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Décision du CSA

Décision n° 2014 – 358 du 29 juillet 2014 relative à la demande d’agrément de la modification des modalités de financement du service de télévision hertzienne terrestre Paris Première

Publié le

Assemblée plénière du

Les informations couvertes par le secret des affaires apparaissent entre crochets.

 

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel,

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1 et 42-3 ;

Vu la décision n° 2003-317 du 10 juin 2003 modifiée du Conseil supérieur de l’audiovisuel autorisant la société Paris Première à utiliser une ressource radioélectrique pour l’exploitation d’un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d’accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique, prorogée par la décision n° 2012-480 du 15 mai 2012 ;

Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Paris Première le 10 juin 2003 en ce qui concerne le service de télévision du même nom ;

Vu la lettre du 18 février 2014 par laquelle le groupe Métropole Télévision a saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel d’une demande d’agrément de la modification des modalités de financement du service de télévision hertzienne terrestre Paris Première ;

Vu l’avis n° 14-A-07 du 18 juin 2014 de l’Autorité de la concurrence ;

Vu l’étude d’impact relative à la demande de passage sur la TNT gratuite du service Paris Première ;

Vu la lettre du groupe Métropole Télévision en date du 15 juillet 2014 portant engagements ;

Après avoir entendu :

- le 19 mai 2014, en séance publique, M. de Tavernost, M. Bureau, Mme Bouton et Mme Chabert pour le groupe Métropole Télévision ;

- les tiers en ayant fait la demande ;

1. Considérant que, par la décision n° 2003-317 du 10 juin 2003 susvisée, prorogée par la décision n° 2012-480 du 15 mai 2012, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a autorisé la société Paris Première à utiliser une ressource radioélectrique pour l’exploitation d’un service de télévision à caractère national sous condition d’accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; que par la lettre du 18 février 2014 susvisée, le groupe Métropole Télévision, auquel appartient la société Paris Première, a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement des dispositions du 4ème alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, de donner son agrément à la modification des modalités de financement du service de télévision Paris Première ;

Sur le cadre juridique applicable :

2. Considérant qu’aux termes du 4ème alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 : « Sous réserve du respect des articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers. Préalablement à sa décision, il procède à une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l’audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l’autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte. » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la même loi : « La communication au public par voie électronique est libre. / L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle. » ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 3-1 de la même loi : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi. / Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes. Il veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services. » ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qu’il incombe au Conseil supérieur de l’audiovisuel, saisi d’une demande de modification des modalités de financement d’un service de télévision numérique terrestre, d’apprécier si cette modification est de nature à porter atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme ; qu’il lui revient de vérifier que la modification des modalités de financement sollicitée ne porte pas atteinte, d’une part, à la qualité et à diversité des programmes et, d’autre part, aux équilibres du secteur audiovisuel ; qu’à ce titre, il doit s’assurer d’une concurrence et d’une diversité suffisantes des opérateurs, en prenant notamment en compte les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre ;

Sur les motifs de la demande :

6. Considérant qu’à l’appui de sa demande, le groupe Métropole Télévision fait valoir que le résultat d’exploitation de Paris Première a diminué de […] entre 2008 et 2012 ; que les revenus de distribution et les recettes publicitaires de la chaîne devraient continuer à diminuer ; que Paris Première ne pourrait maintenir son équilibre économique dans un contexte concurrentiel élargi ; qu’eu égard aux efforts d’économie qu’elle a déjà engagés, elle ne disposerait plus désormais de leviers significatifs de réduction de ses coûts et se trouverait contrainte d’envisager une modification de son mode de financement ; 

Sur l’impact potentiel de la modification des modalités de financement de Paris Première sur la qualité et la diversité des programmes du secteur de la TNT gratuite :

7. Considérant que la diffusion de Paris Première sur la TNT gratuite permettrait à ce service de toucher un plus large public et contribuerait ainsi à renforcer l’offre déjà existante dans le secteur de la télévision gratuite ; qu’en outre, la ligne éditoriale actuelle de Paris Première serait conservée lors de son passage sur la TNT gratuite ; que dans ces conditions, la modification des modalités de financement du service Paris Première ne serait pas, à cet égard, de nature à porter atteinte à la qualité et la diversité des programmes de la TNT gratuite ;

Sur l’impact potentiel de la modification des modalités de financement de Paris Première sur les équilibres du secteur de la TNT gratuite :

En ce qui concerne l’incidence sur l’audience des services audiovisuels actuellement diffusés sur la TNT gratuite :

8. Considérant qu’il ressort de l’étude d’impact que la consommation de la télévision a fortement augmenté depuis une quinzaine d’années ; que, toutefois, l’année 2012 se caractérise par une première phase de ralentissement de la croissance suivie, en 2013, d’une baisse de quatre minutes de la durée d’écoute quotidienne de la télévision des personnes de quatre ans et plus équipées d’un téléviseur ; que cette baisse se poursuit depuis le début de l’année 2014 et se confirme par ailleurs dans de nombreux pays européens, même s’il n’est pas possible d’être assuré à moyen terme de la confirmation de cette évolution ;

