Le CSA et l’Hadopi sont devenus l’Arcom, rendez-vous sur arcom.fr Le CSA et l’Hadopi sont devenus l’Arcom, rendez-vous sur arcom.fr

Texte juridique

Avis sur le projet de décret relatif au régime des chaînes numériques hertziennes terrestres

Publié le

Avis n° 2001-8 du 2 octobre 2001 sur le projet de décret pris pour l'application des 1°, 2°, 3° et du 5° de l'article 27 et de l'article 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux concernant la diffusion des services autres que radiophoniques diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique
 
Saisi pour avis, en application de l'article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret fixant les principes généraux concernant la diffusion des services autres que radiophoniques diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, formule les observations suivantes, qui concernent tant l'économie générale du dispositif proposé que son contenu technique.
 

I - OBSERVATIONS PRINCIPALES
 
Au regard de l'ensemble constitué par ce projet de décret et les avant-projets de décrets d'application de la loi du 1er août 2000 qui lui ont été transmis pour information, le Conseil relève que le Gouvernement a eu le souci de rapprocher les différents régimes juridiques applicables aux services de télévision selon leur mode de diffusion et d'en assurer la cohérence.
Le Conseil estime qu'à terme le principe de neutralité technologique des supports de diffusion des services de communication audiovisuelle, découlant de la convergence, devrait prévaloir davantage et entraîner une harmonisation encore plus large de ces régimes juridiques, qui ne devraient plus être fixés en fonction du support mais en fonction de la nature du service et notamment de son caractère gratuit ou payant.
L'harmonisation des différents régimes juridiques doit s'accompagner d'une simplification de ces régimes, devenus rigides, lourds et complexes, ainsi que le CSA l'avait déjà relevé dans son avis sur le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001.
Le développement des industries audiovisuelles françaises dans la concurrence européenne reste un objectif majeur. A l'évidence, une nouvelle réglementation qui s'éloignerait trop de la directive Télévision sans frontières pourrait à cet égard constituer un handicap.
S'agissant plus particulièrement des services du numérique hertzien dont la viabilité économique doit être assurée, une approche pragmatique doit être privilégiée.
Au regard de ces éléments, et dans un contexte difficile où des bouleversements structurels et conjoncturels perturbent la visibilité à moyen terme sur l'évolution des marchés de la télévision gratuite ou payante, les observations du Conseil ont été guidées par les trois principes suivants  sur lesquels il appelle l'attention du Gouvernement :
- prévoir une montée en charge des obligations étalée sur une période plus longue et favoriser la mobilisation de nouvelles ressources, notamment par l'ouverture des secteurs interdits à la publicité, pour permettre aux éditeurs de services d'atteindre leur équilibre économique dans un délai raisonnable ;
- faciliter la migration des services du câble et du satellite vers le numérique hertzien en fixant, pour les futurs services payants de télévision numérique de terre, un régime aussi proche que possible de l'actuelle réglementation applicable aux services du câble et du satellite ;
- introduire davantage de souplesse et de flexibilité en privilégiant la voie conventionnelle, plus appropriée que la voie réglementaire pour tenir compte de la spécificité et de la situation de chaque service.
Le Conseil insiste plus particulièrement sur les problèmes de montée en charge des obligations pour les différents services (voir le 3. du A/ du III et le A/ du IV) et de diffusion des messages publicitaires sur les services cryptés.
 

II - DIFFUSION DE MESSAGES PUBLICITAIRES SUR LES SERVICES CRYPTES
 
L'article 20 du projet de décret prévoit pour les services cryptés, à l'instar du régime applicable à Canal+, que les messages publicitaires ne peuvent être diffusés que dans les parties de programmes diffusées en clair, lesquelles sont limitées à 6 heures par jour.
Cette disposition pourrait compromettre la migration de certains services actuellement diffusés par câble et par satellite vers le numérique hertzien.
En effet, les services qui font l'objet d'un abonnement en câble et en satellite migreront probablement vers le numérique hertzien en tant que services cryptés, afin de ne pas compromettre leur économie sur le câble et le satellite.
Or, ces services diffusent actuellement des messages publicitaires sur l'ensemble de la journée et leur migration en hertzien numérique pourrait donc se traduire par une importante baisse de leurs recettes publicitaires.
Le Conseil estime donc essentiel que les services cryptés puissent diffuser des messages publicitaires tout au long de leur programmation.
 

