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Texte juridique

Avis du 27 mai 2003 sur le projet de loi sur les communications électroniques

Publié le

A la suite de l'adoption, en 2002, par le Conseil des ministres de l'Union européenne et le Parlement européen, de six directives et d'une décision relatives au cadre réglementaire applicable aux "communications électroniques" (le "paquet télécom"), le gouvernement a élaboré un projet de loi sur les communications électroniques, sur lequel le ministre de la culture et de la communication a sollicité l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
 
L'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur ce projet s'articule en huit parties, qui pour l'essentiel suivent l'ordre du texte :
 
I. Les modifications apportées au code des postes et télécommunications
II. Le champ de compétence du CSA
III. Les autorisations hertziennes terrestres
IV. Le statut de TDF
V. Les services de radio et de télévision autres que hertziens terrestres
VI. Les distributeurs de services
VII. Le dispositif anticoncentration
VIII. L'exercice de la régulation

I - LES MODIFICATIONS APPORTEES AU CODE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS
 
Les modifications apportées au code des postes et télécommunications ont trait, en premier lieu, aux réseaux de communications électroniques, qu'ils soient filaires ou hertziens, désormais régis essentiellement par ce code. Le CSA approuve l'unification des régimes juridiques relatifs à l'établissement des réseaux de télécommunications et des réseaux câblés, prévue par l'article L33-1 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction résultant de l'article 9 du projet de loi.
Il estime que les dispositions transitoires du projet de loi pourraient utilement fixer un délai approprié pour la mise en conformité des actuelles conventions conclues par les câblo-opérateurs avec les collectivités locales. Une mesure spécifique serait également utile pour les conventions portant délégation de service public afin de permettre leur résiliation ou leur adaptation, à l'initiative de la collectivité locale concédante, hors des cas conventionnels prévus pour faute.
Le CSA note également avec satisfaction que demeure maintenue sa compétence pour attribuer et gérer les fréquences hertziennes audiovisuelles, élément indissociable de la régulation des contenus.
Le projet de loi comporte également des dispositions relatives aux services de communications électroniques, qui ne concernent pas le CSA.
Enfin, il étend les pouvoirs de l'Autorité de régulation des télécommunications sur différents points. Le CSA appelle l'attention du gouvernement sur l'intérêt qui s'attache à ce que les compétences reconnues à l'ART à l'égard des opérateurs de réseaux ou de services de communications électroniques ne s'étendent pas aux éditeurs et aux distributeurs commerciaux de services de radio ou de télévision, qui relèvent de la compétence du CSA.
A cet égard, il serait souhaitable que les marchés pertinents que l'ART devra déterminer (article L.37-1 du code introduit par l'article 28) ne portent pas sur l'ensemble du secteur des communications électroniques mais seulement sur les réseaux et services de communications électroniques, ce qui permet d'exclure l'édition et la distribution commerciale de services de radio et de télévision. De même, l'article L.36-11 du code (modifié par l'article 26 du projet de loi), relatif au pouvoir de sanction de l'ART, devrait viser les infractions "aux prescriptions d'une décision d'attribution prise par l'Autorité de régulation des télécommunications (1) en application de l'article L.34-10 ou de l'article L.88-1 ou de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication", afin de n'être pas susceptible de s'appliquer aux décisions d'attribution de fréquences prises par le CSA.
Par ailleurs, dès lors que l'ART et le ministre chargé des télécommunications seront amenés à prendre, sur le fondement des articles L.32-1, L.33-4 ou L.34-8-1 du code des postes et télécommunications, des décisions à l'égard d'opérateurs de réseaux utilisés pour la diffusion de services de radio et de télévision et de réseaux câblés de télédistribution, il serait souhaitable que ces décisions soient prises après avis du CSA. L'article L.36-11 du code des postes et télécommunications pourrait également prévoir l'avis du CSA dans le cadre du règlement des litiges relevant de la compétence de l'ART, lorsque les faits à l'origine du différend sont susceptibles de restreindre l'offre de services de communication audiovisuelle, à l'instar de ce que prévoit l'article 50 du projet de loi (consultation de l'ART par le CSA dans le cadre du règlement des litiges relevant de sa compétence).
Dès lors également que l'avis du CSA sera requis dans certains cas précisés par décret pour la définition des marchés pertinents (article L.37-1 du code), cet avis pourrait également l'être à certaines conditions pour l'établissement de la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et pour la fixation de leurs obligations (article L.37-2 du code). La loi pourrait en outre prévoir la possibilité d'un avis conforme du CSA, lorsque les mesures envisagées sont susceptibles de porter atteinte à l'un des principes mentionnés aux articles 1er et 4 (tel que modifié) de la loi du 30 septembre 1986.
 

II - LE CHAMP DE COMPETENCE DU CSA

Les modifications apportées par les articles 39 et 43 du projet de loi complètent les dispositions du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique relatives à la définition des services de communication publique en ligne comme sous-ensemble des services de communication audiovisuelle. Elles précisent le champ de la régulation exercée par le CSA sur le sous-ensemble des services de communication audiovisuelle constitué par les services de radio et de télévision.
Par ailleurs, les services de radio et de télévision qui sont accessibles via des réseaux de communications électroniques autres que la voie hertzienne terrestre seront soumis à un régime identique, quel que soit le support emprunté. Le CSA se félicite de cette identité de régime, lequel couvrira désormais, outre les services de radio et de télévision du câble et du satellite, ceux qui seront accessibles par tous les autres réseaux de communications électroniques, qu'ils soient hertziens ou filaires.
Les observation du CSA sur ce nouveau cadre portent sur la nécessaire définition des services de radio et de télévision et sur la régulation des services de radio et de télévision à contenus partiellement interactifs.
 

- La définition des services de radio et de télévision
Le Conseil avait exprimé à plusieurs reprises le souhait que le législateur donne une définition des services de radio et de télévision. Cette demande est réitérée au regard de cette redéfinition de la compétence du Conseil, afin de lui apporter une plus grande clarté et de garantir une sécurité juridique à tous les acteurs concernés par l'extension de cette régulation aux nouveaux réseaux.
Il estime en outre souhaitable que le terme de "radio", utilisé dans plusieurs directives du "paquet télécom", soit substitué à l'expression " radiodiffusion sonore ", qui est source de confusion en ce qu'elle se réfère à un mode de diffusion.
La définition suivante pourrait compléter l'article 2 de la loi de 1986 :
"Est nécessairement considéré comme un service de télévision tout service de communication audiovisuelle accessible en temps réel et de manière simultanée pour l'ensemble du public ou d'une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons, à l'exception des images consistant essentiellement en des lettres, des chiffres ou des images fixes.
"Est nécessairement considéré comme un service de radio tout service de communication audiovisuelle accessible en temps réel et de manière simultanée pour l'ensemble du public ou d'une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des sons."
A défaut de définition législative, les acteurs concernés pourraient sérieusement être handicapés par l'incertitude juridique qui affecterait  la régulation de leur activité et qui ne pourrait trouver une issue lointaine que dans le règlement d'un éventuel contentieux contre une décision du CSA.
 