9. Considérant en outre qu’une érosion de la part d’audience des chaînes « historiques », et en particulier des chaînes TF1, France 2 et France 3, est constatée depuis plusieurs années, au profit des chaînes gratuites lancées en 2005, tandis que les six chaînes en haute définition lancées en 2012 agrègent 2,3 % de part d’audience en moyenne au cours leur première année d’existence ; que, cependant, l’année 2013 a été marquée par une stagnation de la hausse de la part d’audience des chaînes lancées en 2005 ;

10. Considérant, d’une part, que Paris Première présente un auditoire plus masculin que la plupart des chaînes gratuites ; qu’elle est dans la moyenne des chaînes gratuites en ce qui concerne la part des 15-49 ans ; qu’en ce qui concerne la part des plus de 50 ans, elle est également dans la moyenne des autres chaînes ; que les femmes responsables des achats ne constituent pas une part très élevée de son auditoire en 2013 et qu’elle enregistre un taux un peu plus élevé que la moyenne sur la cible des catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+) ; 

11. Considérant, d’autre part, que l’offre de cinéma, documentaire et spectacles vivants tend à placer Paris Première en concurrence avec plusieurs autres chaînes de la TNT gratuite, et notamment avec les chaînes Arte, D8 et Numéro 23 ;

12. Considérant que la part d’audience de Paris Première sur la TNT gratuite pourrait être comprise entre 1,4 % et 1,6 % en 2019 ; que suivant divers scénarios de transfert d’audience, l’arrivée de Paris Première sur la TNT gratuite conduirait à un effet de baisse de la part d’audience pour Arte, D8 et Numéro 23 ;

13. Considérant qu’ainsi, la modification des modalités de financement de Paris Première serait susceptible d’influer, parfois de manière importante sur les niveaux d’audience des autres chaînes diffusant sur la TNT gratuite ; qu’aucune mesure éditoriale ou concurrentielle ne serait de nature à limiter de manière suffisante le transfert d’audience au profit de Paris Première ;

En ce qui concerne l’incidence sur le marché publicitaire :

14. Considérant qu’il ressort de l’étude d’impact que le marché publicitaire est en baisse continue et présente son niveau le plus bas de dépenses depuis plus de dix ans ; que les recettes publicitaires nettes de l’ensemble des chaînes de télévision ont ainsi baissé sur un an de 3,5 % par rapport à 2012, pour se situer à 3,2 milliards d’euros en 2013 ; qu’il existe de forts écarts dans les niveaux de parts de marché entre les opérateurs privés les plus puissants et les nouveaux entrants sur le marché de la publicité télévisuelle ; que le marché de la publicité télévisuelle ne donne aucun signe permettant de supputer une augmentation à brève échéance, sans qu’il soit possible de prévoir une inversion durable de cette tendance à moyen terme ;

15. Considérant que si la part des revenus publicitaires liée à la modification des modalités de financement de Paris Première ne représenterait, à court et moyen terme, qu’environ 1 % du total du marché publicitaire télévisuel, certains annonceurs pourraient néanmoins choisir de réorienter leurs choix d’investissements vers Paris Première plutôt que d’augmenter le montant global de leurs dépenses ; que l’incidence d’une telle réorientation pourrait être particulièrement forte pour les chaînes de la TNT récemment autorisées ; qu’au demeurant, eu égard à l’absence de position dominante du groupe Métropole Télévision sur le marché publicitaire, il ne peut être imposé de mesure compensatrice de nature concurrentielle visant à limiter la captation par Paris Première de la ressource publicitaire ; que dans ces conditions, le passage de Paris Première sur la TNT gratuite serait de nature à porter atteinte aux équilibres du marché publicitaire ;

En ce qui concerne l’incidence sur l’assise économique et financière des services audiovisuels actuellement diffusés sur la TNT gratuite :

16. Considérant qu’en raison de leur format éditorial, les chaînes D8, NRJ12 et Numéro 23 seraient directement affectées par des variations d’investissements publicitaires consécutives à la modification des modalités de financement de Paris Première ; 

S’agissant de la chaîne D8 :

17. Considérant qu’il ressort de l’étude d’impact que si le chiffre d’affaires de D8 a augmenté en 2013, essentiellement grâce à la hausse de ses recettes publicitaires, cette chaîne continue néanmoins de présenter un résultat d’exploitation négatif ; qu’elle couvrirait ses charges d’exploitation pour une part d’audience de […] % ; que la diffusion de Paris Première sur la TNT gratuite pourrait engendrer pour D8 une perte de part d’audience comprise entre 0,08 et 0,11 point ; que D8 a réalisé une part d’audience moyenne de 3,2 % en 2013 ;