III - OBLIGATIONS DE PRODUCTION
 

A/ Observations générales
 
Le Conseil relève que le projet de décret et les réformes envisagées par le Gouvernement pour Canal+ et pour les services du câble et du satellite prévoient des régimes très divers en matière d'obligations de production, en fonction du support et de la nature des services, qu'il s'agisse de l'assiette de ces obligations, de leur niveau, des dépenses susceptibles d'être prises en compte ou de la définition de la production indépendante.
Il estime que ces différences sont sources d'inégalité de traitement entre les services et souhaite, pour sa part, un dispositif réglementaire plus simple.
 
1. Production inédite
Le projet de décret confirme et élargit l'évolution amorcée pour l'audiovisuel par le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 et relative à la nature des dépenses prises en compte au titre des obligations de production : ainsi les articles 9 et 11 du projet de décret permettent de valoriser les achats de droits, sans restrictions, au même titre que la coproduction et le pré-achat. En outre, l'article 12 du projet de décret globalise oeuvres européennes et d'expression originale française dans les obligations de production.
La prise en compte d'achats de droits peut certes paraître légitime, s'agissant de services qui sont obligés de recourir au second marché des droits pour alimenter leur grille.
Néanmoins, cette évolution amène le Conseil à s'interroger sur l'articulation entre obligations de production et de diffusion d'oeuvres : en principe, les premières ont pour objet le développement d'une industrie de programmes, à travers la contribution à la réalisation d'oeuvres nouvelles, tandis que les secondes garantissent aux téléspectateurs la diffusion d'oeuvres européennes ou réalisées en langue française.
Dès lors que les obligations de production incluent désormais les achats de droits, ces obligations perdent largement de leur intérêt propre, puisque les quotas de diffusion suffisent à garantir un niveau minimal d'achats de droits. Le Conseil estime donc que les obligations de production, tant audiovisuelle que cinématographique, devraient comporter, pour les éditeurs, de réelles incitations à participer au renouvellement de l'offre de programmes.
Le Conseil a certes bien noté l'existence dans le projet de décret de certaines incitations à l'investissement dans de la production inédite, qui ne paraissent cependant pas répondre de façon adéquate à l'objectif poursuivi. En effet, ces incitations prennent trois formes :
* L'article 13 du projet de décret dispose que les services devront diffuser 120 heures d'oeuvres audiovisuelles inédites entre 20h et 21h, ce qui favorise l'investissement dans de nouvelles oeuvres. Cependant, outre le fait que cette obligation ne s'appliquerait qu'aux services ayant un chiffre d'affaires supérieur à cent cinquante millions d'Euros, palier que ne pourront pas atteindre un nombre important de services, surtout dans les premières années de lancement du numérique hertzien, le Conseil considère que cette mesure a pour effet de rigidifier à l'excès sur un créneau horaire très étroit, les grilles de programmes des services.
Si cette règle devait être maintenue pour le hertzien numérique, il serait utile, à tout le moins, que leur diffusion puisse intervenir aux heures de grande écoute, telles que préconisées infra (B/ du IV).
* S'agissant exclusivement des chaînes cinéma "premium", le projet de décret donne comme contrepartie à un engagement dans le pré-achat d'oeuvres dont le devis de production est inférieur ou égal à un montant déterminé (clause de diversité), la possibilité de pouvoir comptabiliser les quotas de diffusion des oeuvres cinématographiques en nombre de titres et non par diffusions et rediffusions, et sans que les diffusions d'oeuvres d'expression originale française puissent représenter moins de 35 % (art. 34).
Le Conseil n'est pas favorable à ce mode de décompte, qui introduit une différence de régime entre les chaînes "premium" et les autres services. Outre que ce dispositif crée ainsi une inégalité de traitement, il ne permet pas de garantir le respect effectif de l'article 4 de la directive Télévision sans frontières, qui prévoit "une proportion majoritaire" d'oeuvres européennes, appréciée en "temps de diffusion".
Si cette disposition devait être maintenue, il conviendrait à tout le moins qu'elle soit complétée afin de garantir, d'une part, le respect minimal de 50 %  d'oeuvres européennes,  décomptées par diffusions et, d'autre part, que le minimum  de 35 % d'oeuvres d'expression originale française soit respecté non seulement sur l'ensemble de la programmation mais également en première partie de soirée.
* La dernière incitation à de la production inédite consiste à permettre aux services diffusant plus de 25% d'oeuvres audiovisuelles, d'intégrer à hauteur de 3% de leurs obligations audiovisuelles des dépenses de production inédite pour des programmes ne répondant pas aux critères de l'oeuvre audiovisuelle (magazines et émissions de plateau).
Ainsi, les trois incitations directes ou indirectes à la production de programmes inédits prévues par le projet de décret n'apparaissent pas comme les leviers les plus pertinents.
Le Conseil préconise pour sa part que le décret lui permette, par voie conventionnelle, de négocier avec les éditeurs un engagement spécifique sur la production inédite d'oeuvres européennes ou d'expression originale française en contrepartie d'une baisse des taux des obligations de production cinématographique et audiovisuelle.
 