- La régulation des services de radio et de télévision à contenus partiellement interactifs
Dès lors que ses compétences sont recentrées sur les seuls services de radio et de télévision, le CSA appelle l'attention du gouvernement sur les disparités de traitement qui risquent de survenir entre des services aux contenus très proches. Ainsi, un même site web pourrait, pour une partie de son contenu, recevoir la qualification de service de radio ou de télévision et donc se trouver soumis à régulation, alors que le reste du site, au contenu très proche, demeurerait en dehors de ce champ.
En outre, le développement de l'interactivité entraîne l'apparition d'un nombre croissant de services proposant des contenus identiques à ceux des services de radio ou de télévision mais dont le mode d'accès s'éloigne pour partie de la diffusion simultanée en dehors de toute demande individuelle. Il importe que de tels contenus n'échappent pas à toute régulation.
En conséquence, afin d'éviter des disparités de traitement, génératrices de comportements de contournement, il serait souhaitable que le nouveau cadre juridique soit également applicable aux contenus interactifs des services de radio et de télévision.
Compte tenu de l'évolution prévisible vers une diversification croissante des services de communication audiovisuelle, dans leur forme et leur mode d'accès, il apparaît indispensable que le CSA puisse exercer cette régulation avec souplesse, en procédant au cas par cas à la qualification des services, sous le contrôle du Conseil d'Etat.
 Le premier alinéa de l'article 33 de la loi de 1986 pourrait ainsi être complété par les mots suivants : "ainsi que pour les services de même nature comportant une part de contenus interactifs, dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel estimerait que ces services sont assimilables à des services de radio ou de télévision".
Ces contenus interactifs devraient en outre, de même que les "données associées" au service, pouvoir être couverts par la convention conclue avec le CSA sur le fondement de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986.

III - LES AUTORISATIONS HERTZIENNES TERRESTRES
 

- Les appels aux candidatures
Le CSA approuve l'ensemble des dispositions prévues pour réduire les délais d'instruction des appels aux candidatures et améliorer les procédures d'instruction :
- lancement des appels en radio sur des fréquences prédéterminées (article 29 de la loi de 1986 modifié par l'article 59 du projet),
- implication des comités techniques radiophoniques dans les télévisions locales (article 29-1 de la loi de 1986 modifié par l'article 60 du projet),
- inscription dans la loi de la phase de recevabilité en télévision (articles 30 et 30-1 de la loi de 1986 modifiés par les articles 61 et 62 du projet),
- inscription dans la loi du délai de 8 mois pour l'instruction (article 31 de la loi de 1986 introduit par l'article 66 du projet),
- possibilité pour le CSA, en radio, de motiver les rejets par référence à un document de synthèse (article 32 de la loi de 1986 modifié par l'article 67 du projet),
- délai donné aux conseils régionaux d'outre-mer pour délivrer un avis (article L.4433-30 du code général des collectivités territoriales modifié par l'article 102 du projet).
Il formule néanmoins trois propositions sur ces articles.
La première porte sur l'article 29 : dès lors que les appels aux candidatures en radio porteront sur des fréquences prédéterminées, il serait utile de mentionner, au quatrième alinéa de cet article, que le dossier de candidatures doit préciser quelle fréquence le candidat souhaite utiliser.
La deuxième porte sur l'article 31 : la directive "autorisation" du paquet télécom prend comme point de départ du délai d'instruction "la réception de la demande complète par l'autorité réglementaire nationale". Or, le CSA estime qu'une demande ne peut être considérée comme complète qu'après avoir été déclarée recevable par le Conseil.
Il est donc souhaitable de prendre comme point de départ du délai de huit mois la date de l'assemblée plénière ayant arrêté cette liste.
L'article 31 serait ainsi rédigé :
"Les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique et d'assignation de celle-ci prise en application des articles 29, 30, 30-1, 30-2 et 33-2 sont délivrées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans un délai qui ne peut être supérieur à huit mois à compter de la date de la décision arrêtant la liste des candidats admis à concourir."
La troisième proposition porte sur l'article 32 : le CSA souhaite que la faculté de motiver une décision de rejet par référence à un document de synthèse soit également ouverte en télévision.
 

- La personne morale titulaire
Tant en radio qu'en télévision, l'expérience prouve que les structures économiques et juridiques des sociétés ne sont pas toujours finalisées lors du dépôt du dossier de candidatures. Afin de donner plus de souplesse et de ne pas figer des situations inadaptées, pourrait être intégrée une disposition précisant que l'autorisation doit en principe être délivrée à la personne morale candidate mais peut également, dans le cas d'une société candidate, être délivrée à la société qui contrôle ou qui est contrôlée par la société candidate, le contrôle étant apprécié au regard des critères figurant à l'article L.233-3 du code de commerce. Afin de couvrir tous les types de services, cette disposition pourrait être introduite à l'article 32 de la loi de 1986.
Par ailleurs, si le CSA se félicite de la souplesse apportée à l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 (article 83 du projet), qui lui permettra d'autoriser des changements de catégories en radio, il estime qu'il devrait également pouvoir autoriser des changements de personne morale internes à un groupe, ce qui donnerait plus de souplesse sans remettre en cause les équilibres entre les groupes.
L'article 42-3 pourrait donc être ainsi rédigé :
"L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement.
"Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut donner son agrément à un changement du titulaire d'autorisation, lorsque ce changement bénéficie à la personne morale qui contrôle ou qui est contrôlée par le titulaire initial de l'autorisation, au regard des critères figurant à l'article L233-3 du code de commerce.
"Pour les services visés à l'article 29, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut autoriser un changement de catégorie, dans le respect des critères mentionnés à l'article 29 et notamment celui du juste (2) équilibre entre les réseaux nationaux et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants.
"La possibilité ouverte à l'alinéa précédent n'est pas applicable aux services visés à l'article 80 et aux services locaux, régionaux et thématiques indépendants."
 