18. Considérant en outre que l’hypothèse d’une réduction de ses charges d’exploitation par D8, notamment du coût de sa grille, afin de faire face à ces pertes, nuirait à la qualité de ses programmes sans pour autant enrayer sa fragilisation ; que cette fragilisation peut, à terme, menacer l’assise de D8, même si celle-ci appartient à un opérateur privé puissant ; que, dans ces conditions, la modification des modalités de financement de Paris Première pourrait avoir une incidence sur la situation économique de D8 ;

S’agissant de la chaîne NRJ12 :

19. Considérant que si Paris Première se distingue de NRJ12 par le traitement de l’actualité culturelle et le spectacle vivant et si le public visé diffère, les deux chaînes diffusent dans une large mesure le même genre de programmes ; que dans ces conditions, une partie de l’audience de NRJ12 est susceptible de se reporter sur Paris Première ;

S’agissant de la chaîne Numéro 23 : 

20. Considérant qu’il ressort de l’étude d’impact que Numéro 23 a enregistré en 2013 une part d’audience d’environ 0,3 % ; qu’elle a présenté cette même année un déficit d’exploitation de […] millions d’euros ; que cette chaîne pourrait parvenir à couvrir entièrement le coût de sa grille tel qu’il s’établit en 2013 pour une part d’audience de […] % et serait rentable pour une part d’audience de […] % ; qu’en outre, le dossier de candidature de Numéro 23 prévoit une augmentation significative du coût de grille et des autres charges à l’horizon 2016 ; que la part d’audience nécessaire pour couvrir le montant prévisionnel des charges d’exploitation en 2016 se situerait dès lors à un niveau nécessairement plus élevé ; que l’arrivée de Paris Première sur le marché de la télévision gratuite conduirait, dans l’hypothèse la plus probable, à un effet de baisse d’au moins 0,09 point de la part d’audience de Numéro 23, soit environ un tiers de sa part d’audience moyenne sur 2013 ; 

21. Considérant, en outre, que l’hypothèse d’une réduction de ses charges d’exploitation par Numéro 23, notamment du coût de sa grille, afin de faire face à ces pertes, nuirait à la qualité de ses programmes sans pour autant enrayer sa fragilisation ; que, par suite, compte tenu de l’absence d’équilibre économique de cette chaîne récemment créée, de l’importance de la diminution de sa part d’audience susceptible d’être causée par la diffusion de Paris Première sur la TNT gratuite et de son absence d’adossement à un groupe important, la modification des modalités de financement de Paris Première serait susceptible de porter atteinte à sa viabilité économique et financière ;

22. Considérant enfin qu’il ressort de l’étude d’impact qu’aucune mesure de nature concurrentielle, ou portant sur le contenu des programmes, ne permettrait de remédier de manière suffisante au transfert d’audience et de recettes publicitaires depuis les chaînes concernées au profit de Paris Première ; que cette situation fragiliserait durablement les chaînes en cause, dès lors que ces chaînes se trouveraient dans l’impossibilité d’atteindre leur seuil de rentabilité ; que, dans ces conditions, l’arrivée de Paris Première sur le secteur de la TNT gratuite menacerait particulièrement la viabilité économique et financière de la chaîne Numéro 23 et pourrait également avoir une incidence sur la situation économique sur la chaîne D8 ;

Sur l’atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme :

23. Considérant que la modification des modalités de financement de Paris Première influerait sur les parts d’audience des services déjà diffusés sur la TNT gratuite, dans une proportion plus ou moins importante selon leur proximité éditoriale avec le service et la structure d’auditoire de Paris Première ; que, dès lors, compte tenu du contexte économique actuel marqué par la contraction des dépenses des annonceurs et la stabilisation, voire la diminution de la consommation de la télévision, cette diffusion de Paris Première sur la TNT gratuite menacerait particulièrement la viabilité économique et financière de Numéro 23 et pourrait également avoir une incidence sur la situation économique de D8, aux dépens de la diversité des opérateurs ;

24. Considérant en outre que l’édiction de mesures compensatrices, de nature éditoriale ou concurrentielle, ne serait pas susceptible de contrebalancer dans une mesure suffisante les effets liés à la modification sollicitée sur la viabilité économique et financière des chaînes précitées ;

25. Considérant qu’en l’état actuel des données telles qu’elles ont été analysées précédemment, la modification des modalités de financement de Paris Première porterait atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme ; que, par suite, il y a lieu de refuser d’agréer la demande de modification des modalités de financement sollicitée pour la diffusion du service de télévision hertzienne Paris Première ; 

Après en avoir délibéré,

D E C I D E :

Article 1er : La demande d’agrément de la modification des modalités de financement du service de télévision hertzienne terrestre Paris Première présentée par le groupe Métropole Télévision est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au groupe Métropole Télévision et sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 29 juillet 2014.

Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :

Le président,

O. SCHRAMECK