2. Production indépendante
La notion de production indépendante est très certainement appelée à évoluer. Ainsi, dans le cadre de la procédure de réexamen de la directive Télévision sans frontières, la Commission européenne s'interroge sur la définition du producteur indépendant, dans le contexte du mouvement actuel de concentration verticale des groupes de communication.
A ce stade, le projet de décret reprend, pour l'essentiel, la définition de l'indépendance liée à l'oeuvre et liée à l'entreprise de production résultant du décret du 9 juillet 2001.
Le Conseil avait émis dans son avis sur le projet de décret du 9 juillet 2001 des réserves quant à la définition relative de l'indépendance de l'entreprise de production qui avait été retenue, considérant qu'une définition absolue de l'indépendance paraissait plus apte à garantir la consolidation d'un secteur de la production indépendant de tous diffuseurs tout en permettant l'indispensable développement de producteurs solides, adossés à des grands groupes dans le cadre d'une intégration verticale assumée.
Le projet de décret permet d'intégrer, dans les obligations de production, des achats de droits dont le caractère "dépendant" ou "indépendant" sera difficile à déterminer, notamment si la vente est conclue avec une entreprise de distribution ou de gestion de droits :
- soit il sera considéré que seules pourront être comptabilisées les oeuvres acquises auprès de producteurs indépendants et que seront ainsi exclues de la contribution à la production indépendante les oeuvres acquises auprès de distributeurs ; dans ce cas, les chaînes "de patrimoine" ne seront pas en mesure de remplir ces obligations et les autres services auront les plus grandes difficultés à atteindre les taux prévus ;
- soit il sera admis que les oeuvres acquises auprès d'un distributeur peuvent être prises en compte au titre de la production indépendante ; dans ce cas, il conviendrait, d'une part, de préciser si cette faculté est applicable même dans l'éventualité où il ne serait que détenteur d'un mandat de commercialisation sans avoir la propriété des droits et, d'autre part, de modifier le texte pour adapter les critères de l'indépendance à ce mode d'acquisition de droits.
Le Conseil considère en conclusion que la transposition mécanique de la définition de la production indépendante, conçue à l'origine pour la production inédite commandée par les éditeurs de  services analogiques nationaux, pose un double problème dès lors qu'elle concerne un régime d'obligations de production qui désormais  :
- d'une part inclut des achats de droits d'oeuvres existantes ;
- et d'autre part s'impose à des éditeurs de services à l'actionnariat beaucoup plus  diversifié.
Il suggère en conséquence :
- que l'obligation relative à la production indépendante soit adaptée pour les simples achats de droits,
- que le critère capitalistique de dépendance du producteur par rapport au diffuseur soit relevé au seuil de la minorité de blocage, soit 33,34 %, le taux de 15 % risquant d'élargir artificiellement le nombre de sociétés de production dépendantes.
 