- Les services radiophoniques
Compte tenu de la faculté offerte au CSA d'agréer des changements de catégories radiophoniques, il estime que le 5° du I de l'article 28-1 de la loi de 1986 devrait être ainsi rédigé : "5° pour les services de radio, si le service ne remplit plus les critères propres à la catégorie pour laquelle il est autorisé".
Toujours en radio, le CSA estime qu'il serait souhaitable que les articles 41 et 41-3 (4°) de la loi du 30 septembre 1986 soient complétés afin que soit exclue du champ des réseaux radiophoniques la fourniture de programmes non identifiés à l'antenne.
 

- Les auditions publiques de télévisions locales
Compte tenu de la multiplicité des appels aux candidatures que le CSA sera amené à lancer prochainement pour des télévisions locales tant en analogique qu'en numérique et de l'intérêt qui s'attacherait à organiser sur place certaines des auditions publiques, notamment outre-mer, le CSA estime que le quorum de six membres présents sur neuf, prévu à l'article 4 de la loi de 1986, pourrait être levé pour les auditions publiques organisées en vue de la délivrance de telles autorisations et que, le cas échéant, le CSA devrait pouvoir déléguer la tenue de ces auditions aux comités techniques radiophoniques, dont les compétences sont étendues aux télévisions locales.
 

- L'intervention des collectivités locales
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel note que les articles 61 et 62 du projet de loi, modifiant les articles 30 et 30-1 de la loi de 1986, prévoient expressément la faculté, pour une société d'économie mixte locale, d'éditer un service de télévision, tant en mode analogique qu'en mode numérique, et que l'article 101 du projet de loi, modifiant le code général des collectivités territoriales, autorise les collectivités territoriales ou leurs groupements à éditer directement ou indirectement un service de télévision diffusé sur un réseau autre que satellitaire.
S'agissant de l'article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, introduit par l'article 101 du projet de loi, le CSA estime qu'il conviendrait de mieux distinguer le cadre juridique des canaux locaux du câble de celui des télévisions hertziennes publiques locales.
En effet, pour ces dernières, l'édition directe d'un service par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales n'apparaît pas souhaitable et n'est d'ailleurs pas prévu aux articles 30 et 30-1 de la loi de 1986. Une mise en cohérence des deux textes apparaît donc utile sur ce point. En outre, pour ces services, il semble utile de préciser que l'intervention de la collectivité est subordonnée au constat d'une carence de l'initiative privée et que la zone de couverture du service doit correspondre aux limites territoriales de la collectivité.
Par ailleurs, le CSA estime, tant pour les canaux locaux du câble que pour les télévisions hertziennes publiques locales, que l'édition du service par une personne morale distincte doit donner lieu à la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens, propre à définir les obligations du service et à garantir durablement son financement.
L'article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales pourrait donc être ainsi rédigé :

"Dans le respect des dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, directement ou indirectement, éditer un service de télévision consacré principalement à la vie locale sur un réseau mentionné à l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications autre que satellitaire. Ils peuvent également, en cas de carence de l'initiative privée, faire éditer ou participer à l'édition d'un service de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre sur le territoire sur lequel ils sont compétents, consacré principalement à la vie locale.
"Lorsque l'édition d'un service de télévision créé dans le cadre prévu au présent article est confiée à une personne morale, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales concluent avec cette personne un contrat d'objectifs et de moyens définissant des missions de service public et leurs conditions de mise en oeuvre, pour une durée comprise entre trois et cinq années civiles."
Le CSA relève par ailleurs une difficulté purement formelle : l'article 101 du projet de loi introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L.1425-1, alors que le projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, a retenu le même numéro d'article pour une autre disposition.
Enfin, le CSA estime que la participation directe ou indirecte des collectivités locales à l'édition de chaînes locales ne devrait pas constituer leur seul mode d'intervention possible et que le code général des collectivités territoriales devrait également les autoriser expressément à contribuer au financement de chaînes locales privées, dans des limites compatibles avec la préservation de l'indépendance du service.
 

- Les conséquences du "simulcast" sur la durée des autorisations analogiques des télévisions
Le CSA estime que le législateur pourrait saisir l'opportunité de ce projet de loi pour clarifier la rédaction de l'article 82 de la loi du 1er août 2000, qui prévoit la prorogation de cinq ans des autorisations délivrées en analogique à tout service de télévision qui "fait l'objet, dans la zone considérée, d'une reprise intégrale et simultanée en mode numérique lors des premières autorisations d'usage de ressources radioélectriques délivrées en application de l'article 30-1".
La question se pose en effet des modalités pratiques d'application de cette disposition et notamment de la date à laquelle elle doit emporter des conséquences ainsi que des constats préalables qu'elle suppose, en particulier sur l'étendue de la zone de diffusion effective pour les services nationaux, dont la couverture territoriale sera étalée dans le temps.
La rédaction suivante pourrait être retenue : "Pour tout service de télévision autorisé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, qui a déjà bénéficié d'une autorisation de reconduction hors appel aux candidatures sur la base de l'article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et qui bénéficie d'une autorisation en vue de sa reprise intégrale et simultanée en mode numérique, pour une couverture à terme correspondant au caractère national ou local du service, délivrée à l'issue du premier appel aux candidatures concernant cette zone de couverture, en application de l'article 30-1 de la même loi, le terme de l'autorisation délivrée en application de l'article 28-1 est prorogé de cinq ans, dans les conditions fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Dans l'hypothèse où la reprise du service en numérique ne serait pas effective à la date prévue par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le bénéfice de la présente disposition serait annulé. L'autorisation serait néanmoins prorogée jusqu'à l'issue de l'appel aux candidatures qui serait lancé pour l'usage des fréquences analogiques jusqu'alors utilisées par ce service".
 

- Les services autres que de radio et de télévision
Le CSA note avec satisfaction que le projet de loi lui permettra d'autoriser en hertzien, sur les fréquences qui lui sont attribuées, des services de communications électroniques (article 23 de la loi de 1986, modifié par l'article 54 du projet) et des services de communication audiovisuelle autres que de radio ou de télévision (article 30-5 de la loi de 1986, modifié par l'article 65).
S'agissant de ces derniers, le CSA estime que le projet de loi devrait être complété afin que l'instance de régulation dispose à leur égard du pouvoir de sanctionner d'éventuels manquements à des obligations législatives ou réglementaires (articles 42 et 42-1 de la loi de 1986) et de la faculté de leur adresser des recommandations (article 4 de la loi de 1986, modifié par l'article 43 du projet de loi).

