d'appréciation dont dispose le Conseil ainsi que source de multiples contentieux.
 

- Sur la procédure de la reconduction simplifiée
Le projet prévoit une modification de la procédure. Si le souci de transparence qui motive cette disposition nouvelle est louable, la procédure mise ainsi en place est lourde. Le Conseil rappellera qu'il dispose de six mois pour conclure une convention avec l'opérateur et qu'à défaut l'autorisation n'est pas reconduite. Plutôt que de publier, en amont, les points de la convention que le Conseil souhaite voir réviser, la procédure pourrait utilement être renversée : le Conseil procéderait à l'audition du candidat, puis à celle de tiers intéressés et enfin il publierait les points de la convention qui vont être renégociés.
 

- Sur la mise en demeure et la sanction
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel constate qu'aux termes du projet de loi, la mise en demeure devient automatique. Il considère qu'il s'agit là d'une diminution du pouvoir de régulation dont il dispose, susceptible d'induire une automaticité de la sanction juridiquement discutable comme l'a confirmé encore récemment le Conseil constitutionnel.
En ce qui concerne le régime des sanctions, il devrait être procédé à un aménagement rédactionnel prévoyant que le rapporteur désigné par le vice-président du Conseil d'État n'assiste pas au délibéré compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de cassation relative à une sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel relève également que, afin d'améliorer encore la procédure de sanction, le projet de loi pourrait fixer à trois mois le délai impératif au terme duquel le membre du Conseil d'État rend son rapport.
 

II. Sur les points manquants du projet de loi
 

- Sur la chanson d'expression française
Le Conseil regrette qu'aucune des modalités d'assouplissement qu'il a proposées n'ait été introduite. Par ailleurs, les têtes de chapitre du décret commun aux chaînes du câble et du satellite omettent de prévoir des dispositions en matière de quotas de chanson francophone. Ce décret ne pourra donc pas étendre les quotas de chanson francophone aux services de radio du câble et du satellite qui ne manqueront pas de se développer.
 

- Sur la transposition de la directive "normes et signaux"
Le Conseil relève également l'absence de dispositions assurant la transposition de la directive " normes et signaux " sur la compatibilité des systèmes de contrôle d'accès, qui trouvaient naturellement leur place dans le projet de loi actuel. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel devrait logiquement être reconnu compétent par la loi en ce qui concerne le règlement des litiges relatifs à l'utilisation de systèmes de contrôle d'accès car il s'agit là d'enjeux clairement audiovisuels et non techniques.
 

- Sur les modifications substantielles
En cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation a été délivrée (article 42-3 de la loi), il serait très souhaitable de prévoir la possibilité pour le Conseil, par décision motivée, de subordonner le maintien de l'autorisation à des conditions définies par référence aux critères mentionnés aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre1986 modifiée. Une telle disposition est nécessaire à l'exercice véritable du pouvoir de régulation. Aujourd'hui, un bouleversement des données de base de l'autorisation ne peut conduire qu'à son retrait alors même qu'un maintien conditionnel de l'autorisation serait une procédure utile, comparable aux instruments dont sont dotées les autorités concurrentielles.
 

- Sur le numérique hertzien terrestre
Le Conseil regrette en outre l'absence de dispositions relatives à l'audiovisuel numérique hertzien terrestre. L'introduction d'un cadre juridique spécifique permettant le lancement de la télévision numérique par voie hertzienne terrestre et le développement de la radio numérique est impérative à partir notamment des enseignements de la loi du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans les domaines des technologies et services de l'information. Le Conseil tient à souligner que les dispositions qui figurent dans le projet de loi qui lui est soumis pour avis et qui sont relatives au câble et au satellite ne sauraient être transposées à l'identique au numérique de terre. Un pouvoir d'autorisation entier du Conseil est indispensable pour garantir le pluralisme et la diversité des opérateurs, notamment afin de permettre l'arrivée de nouveaux entrants et d'opérateurs locaux et régionaux.
Enfin, il serait particulièrement utile de modifier l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 modifiée en ajoutant à l'énumération des limites à la liberté de communication, la mise en réserve des fréquences pour une utilisation numérique, si l'attribution des fréquences obère les projets futurs de développement numérique.
 

- Sur l'architecture générale du projet de loi
Pour que son avis s'inscrive dans une réflexion globale, le Conseil aurait souhaité pouvoir se prononcer sur l'ensemble du projet de loi y compris les projets d'amendements gouvernementaux prévus, ceux-ci devant, s'agissant du secteur public audiovisuel, modifier sensiblement l'architecture du projet dans le sens des évolutions souhaitées par le Conseil lui-même.
 

La lettre accompagnant l'avis du Conseil

"Madame la ministre,

(...) Le Conseil tient à souligner que, outre l'assouplissement des critères de non-reconduction des autorisations déjà prévu dans le projet de loi, la modification la plus nécessaire pour une meilleure régulation du secteur radiophonique, évoquée à la fin de l'avis du Conseil, consisterait à modifier l'article 42-3 de la loi pour donner au Conseil le pouvoir d'accepter, sous conditions, des "modifications substantielles" des données initiales de l'autorisation. Cela permettrait, par exemple, d'agréer certains changements de catégorie alors que l'étanchéité actuelle entre les catégories de radios est source d'une grande rigidité.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel insiste sur la nécessité d'introduire des dispositions législatives relatives à l'audiovisuel numérique hertzien terrestre. Il serait particulièrement utile de modifier rapidement l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 en ajoutant à l'énumération des limites à la liberté de communication, la mise en réserve de fréquences pour une utilisation numérique, si l'attribution de fréquences obère les projets de développement numérique.

Le Conseil déplore particulièrement l'absence d'évolution entre les domaines respectifs du pouvoir réglementaire et du pouvoir conventionnel du régulateur. Il constate quotidiennement, qu'une fois les objectifs et les principes généraux fixés par la loi et les décrets, seule la procédure conventionnelle permettrait d'adapter les règles aux évolutions et aux spécificités des entreprises audiovisuelles.

Par ailleurs, le Conseil vous remercie de votre courrier du 9 avril concernant les dispositions relatives au financement de la télévision publique. Il les approuve pleinement puisqu'elles correspondent à la position qu'il avait lui-même adoptée en janvier dernier et publiée dans sa Lettre du mois de février. Il est souhaitable que ces dispositions puissent trouver une première traduction dans la loi de finances 2000 (...) ".