3. Montée en charge progressive
Les articles 10, 15, 23 et 26 permettent aux conventions et aux cahiers des charges de prévoir une montée en charge progressive des obligations d'investissement dans la production, dans un délai de cinq ans.
Le Conseil estime que la durée prévisible des phases de démarrage et de développement de la télévision numérique de terre justifierait que la montée en charge progressive puisse être organisée dans la convention du service sur une période maximale de sept ans, pouvant inclure un éventuel moratoire de trois ans. Cette montée en charge devrait pouvoir être réévaluée en cours de convention en fonction notamment du taux d'initialisation de la télévision numérique de terre pour les services gratuits et du nombre d'abonnés, tous supports confondus, pour les services payants.
Par ailleurs, ces articles prévoient une "clause de non-recul" du montant des dépenses des services qui seraient diffusés en numérique hertzien après trois ans de conventionnement sur le câble. Cette clause apparaît au Conseil comme de nature à être extrêmement préjudiciable pour les services qui connaîtraient une baisse significative de leur chiffre d'affaires d'une année sur l'autre.
Il conviendrait, pour éviter une excessive rigidité, que le Conseil puisse avoir toute latitude pour déterminer les conditions de la montée en charge en télévision numérique de terre des services issus du câble et du satellite et que cette clause de non recul soit supprimée.
Enfin, pour les services payants, les articles 23 et 26 soumettent la montée en charge progressive à un critère tenant au nombre d'abonnés (2 millions sur l'ensemble des supports dont 0,5 million par voie hertzienne terrestre, pour les chaînes autres que de cinéma ; 1,5 million d'abonnés sur l'ensemble des supports dont 0,5 million par voie hertzienne terrestre, pour les chaînes cinéma).
Le Conseil estime que ce critère est insuffisant pour apprécier les capacités d'investissement dans la production et d'application malaisée, compte tenu du caractère fluctuant du nombre d'abonnés en câble et satellite. Sur ces supports, la notion même d'abonné peut donner lieu à diverses interprétations, compte tenu des différentes formules d'abonnement proposées (inclusion dans l'offre de base ou abonnement spécifique, prise en compte du nombre de foyers ayant souscrit un abonnement ou du nombre de personnes recevant les offres). Le Conseil souhaite donc que ces seuils soient supprimés au niveau réglementaire et que les services puissent bénéficier d'une montée en charge fixée dans la convention en fonction de critères tenant compte du niveau de développement effectif de la télévision numérique de terre. La convention apparaît en effet comme le seul instrument suffisamment souple pour s'adapter, avec la réactivité nécessaire, à des évolutions aujourd'hui difficilement prévisibles.
Si ces seuils devaient néanmoins être maintenus dans le décret, la notion d'abonné devrait en tout état de cause y être définie.
 
4.  Assiette des obligations
L'assiette des obligations de production est définie différemment pour les services en clair et pour les services payants en raison de la nécessité, pour ces derniers, de prévoir les modalités de prise en compte des recettes d'abonnement.
Le Conseil estime, dans un souci de clarification, qu'il serait utile que ces assiettes soient définies dans un article unique et soient harmonisées, notamment en ce qui concerne les déductions.
 
5. Taux des obligations
L'article 32 du projet de décret soumet les chaînes "premium", dès lors qu'elles consacrent plus de 10 % de leur temps de programmation à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles, à l'obligation d'investir au moins 6 % de leurs ressources totales annuelles dans la production audiovisuelle, alors que ce taux s'élève à 4,5 % pour Canal+.
Pour la production cinématographique, l'article 29 (II) définit le niveau des investissements des chaînes "premium" dans les oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française respectivement à 26 % et 22 % du chiffre d'affaires.
Pour Canal+, l'avant-projet de décret propre à cette chaîne prévoit une obligation globale de 25 % des ressources totales annuelles dans le cinéma, 15 % pour les achats de droits d'oeuvres européennes et 11 % pour les achats de droits d'oeuvres d'expression originale française, ces trois taux étant réduits respectivement à 20 %, 12 % et 9 %, dès lors que cette chaîne pré-achète des oeuvres dont le devis de production est inférieur ou égal à un montant déterminé (clause de diversité) et qu'elle garantit un niveau minimum d'investissement par abonné en France.
Le Conseil estime que le régime optionnel prévu pour Canal+ devrait être également possible pour les chaînes "premium" du numérique hertzien.
Par ailleurs, si les différences de taux retenues pour Canal+ et pour les chaînes " premium " numériques s'expliquent par le fait que les obligations ne reposent pas sur la même assiette (chiffre d'affaires "distributeur" pour Canal+, chiffre d'affaires "éditeur" pour les chaînes "premium"), le Conseil s'interroge sur la proportionnalité entre ces différences de taux.
 