IV - LE STATUT DE TDF

Le projet de loi met fin au monopole de TDF pour la diffusion des chaînes publiques en mode analogique et supprime toute référence à cette société dans la loi.
L'article 98 du projet prévoit ainsi la suppression, à compter du 1er janvier 2004, de l'article 100 de la loi de 1986 concernant l'emploi par le CSA de personnels de TDF mis à sa disposition.
Sur cette question, le CSA s'interroge sur l'articulation entre l'entrée en vigueur de cette disposition et le calendrier de la préparation du projet de loi de finances pour 2004. Il appelle l'attention du gouvernement sur la nécessité de mettre en place les solutions appropriées pour que ce changement de situation, qui concerne 46 agents, ne nuise pas à la continuité de l'exercice de ses missions.
Enfin, le CSA s'interroge sur les conditions d'application de la future loi aux contrats en cours entre TDF et les sociétés nationales de programmes.

V - LES SERVICES DE RADIO ET DE TELEVISION AUTRES QUE HERTZIENS TERRESTRES
 

- Le régime conventionnel
Le projet de loi prévoit un régime conventionnel pour les services de radio et de télévision accessibles via des réseaux de communications électroniques autres que la voie hertzienne terrestre, à l'exception de ceux soumis à simple régime déclaratif.
Le CSA estime que l'absence de critères explicites pour accepter ou refuser de conventionner un service est source d'insécurité juridique. Il souhaite donc que de tels critères, qui devraient être liés aux principes visés à l'article 1er de la loi, figurent à l'article 33-1 de la loi de 1986.
Le premier alinéa de cet article pourrait être ainsi complété : "Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut refuser d'accorder une telle convention lorsqu'il estime que le projet risque de porter atteinte à l'un des principes rappelés à l'article 1er de la présente loi ou apparaît incompatible avec le respect des obligations législatives ou réglementaires applicables au service."
 

- Le régime déclaratif
Les services  dont  le  chiffre  d'affaires  net  annuel  est inférieur à 75 000 € en radio et à 150 000 € en télévision seront soumis à un simple régime déclaratif (article 43 de la loi de 1986 modifié par l'article 86 du projet).
Un tel régime déclaratif pour les services de faible envergure peut sembler approprié, notamment pour les services accessibles par internet. Trois difficultés doivent toutefois être signalées :
- pour éviter les abus, il conviendrait que les services bénéficiant du régime déclaratif justifient régulièrement auprès du CSA (par exemple chaque année) que leur chiffre d'affaires n'a pas atteint le seuil au-delà duquel ils doivent être conventionnés ; lorsque l'édition du service ne constitue qu'une des activités de l'éditeur, le CSA devrait pouvoir solliciter des informations sur les recettes générées par le service ;
- il serait souhaitable qu'ils soient tenus de justifier auprès du CSA, à sa demande, du respect de leurs obligations législatives et réglementaires ;
- les services locaux du câble devraient, en grande partie, se trouver en-dessous du seuil et donc échapper à l'obligation de conventionnement ; or, ces services, qui ont le monopole de l'information locale sur le câble, ont souvent des liens très étroits avec les communes ou groupements de communes et leurs conventions comportent, à ce titre, des obligations renforcées en termes de pluralisme, qui disparaîtraient avec le régime déclaratif ; en outre, le critère du chiffre d'affaires créerait, parmi les canaux locaux du câble, une dualité de régimes pour des services ayant de fortes similitudes ; le CSA souhaite donc que les services locaux distribués sur des réseaux filaires demeurent, en tout état de cause, soumis à conventionnement.
 

- Les assouplissements nécessaires
Pour les nouveaux services en ligne, les incertitudes actuelles relatives aux innovations futures en matière de technologies et  de contenus de services doivent conduire le législateur à privilégier une approche souple et évolutive de la régulation.
L'évolution prévisible s'oriente ainsi vers le développement de services d'une grande diversité, dont certains ne visent qu'un public très ciblé, qui s'éloignent du modèle hertzien. La neutralité technologique commande que le législateur abandonne la fixation de cadres juridiques déterminés en fonction du support au profit d'une approche tenant compte de l'impact sur le public.
L'autorité de régulation devrait pouvoir tout à la fois  procéder à la qualification éventuelle de chaque nouveau service susceptible de répondre aux  critères  de la définition des services de radio et de télévision et prendre en compte son impact en termes de chiffre d'affaires et d'audience.
Dès lors que le champ d'application de l'actuel décret "câble et satellite" se trouvera étendu par l'article 68 du projet de loi aux services de radio et de télévision empruntant d'autres supports (accès via internet, notamment), y compris à ceux soumis au régime déclaratif, le CSA estime que les obligations qu'il contient devraient pouvoir être modulées, en fonction notamment du chiffre d'affaires.
Il serait en effet paradoxal que les services régis par un simple régime déclaratif, en raison de la faiblesse de leur chiffre d'affaires, soient néanmoins soumis à l'ensemble des obligations réglementaires prévues à l'égard des services conventionnés.
Le CSA estime qu'un régime allégé devrait également être prévu en faveur des services destinés exclusivement à l'international (hors Communauté européenne et Etats parties à la Convention européenne sur la télévision transfrontière). Pour lever les entraves au développement de ces services, le Conseil estime en effet qu'ils devraient impérativement être dispensés du respect d'un certain nombre d'obligations concernant notamment les secteurs interdits de publicité et la grille de diffusion des oeuvres cinématographiques.
Les allégements ainsi proposés pourraient se traduire par l'ajout, à l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, de deux alinéas ainsi rédigés :
"Il [le décret] peut également prévoir des dérogations aux dispositions des 3° à 10°, ainsi qu'aux dispositions de l'article 70 de la présente loi, pour les services exclusivement destinés à être diffusés en dehors du territoire national, sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France.
"Il peut enfin permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel, par voie conventionnelle, de prévoir des dérogations à l'ensemble de ses dispositions, pour les services de radio et de télévision dont le chiffre d'affaires est inférieur aux seuils mentionnés à l'article 43."
 

- La séparation juridique et comptable des services conventionnés
Le CSA appelle l'attention du gouvernement sur les difficultés à établir l'assiette des obligations de production et le plafond des sanctions pécuniaires, lorsque plusieurs services sont édités par une même société ; afin de régler cette difficulté, il serait souhaitable que la loi prévoie qu'une même personne morale ne peut éditer qu'un seul service de télévision conventionné.
De même, lorsqu'une même société exerce simultanément des activités d'édition et de distribution d'un service de télévision conventionné, il importe que ces deux activités fassent l'objet d'une séparation juridique et comptable, afin que les chiffres d'affaires de chaque activité soient clairement identifiés.
Les dispositions transitoires devraient par ailleurs prévoir un délai approprié de mise en conformité pour les conventions en cours.
 