B/ Obligations particulières
 
1. Production audiovisuelle
 
a) Cas des chaînes "cinéma"
Aux termes des articles 11 et 32, seront soumis aux obligations de production audiovisuelle les services qui consacreront annuellement plus de 10 % de leur temps de programmation à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles.
Le Conseil estime que ce seuil de 10 % pourrait être relevé, pour les chaînes cinéma et "premium".En effet, pour une diffusion en temps plein et compte tenu des règles relatives au quantum de films, ces services pourront consacrer, au plus, aux oeuvres cinématographiques environ 76 % du temps d'antenne. Elles devront donc consacrer 24 % de ce temps à des programmes autres que cinématographiques, ce qui risque d'amener une grande partie d'entre elles à franchir le seuil de 10 % d'oeuvres audiovisuelles.
L'analyse sur l'année 2000 du volume de diffusion de programmes audiovisuels des principales chaînes cinéma présentes sur le câble montre d'ailleurs que ces services diffusent tous annuellement plus de 10 % de programmes audiovisuels.
Ce seuil de 10 % pourrait ainsi les inciter à restreindre ce volume de diffusion.
 
b) Autres services
Pour ce qui concerne le seuil compris entre 10 et 25%, l'analyse du volume de la programmation consacrée à des oeuvres audiovisuelles par les principaux services du câble montre que, à une exception près, aucun service ne diffuse entre 10 et 25 % de programmes audiovisuels. La plupart diffusent plus de 70 % de programmes audiovisuels. Cette catégorie intermédiaire (entre 10 et 25 % de programmes audiovisuels) pourrait donc être supprimée et un taux unique d'au moins 25 % retenu.  
Par ailleurs, le projet de décret permet aux services diffusant  plus de 25 % de programmes audiovisuels, d'intégrer dans leurs obligations de production, dans la limite de 3 %, des dépenses consacrées à la production de programmes inédits (émissions de plateau ayant un intérêt particulier d'ordre culturel et magazines) à la condition qu'ils soient produits par des producteurs indépendants de l'éditeur de service. Le Conseil serait favorable à ce que la convention permette qu'une partie de la production interne inédite puisse être intégrée, à titre exceptionnel, dans le périmètre des 3 %.
 
2. Production cinématographique
 
a) Définitions
* Les "chaînes cinéma"
L'article 27 du projet de décret encadre strictement les conditions à remplir pour bénéficier du statut de "chaîne cinéma". Ainsi,  ces services doivent faire l'objet d'un abonnement spécifique et leurs recettes publicitaires sont limitées à 25% du chiffre d'affaires.
Le Conseil s'interroge sur la pertinence de ces conditions, qui définissent un modèle économique très contraint, inspiré de celui des chaînes "cinéma" du câble et du satellite.
En effet, les services n'ont pas nécessairement la maîtrise de leurs tarifs d'abonnement, qui résultent d'une négociation avec le distributeur commercial. La fixation d'une part minimale de ressources provenant des abonnements, arrêtée au surplus à 75 %, apparaît ainsi comme une contrainte forte qui pourrait amener certains services à brider leurs recettes publicitaires et compromettre leur équilibre économique.
 
* Les "chaînes premium"
Le II de l'article 29 du projet de décret définit ainsi les chaînes "premium" : "Les éditeurs de services qui, [...] préalablement à la diffusion hertzienne terrestre en clair, diffusent une ou plusieurs oeuvres cinématographiques en première exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance ou plus de dix oeuvres cinématographiques en seconde exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance".
Pour être qualifiée de chaîne "premium", le projet de décret retient ainsi deux critères cumulatifs :
- le premier tient à la diffusion en exclusivité de films (première ou deuxième fenêtre) qui seront ultérieurement diffusés sur les services hertziens en clair. Le Conseil juge ce critère redondant avec la notion de "première exclusivité télévisuelle", également prévue. En tout état de cause, il estime qu'il devrait être fait référence à une "éventuelle" diffusion ultérieure sur les services hertziens en clair, afin de ne pas subordonner le régime juridique d'un service à un événement ultérieur qui peut ne pas être connu au moment où le régime du service est apprécié ;
- le deuxième critère tient à la diffusion d'une ou de plusieurs oeuvres cinématographiques en première exclusivité télévisuelle hors paiement à la séance ou de plus de dix oeuvres cinématographiques en seconde exclusivité télévisuelle. Même s'il ne s'agit que d'une hypothèse d'école, la lecture de cette disposition donne à penser qu'un service pourrait être qualifié de "premium" à partir d'une seule diffusion de film en première exclusivité ; les mots "une ou plusieurs oeuvres cinématographiques" devraient ainsi être remplacés par "des oeuvres cinématographiques".
 