VI - LES DISTRIBUTEURS DE SERVICES
 

- Le multiplexage et la distribution commerciale de la TNT
L'article 63 du projet de loi modifie utilement le IV de l'article 30-2 de la loi de 1986, relatif aux distributeurs commerciaux de la TNT, sur deux points :
- il prévoit que les modifications des éléments transmis lors de la déclaration (éléments qui seront fixés par décret) seront notifiées au CSA ;
- il exclut les distributeurs commerciaux du dispositif anticoncentration multimédia, dont sont également exclus, à juste titre, les opérateurs de multiplex (articles 79 et 80 du projet de loi).
Il serait souhaitable que cet article 63 prévoie également un dispositif approprié pour l'exploitation du multiplex en cas d'arrivée ultérieure d'un nouvel éditeur sur ce multiplex ; ainsi, l'article 30-2 de la loi de 1986 pourrait être complété par un VII ainsi rédigé : "L'autorisation délivrée à la société chargée de faire assurer les opérations techniques nécessaires à la transmission et à la diffusion auprès du public des programmes n'est pas remise en cause par l'octroi du droit d'usage de la ressource radioélectrique à un nouvel éditeur. En cas de litige sur les conditions contractuelles que cette société propose à un nouvel éditeur ou dans l'hypothèse où un nouvel éditeur souhaite voir désigner une nouvelle société, le CSA est saisi du litige, dans les conditions prévues à l'article 17-1".
 

- Le régime déclaratif pour la distribution par des moyens autres que hertziens terrestres
S'agissant des distributeurs commerciaux sur des réseaux autres que hertziens terrestres, le CSA est favorable au régime déclaratif prévu (article 34 de la loi de 1986, modifié par l'article 72 du projet), qui allégera les obligations des câblo-opérateurs. Cette déclaration devra nécessairement être effectuée pour chaque zone géographique faisant l'objet d'une offre commerciale distincte, afin de permettre au CSA d'apprécier la conformité de chaque offre avec les obligations législatives et réglementaires.
Une clarification rédactionnelle serait par ailleurs souhaitable ; en effet, alors que l'exposé des motifs indique que ce régime déclaratif a vocation à s'appliquer aussi bien aux câblo-opérateurs qu'aux opérateurs de bouquets satellitaires, la rédaction retenue vise les réseaux mentionnés à l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. Or, les réseaux satellitaires utilisant des fréquences ne relevant pas de la compétence de la France ne seront pas soumis aux dispositions de l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. Il serait donc souhaitable de mentionner les "réseaux de communications électroniques autres que ceux mentionnés au 2° de l'article L.33 du code des postes et télécommunications", de manière à couvrir tous les réseaux, à la seule exception des réseaux hertziens relevant de la compétence du CSA.
Le CSA observe par ailleurs que ce régime ne devrait pas s'appliquer aux fournisseurs d'accès à internet qui ne nouent pas de relations contractuelles avec des éditeurs de services de radio ou de télévision et n'entrent pas, à ce titre, dans la définition du distributeur de services prévue à l'article 2-1 de la loi de 1986.
Il ne devrait pas davantage s'appliquer aux opérateurs techniques exploitant des réseaux satellitaires. Toutefois, le CSA relève qu'il est actuellement dépourvu de tout pouvoir à l'égard de ces opérateurs.
Or, les critères de compétence prévus par la directive Télévision sans frontières et repris aux articles 43-2 à 43-6 de la loi de 1986 ont pour conséquence de rendre le CSA compétent sur l'ensemble des chaînes extra-communautaires diffusées sur une capacité satellitaire relevant de la France. Il est donc essentiel, même si le CSA souhaite la révision de ces critères de compétence, qui aboutissent à charger deux Etats (la France et le Luxembourg, respectivement compétentes au titre d'Eutelsat et d'Astra) du contrôle de l'ensemble des chaînes extra-communautaires reçues sur le territoire de la Communauté européenne, que le CSA soit en mesure de contrôler l'offre de services satellitaires.
Il importe donc que le CSA puisse, d'une part, solliciter de ces opérateurs les éléments permettant l'identification, en vue de leur conventionnement, des services diffusés par un satellite relevant de la compétence française et non inclus dans un bouquet commercial et, d'autre part, imposer le retrait d'un service qui ne serait ni conventionné ni déclaré.
Le CSA considère en outre que l'activité de distributeur commercial devrait être ouverte à d'autres personnes morales que celles mentionnées, et notamment aux établissements publics (cas de l'Office public des postes et télécommunications, établissement public qui commercialise un bouquet satellitaire en Polynésie française).
Par ailleurs, une séparation comptable entre les activités relevant de l'exploitation technique de réseau et de la distribution commerciale de services audiovisuels serait nécessaire. En effet, cette séparation serait de nature à donner une meilleure lisibilité sur la situation économique de la distribution de services audiovisuels. En outre, elle permettrait d'identifier le chiffre d'affaires propre à l'activité de distribution audiovisuelle, laquelle est susceptible de donner lieu au prononcé de sanctions pécuniaires dont le plafond est déterminé en pourcentage du chiffre d'affaires.
Enfin, il importe que les contrats conclus entre éditeurs et distributeurs de services ne puissent être en contradiction avec les obligations conventionnelles des éditeurs. Une disposition expresse pourrait ainsi utilement prévoir la nullité de toute clause de nature à faire obstacle au respect par les éditeurs de leurs obligations conventionnelles.
 