* Les services de paiement à la séance
Le Conseil relève que le projet de décret ne comporte aucune disposition relative aux services de paiement à la séance, ce qui aboutit à exclure l'éventualité que de tels services soient présents en numérique hertzien.
Même si l'économie de ces services en câble et satellite n'a pas aujourd'hui trouvé son équilibre, le Conseil estime que ce type de services doit pouvoir être proposé en numérique hertzien.
 
* La définition de l'entreprise de production indépendante
Le Conseil relève que le Gouvernement a retenu pour les chaînes "premium" (dernier alinéa de l'article 30) une définition de l'entreprise de production indépendante semblable à celle applicable à Canal+ et plus large que celle qui figure, pour l'ensemble des services, à l'article 6 du décret du 9 juillet 2001. En effet, elle permet de qualifier d'indépendantes des sociétés ayant des liens capitalistiques avec l'éditeur, dès lors qu'elles n'assurent pas la production déléguée.
Le Conseil estime que cette définition pourrait être étendue à l'ensemble des chaînes cinéma, à condition qu'elles investissent dans la production inédite, dans un souci d'égalité de traitement.
 
b) Les frais de sauvegarde
Le III de l'article 29 permet de prendre en compte, au titre de la contribution au développement de la production cinématographique, les "frais de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur des oeuvres cinématographiques". Cette disposition devrait également s'appliquer aux services du câble et du satellite, par renvoi à cet article.
Le Conseil relève que le projet de décret limite cette faculté aux oeuvres cinématographiques, alors que la loi vise également les oeuvres audiovisuelles. Il serait ainsi souhaitable que le décret permette au Conseil d'appliquer cette disposition aux oeuvres audiovisuelles en fonction du format du service.
Il considère par ailleurs que la notion de "mise en valeur" est très imprécise et aurait mérité une explicitation.
Il lui semble en outre opportun de permettre la prise en compte des seuls frais relatifs à des oeuvres européennes et d'expression originale française.
Enfin, la prise en compte de ces frais, limitée à 10 % des obligations, est soumise à un plafond plus élevé pour les services "qui diffusent exclusivement des oeuvres cinématographiques au moins trente ans après leur sortie en salles en France". Le Conseil estime que cette définition pourrait être assouplie en remplaçant "exclusivement" par "principalement".
 
c) Exonération d'obligations de production cinématographique
L'article 8 prévoit l'application aux chaînes numériques de certains articles du décret du 9 juillet 2001, et notamment de son article 2, qui exclut des obligations de production cinématographique les "éditeurs de services de télévision qui diffusent annuellement un nombre d'oeuvres cinématographiques de longue durée inférieur ou égal à 52".
Il serait utile que soit précisé si ce seuil s'apprécie en nombre de titres ou en nombre de diffusions et de rediffusions.

IV - OBLIGATIONS DE DIFFUSION
 

A/ Quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles
 
L'article 27 de la loi prévoit que les décrets pris pour son application "pourront prévoir une application progressive en fonction du développement de la télévision numérique de terre".
Cette disposition semble notamment permettre une montée en charge progressive pour le respect des quotas d'oeuvres audiovisuelles, à l'instar de ce qui est prévu pour les chaînes du câble et du satellite.
Toutefois, si l'article 16 autorise une modulation des heures de grande écoute, il ne prévoit pas de montée en charge des quotas, privant ainsi les chaînes d'une souplesse, légalement prévue, qui apparaît indispensable au déploiement de la télévision numérique de terre, aussi bien pour les nouvelles chaînes que pour les chaînes récentes du câble et du satellite qui migreraient vers la télévision numérique de terre.
Le Conseil souhaiterait donc avoir la faculté de fixer, dans les conventions, une montée en charge progressive des quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles, cette montée en charge lui apparaissant comme nécessaire pour favoriser le développement de la télévision numérique de terre.
 