- L'obligation de reprise de certains services
Pour ce qui concerne l'obligation de reprise de certains services, le CSA relève que le dispositif retenu (articles 34-1 et 34-2 de la loi de 1986, modifiés par les articles 73 et 74 du projet de loi) maintient une importante disparité entre opérateurs, selon que les réseaux sont filaires ou satellitaires, de nature à fausser la concurrence entre les deux types de réseaux.
Le Conseil recommande pour sa part que les réseaux filaires et satellitaires soient soumis à un régime identique, en vertu du principe de neutralité technologique et en raison de la similitude du nombre de foyers atteint par chacun des supports ; une même obligation de reprise devrait donc peser sur ces deux types de réseaux, à l'exception des chaînes locales, dont l'obligation de reprise doit être réservée aux réseaux filaires.
Il estime également que les éditeurs qui bénéficient d'un droit d'usage de fréquences hertziennes, ressource publique rare, ne devraient pas pouvoir s'opposer à leur reprise par un distributeur, notamment afin de couvrir les zones d'ombre. Le CSA considère donc que l'obligation de reprise devrait porter, pour l'ensemble des réseaux, sur toutes les chaînes hertziennes terrestres en clair normalement reçues dans la majeure partie de la zone desservie, sans que les éditeurs puissent s'y opposer.
Dès lors que le must carry du câble serait limité aux services hertziens en clair, l'accès d'un service de télévision qui s'autodistribue, comme Canal+, aux réseaux régis par l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications devrait par ailleurs être entouré de garanties.
Le CSA considère en outre que la notion, retenue pour les réseaux filaires, de nombre "significatif" de téléspectateurs utilisant le réseau comme moyen principal d'accès à la télévision sera délicate et constituera une source d'insécurité juridique ; elle pourrait par ailleurs conduire à écarter du champ d'application de cette obligation les réseaux câblés ayant un faible taux de pénétration, alors même que ces réseaux constitueraient, pour leurs abonnés, l'unique moyen d'accès à la télévision. Cette situation serait d'autant plus dommageable qu'elle pourrait priver les téléspectateurs concernés de l'accès au canal local du câble.
A cet égard, le Conseil supérieur de l'audiovisuel rappelle que le "paquet télécom", qui retient la notion de "nombre significatif" pour le service universel, n'est pas applicable à la distribution commerciale des services audiovisuels, pour laquelle le législateur conserve toute latitude. Il estime que pourrait être retenu en la matière le principe de la soumission à l'obligation prévue à l'article 34-1 de la loi de 1986, tel qu'il résulte de l'article 73 du projet de loi, de tous les réseaux "utilisés comme un mode principal de réception de la télévision" et que devrait, en conséquence, être supprimé le dernier alinéa de cet article.
Le CSA regrette enfin que le projet de loi ne précise pas à qui incombe la charge du coût de transport sur les réseaux filaires.
 

- La protection des consommateurs
Le CSA estime souhaitable que soient mieux encadrées les sollicitations commerciales adressées via les services de télévision ou de radio ou via d'autres services de communication audiovisuelle (services interactifs des plates-formes satellitaires, notamment) directement associés à un service de télévision ou de radio.
En effet, les éditeurs de services de communication audiovisuelle développent de plus en plus de services de télécommunications (services de téléphone surtaxés, notamment) directement liés au programme. Ces pratiques soulèvent de réels problèmes de protection du consommateur, en raison du coût élevé de ces services et de leur attractivité pour les enfants ou adolescents. Ces difficultés sont accrues lorsque sont offertes des possibilités d'accès à des services payants directement par la télécommande, ce qui comporte des risques particuliers pour des téléspectateurs non avertis.
Si le CSA est en mesure de limiter ces pratiques sur les services de radio et de télévision, par voie conventionnelle ou de recommandation, ses pouvoirs sont néanmoins réduits. En outre, il est dépourvu de tout moyen d'action à l'égard des services de communication audiovisuelle autres que de radio et de télévision et le rétablissement de l'obligation faite à ces services de présenter comme tels les messages publicitaires, ce qui inclut au moins pour partie les incitations faites à utiliser des services de communications électroniques payants, ne saurait suffire à prémunir les consommateurs contre les abus auxquels ces sollicitations peuvent donner lieu.

VII - LE DISPOSITIF ANTICONCENTRATION
 

- Observations générales
 D'une manière générale, la fixation par voie législative, donc durable, de seuils anticoncentration exprimés en valeur absolue apparaît délicate, l'évolution économique risquant de rendre ces seuils rapidement inadaptés aux nouvelles structurations du secteur. Le dispositif de la loi de 1986 en offre de multiples exemples.
Il conviendrait donc, quand c'est possible, de substituer aux seuils exprimés en valeur absolue des seuils en valeur relative s'adaptant plus souplement au développement des populations desservies (audience potentielle) ou aux marchés concernés.
Par ailleurs, il paraît opportun d'engager une réflexion sur un dispositif qui, partant de la constatation  de l'existence d'opérateurs puissants sur un marché de l'audiovisuel, au lieu de limiter automatiquement le développement de leurs activités, y compris dans des secteurs où leur intervention apparaîtrait justifiée ou raisonnable, donnerait à l'autorité de régulation le pouvoir d'imposer des obligations particulières à ces acteurs puissants, afin de garantir le pluralisme tout en favorisant le développement industriel du secteur.
D'ores et déjà, au-delà des limitations législatives, la loi charge le CSA de veiller à la diversité des opérateurs et au pluralisme, aussi bien lors de la sélection des services dans le cadre d'appels aux candidatures que lors de la négociation des conventions ou à l'occasion de l'examen de demandes de modifications capitalistiques. Cette mission permet d'envisager favorablement des assouplissements au dispositif anticoncentration.
 

- Les télévisions locales
S'agissant des télévisions locales, les assouplissements prévus aux articles 77 et 78 visent à favoriser leur nécessaire développement.
Cependant, ce développement ne pourra être concrétisé sans que soient prises, simultanément, les mesures réglementaires propres à assurer la viabilité économique de ces services, qui doivent bénéficier au plus tôt de l'ouverture ciblée et progressive des secteurs interdits à la publicité télévisée.
L'article 77 supprime la limitation de la part susceptible d'être détenue par une même personne au capital d'une société éditant une télévision locale, mesure qui devrait favoriser l'investissement dans ce secteur d'activité. Le CSA estime toutefois que le seuil de 50 % devrait être maintenu à l'égard des actionnaires qui se trouvent par ailleurs dans l'une des situations visées aux 2° et 4° des articles 41-2 et 41-2-1 de la loi de 1986 (édition de services de radio représentant au moins 10 % de l'audience potentielle sur la zone et édition d'un ou plusieurs quotidiens d'information politique et générale diffusés dans la zone).
L'article 78 autorise le cumul d'une autorisation nationale et d'une ou de plusieurs autorisations locales, à l'exception du cumul d'une chaîne nationale dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % et d'une chaîne locale analogique. Cette restriction  appelle la rapide publication du décret mentionné au I de l'article 39.
Le même article porte à dix millions d'habitants au lieu de six le bassin maximum de population susceptible d'être couvert par un même éditeur de télévisions locales, ce qui permettra aux éditeurs d'envisager un développement régional et la couverture d'un bassin de population susceptible, pour les services commerciaux, d'attirer un plus grand nombre d'annonceurs.
En outre, l'article 81 retire, à l'article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986, le seuil de six millions d'habitants au-delà duquel, pour l'application du dispositif anticoncentration, une télévision est considérée comme nationale. L'expression d'un seuil à l'article 41-3 peut certes apparaître inutile ; en effet, il découle des cinquième et sixième alinéas de l'article 41 de la même loi, tels que modifiés par l'article 78 du projet de loi, qu'une télévision locale ne pourra couvrir plus de dix millions d'habitants, ce qui aboutit nécessairement à considérer comme nationale toute télévision dépassant ce bassin de population. Toutefois, le rappel de ce seuil à l'article 41-3 est de nature à faciliter la lecture du dispositif anticoncentration et aurait pu, à ce titre, être maintenu.
 

- Les télévisions hertziennes nationales
S'agissant des télévisions nationales en mode numérique, l'article 78 porte de cinq à sept le nombre maximal d'autorisations susceptibles d'être détenues par un même groupe.
Cet assouplissement pourrait s'avérer utile en cas de libération d'un des canaux actuellement réservés aux chaînes du secteur public, aux chaînes nationales présélectionnées le 23 octobre 2002 ou aux chaînes locales devant faire l'objet d'un prochain appel aux candidatures.
En effet, en raison de l'importante concentration des chaînes thématiques, le seuil de cinq autorisations a été atteint par certains groupes, dans le cadre de la présélection opérée le 23 octobre 2002. La limite de sept autorisations apparaît de nature à préserver le pluralisme, dès lors que, parmi ces sept autorisations, deux seulement concerneraient des chaînes de télévision en clair.
 

- La part de capital extra-communautaire
Le CSA appelle l'attention du gouvernement sur les difficultés d'application de l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe à 20 % la part maximale susceptible d'être détenue par des personnes extra-communautaires au capital de sociétés titulaires d'autorisations hertziennes pour des services en langue française.
Ces difficultés tiennent, d'une part, au nombre élevé de sociétés cotées en bourse, dont la part de capital flottant est importante et se trouve détenue, pour une partie significative, par des intermédiaires financiers. Elles sont également liées à la difficulté, pour le CSA, de solliciter des renseignements capitalistiques lui permettant, conformément à l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 27 juin 2002, de remonter la chaîne d'actionnaires pour déterminer la nationalité de chacun d'eux, même si la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques semble de nature à améliorer les possibilités d'identification du capital pour les sociétés émettrices.
Le CSA considère que trois mesures au moins pourraient faciliter l'application de cet article :
- le mise à la charge de l'éditeur de la preuve de la conformité de la société avec le seuil prévu à l'article 40 ;
- l'instauration d'un délai de mise en conformité permettant au CSA, en cas de dépassement du seuil, de donner à l'éditeur un délai raisonnable pour mettre la société en conformité avec les dispositions de la loi ;
- la dépénalisation de cet article et donc la suppression, à l'article 77 de la loi, de la mention de l'article 40 ; cette dépénalisation apparaît nécessaire dès lors qu'il y a renversement de la charge de la preuve ; en outre, la sanction pénale apparaît inappropriée en l'espèce puisque la personne sanctionnable serait celle ayant fait franchir le seuil de 20 %, délit auquel manquerait dans la grande majorité des cas l'élément intentionnel.
En tout état de cause, l'hypothèse d'un dépassement du seuil et l'appréciation de ses conséquences sont à prendre en considération dans toute réflexion visant à modifier l'article 40. Il revient au Gouvernement et au législateur d'en apprécier la portée et notamment d'examiner, le cas échéant,  la pertinence d'une modification du seuil des 20% des capitaux ou des droits de vote, ou de la substitution ou de l'adjonction à ce critère d'une règle portant sur la nationalité des dirigeants et mandataires sociaux des sociétés titulaires d'autorisation et sur la localisation du siège social de la société sur le territoire de la Communauté, règle dont le respect serait, compte tenu du fort recours de ces sociétés au financement sur les marchés boursiers, plus aisément contrôlable tout en maintenant le même objectif de contrôle de la direction de ces sociétés.
 

- Les distributeurs de services
Le CSA est favorable à la suppression du seuil de 8 millions d'habitants pour les câblo-opérateurs prévu à l'article 41 de la loi de 1986 (article 73 du projet) et au retrait de la câblo-distribution du dispositif anticoncentration multimédia (articles 74 et 75 du projet).
Il estime toutefois indispensable d'introduire concomitamment un dispositif approprié pour limiter l'intégration verticale et notamment pour éviter le contrôle d'un grand nombre de chaînes du câble et du satellite par des distributeurs appartenant aux groupes qui contrôlent les chaînes nationales privées, situation qui est porteuse d'un risque de disparités de traitement entre éditeurs et d'atteinte au pluralisme. La part de chaînes indépendantes qui devra figurer dans chaque offre, dont le principe est maintenu à l'article 75 du projet de loi, n'apparaît pas constituer une mesure suffisante eu égard à l'ampleur du phénomène.

VIII - L'EXERCICE DE LA REGULATION
 

- Le règlement des litiges
L'article 50 du projet de loi introduit dans la loi du 30 septembre 1986 un nouvel article 17-1. Celui-ci étend à l'ensemble du secteur audiovisuel le pouvoir de règlement des litiges du CSA, cantonné par la loi du 1er août 2000 à la télévision hertzienne numérique (article 30-5 de la loi de 1986).
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel se félicite de cette importante avancée, qui est de nature à répondre aux attentes d'un grand nombre d'opérateurs et qui renforce ses capacités d'intervention économique.
Il note en particulier avec satisfaction que le projet de loi lui permettra de régler les différends liés à l'application de l'article 95 de la loi de 1986, concernant l'interopérabilité des terminaux, ce qui permettra d'assurer la complète transposition de l'article 4 de la directive 95/47/CE, dite "Normes et signaux", dont le paragraphe e) prévoit que "les États membres veillent à ce que toute partie ayant un litige non résolu au sujet de l'application des dispositions relevant du présent article jouisse d'un accès facile et, en principe, peu onéreux à des procédures appropriées de règlement des litiges, pour régler ces litiges d'une manière équitable et transparente et en temps opportun".
Il estime toutefois qu'il serait  souhaitable que, parmi les articles sur le fondement desquels le CSA pourrait s'opposer à une modification de plan de services d'un distributeur, figure l'article 4 modifié de la loi de 1986 (dans sa rédaction résultant de l'article 43 du projet de loi), qui pose les principes sur lesquels doit reposer la régulation du CSA : égalité de traitement, libre concurrence, relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, qualité et diversité des programmes.
Par ailleurs, l'expérience des autorités investies d'un pouvoir de règlement de litiges démontre la nécessité d'une relative souplesse dans les délais d'instruction, notamment pour garantir le caractère contradictoire de la procédure. A cet égard, le délai ferme de deux mois prévu pour que le CSA rende ses décisions  est susceptible de fragiliser leur légalité en cas de production de pièces par l'une des parties peu avant l'expiration du délai ; en effet, dans un tel cas, le CSA ne pourrait respecter à la fois le caractère contradictoire de la procédure et le délai prescrit.
Il semble indispensable que la faculté de proroger le délai de droit commun, dont disposent l'ART et la CRE, soit également prévue pour les litiges dont le CSA pourra être saisi.
Enfin, une clarification du champ d'application de cette disposition apparaît nécessaire, celle-ci visant alternativement les services de télévision et les services de communication audiovisuelle, notion large incluant notamment l'ensemble des sites web.