B/ Heures de grande écoute
 
S'agissant des heures de grande écoute, en matière audiovisuelle, elles demeurent fixées à 18 h - 23 h (article 9 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990) ; pour les quotas d'oeuvres cinématographiques, l'article 35 du projet de décret prévoit, pour les chaînes cinéma, un régime spécifique (18 h - 24 h) distinct de celui des autres chaînes (20 h 30 - 22 h 30). Le Conseil s'interroge sur la pertinence de ce choix, auquel aurait pu être substituée une distinction entre chaînes gratuites et chaînes payantes.
Le Conseil considère que les heures de grande écoute potentielle dépendent de la présence effective des téléspectateurs à leur domicile et se situent globalement entre 18 h et 23 h, hors programmes de la mi-journée. Il est donc favorable à une fixation uniforme de ces heures par décret pour tous les services, assortie d'une possibilité d'aménagement conventionnel justifié par la nature de la programmation et les caractéristiques de l'audience du service.
 

C/ Quantum d'oeuvres cinématographiques
 
Le Conseil relève une imprécision à l'article 36 (II) du projet de décret : aux termes de cet article, le plafond de 500 oeuvres cinématographiques est prévu "entre midi et minuit" et la convention peut fixer un maximum pour les heures entre minuit et midi, "dans cette limite", sans qu'il soit précisé si le plafond de 500 films s'applique uniquement entre midi et minuit ou sur 24 heures. Dans un souci de clarification, il propose que soit indiqué, comme à l'article 18 (II 1°) de l'avant-projet de décret "câble et satellite", que le plafond de 500 films s'applique "sur l'ensemble de la programmation".
 

V - SERVICES AUTRES QUE TELEVISUELS
 
L'article 1er du projet de décret fixe son champ d'application, qui couvre les "éditeurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique autres que radiophoniques et que ceux mentionnés au deuxième alinéa du III de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986".
En visant les services "autres que radiophoniques", cet article étend le champ d'application du projet de décret aux "services de communication audiovisuelle autres que télévisuels", prévus au 6° du II de l'article 30-1 de la loi, qui ne seraient pas radiophoniques.
Le Conseil formule, à l'égard de ces services, deux observations, relatives à leur définition et à leur régime juridique.
 

A/ Définition
 
La loi du 30 septembre 1986 distingue clairement les régimes juridiques applicables aux services de télévision, aux services de radiodiffusion sonore et aux services de communication audiovisuelle autres que de télévision et que de radiodiffusion sonore.
Cependant, elle ne donne aucune définition de ces différents services et l'émergence de services comportant des images animées mais reposant sur un mode d'accès proche de la navigation, telle que pratiquée sur le web, remet en cause les frontières communément admises.
Compte tenu de l'importance que revêt la qualification juridique d'un service (qui conditionne son régime juridique et, dans le cas de la télévision numérique de terre, sa recevabilité lors d'un appel aux candidatures), le Conseil estime indispensable que des éléments de définition soient fournis, dans le décret ou dans le rapport au Premier ministre.
 

B/ Régime juridique
 
Seul l'article 4 du projet de décret est applicable à ces services, qu'il soumet aux dispositions du décret du 27 mars 1992 relatives à la publicité, au parrainage et au télé-achat. Le Conseil se félicite du principe d'un encadrement de ces activités sur les services autres que télévisuels.
Le projet de décret exclut, pour ces services, l'application de divers articles du décret du 27 mars 1992, et notamment son article 9, prohibant la publicité clandestine.
Le Conseil estime pour sa part qu'il aurait été préférable, comme le Gouvernement l'a prévu pour les services de communication en ligne, dans le projet de loi sur la société de l'information, de poser le principe selon lequel les messages publicitaires diffusés sur ces services doivent être présentés comme tels et, en conséquence de ce principe, de prohiber la publicité clandestine, en rendant l'article 9 du décret du 27 mars 1992 applicable à ces services.
Il relève par ailleurs que le projet de décret rend inapplicables à ces services les II, III et IV de l'article 18 du décret du 27 mars 1992, tout en les soumettant au I de cet article. Il en résulte que le parrainage est autorisé, mais sans être aucunement encadré, ce qui risque d'entraîner une confusion entre publicité et parrainage.