- La sollicitation d'informations
L'article 51 du projet de loi complète utilement l'article 19 de la loi du 30 septembre 1986 en étendant aux producteurs d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ainsi qu'aux personnes mentionnées à l'article 95 de la loi de 1986 la faculté offerte au CSA de solliciter des informations.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel juge cependant indispensable que cet article soit modifié sur trois autres points :
- l'article 19 de la loi de 1986, tel que modifié, ne permet au CSA de solliciter des informations auprès des producteurs, éditeurs et distributeurs que "pour s'assurer du respect des obligations qui sont imposées" aux éditeurs et distributeurs ; cette rédaction apparaît trop restrictive, en tant notamment qu'elle ne permettra pas au CSA de solliciter les informations qui lui seront nécessaires pour exercer le pouvoir de règlement des litiges prévu à l'article 17-1 nouveau de la même loi ;
- ainsi que cela a été mentionné précédemment, il serait nécessaire que le CSA puisse vérifier auprès des opérateurs de réseaux satellitaires qu'ils ne diffusent pas de services n'ayant fait l'objet ni d'une convention, ni d'une déclaration ;
- Il serait enfin nécessaire que le CSA puisse solliciter des actionnaires des entreprises titulaires d'autorisations d'autres types d'information que celles actuellement prévues à l'article 19, notamment sur leurs activités dans le secteur de la communication, l'évolution de leur actionnariat, etc. Ces informations apparaissent en effet de nature à faciliter l'exercice des pouvoirs de régulation économique ; en outre, elles peuvent être indispensables pour assurer le respect du dispositif anticoncentration, dans le cas d'un actionnaire en situation de contrôle, soumis aux mêmes règles que le titulaire de l'autorisation, en application de l'article 41-3 de la loi de 1986.
 

- L'extension du pouvoir de sanction
S'agissant du pouvoir de sanction du CSA, qui fait l'objet d'utiles modifications dans le cadre du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, le Conseil estime qu'il serait souhaitable de le compléter sur trois points.
 
- Le Conseil souhaite que le champ d'application de ce pouvoir soit étendu aux personnes visées à l'article 95 de la loi du 30 septembre 1986, relatif à l'interopérabilité des décodeurs. Ces personnes devraient également être mentionnées à l'article 42 de la loi de 1986, parmi celles qui peuvent solliciter du CSA le prononcé d'une mise en demeure à l'égard d'un opérateur ne respectant pas ses obligations.
 
- Le pouvoir de sanction dont dispose le CSA à l'égard des distributeurs commerciaux, en application des articles 42 et 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 n'est susceptible de s'appliquer qu'en cas de manquement aux "obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article 1er de la présente loi".

Or, parmi les missions essentielles confiées au CSA, figure la protection du jeune public. A ce titre, le CSA estime indispensable que soit très étroitement contrôlé l'accès aux programmes pornographiques ou de très grande violence, susceptibles de nuire à l'épanouissement des mineurs.
Ce contrôle passe par des mesures dont l'exécution repose en grande partie sur les distributeurs commerciaux : encadrement des modalités de commercialisation des chaînes de télévision diffusant des programmes pornographiques ou de très grande violence, mise en place de dispositifs de contrôle d'accès à ces programmes, etc. Ces mesures relèvent de l'article 15 de la loi et non de l'article 1er, qui ne mentionne pas la protection du jeune public, ce qui fait obstacle à l'éventuel engagement d'une procédure de sanction à l'égard des distributeurs commerciaux qui ne respecteraient pas les prescriptions du CSA en la matière.
Il serait donc souhaitable, d'une part, que l'article 1er de la loi de 1986 vise expressément la protection de l'enfance et de l'adolescence, qui apparaît comme l'un des principes essentiels devant être rappelé dans cet article et, d'autre part, que l'article 42 de la même loi permette au CSA de prononcer des mises en demeure et, le cas échéant, d'engager des procédures de sanction à l'égard des distributeurs de services sur le fondement de l'article 15 de la loi.

- La loi du 1er août 2000 a étendu aux chaînes du câble et du satellite et aux distributeurs de services le pouvoir de sanction du CSA, prévu à l'article 42-1 de la loi de 1986, sans que soient tirées toutes les conséquences de cette extension. Ainsi, chacune des sanctions figurant aux 1° à 4° de cet article vise "l'autorisation", alors que les chaînes du câble et du satellite sont soumises à un régime de conventionnement et que les distributeurs de services par satellite sont soumis à un régime déclaratif, étendu aux câblo-opérateurs par le projet de loi faisant l'objet du présent avis.
Il serait souhaitable que cet article soit adapté en conséquence.

- Les autres aménagement des pouvoirs du CSA
A l'instar de ce que prévoit l'article 6 du projet de loi en faveur de l'ART, le pouvoir d'enquête du CSA pourrait être utilement renforcé, notamment afin de faciliter l'exercice du nouveau pouvoir de règlement des litiges.
De même, par analogie au pouvoir reconnu à l'ART par l'article 23 du projet de loi (article L.36-6 du code des postes et télécommunications) le CSA pourrait disposer, à l'article 25 de la loi de 1986, d'un pouvoir réglementaire pour les conditions techniques d'utilisation des fréquences audiovisuelles, lesquelles ne peuvent actuellement être définies qu'au cas par cas (3).
Enfin, dès lors que ce projet de loi modifie un grand nombre de dispositions de la loi de 1986 pour préciser le champ de compétence du CSA, il serait utile qu'il adapte également l'article 14, qui donne compétence au CSA pour exercer un contrôle sur les émissions publicitaires "diffusées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi". Cette compétence devrait couvrir expressément l'ensemble des services de radio et de télévision.
 
(1) Les parties en gras correspondent aux modifications proposées par le CSA.
(2) Rédaction découlant des termes de l'article 29 de la loi de 1986.
(3) Cf. débats parlementaires et notamment le rapport Péricard AN n° 339 mentionnant que les conditions techniques de diffusion "seront désormais fixées par la CNCL, en même temps que seront délivrées les autorisations correspondantes".