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Intervention publique

Discours de Roch-Olivier Maistre pour la clôture des 13e Rencontres de l'UDECAM le 5 septembre 2019

Publié le

Clôture des 13e Rencontres de l’UDECAM

5 septembre 2019


Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs les présidentes et les présidents,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Merci aux organisateurs, et à vous en particulier, Raphaël de Andréis de votre invitation à cette 13e édition des Rencontres de l’UDECAM.

*

Cette invitation me permet de venir à votre rencontre et à votre écoute. Vous, acteurs du secteur publicitaire, qui êtes depuis de nombreuses années des interlocuteurs importants du CSA. Des interlocuteurs importants mais aussi de vrais partenaires, je tiens à le souligner. J’ai souvent l’occasion de le rappeler : la mission de régulation qui est confiée au CSA ne passe pas seulement par la réglementation et la sanction, en matière de publicité comme dans d’autres domaines. Elle passe aussi par d’autres outils, relevant davantage du dialogue entre les acteurs, des engagements volontaires, et du droit souple.

Et c’est ainsi qu’a pu être signée avec les parties prenantes, l’année dernière, la Charte pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité. Nous avons aussi engagé les discussions autour du renouvellement de la « charte alimentaire », sur laquelle nous devons encore collectivement avancer. De manière générale, je suis convaincu que cette voie est, pour nous tous, porteuse d’avenir, et je souhaite que nous puissions continuer à développer ces outils partenariaux dans les prochaines années. Mieux vaut toujours un bon accord !

*

Cette invitation me permet aussi de m’exprimer devant vous à un moment évidemment très important pour le secteur des médias audiovisuels.

Un moment important car ce secteur, vous le savez, est en pleine transformation : le thème que vous avez choisi pour cette édition, « le new deal media », le reflète bien. Nous assistons même, avec la transition numérique, à une véritable métamorphose du paysage. C’est l’apparition de nouveaux supports, de nouveaux formats, de nouveaux usages : cela a été au cœur des interventions de la matinée. C’est, de ce fait, le règne de « l’hyper-offre », de plus en plus délinéarisée, qui s’accompagne d’un relatif déclin de la diffusion hertzienne au profit de l’IPTV et de l’OTT. Si le temps passé devant la télévision n’augmente plus, voire diminue chez les jeunes, les Français n’ont jamais regardé autant d’écrans. Et c’est, aussi, en termes de structure de marché, l’affirmation croissante de nouveaux opérateurs, très puissants, d’envergure internationale : les plateformes de contenus et les réseaux sociaux.

Les opérateurs historiques, qu’ils soient publics ou privés, en prennent aujourd’hui la mesure, et multiplient les initiatives. On le voit avec le projet Salto, par exemple, sur lequel le CSA a émis cet été un avis favorable au vu des engagements pris par les entreprises.

Car la régulation, en effet, doit aussi prendre toute la mesure de ces transformations. Elles font apparaitre de multiples asymétries de régulation, au détriment des médias régulés (soumis à d’importantes obligations alors que les nouveaux acteurs y échappent). Et, par ailleurs, elles modifient les modèles d’affaires et les chaînes de valeur, sur le fondement desquelles notre modèle de régulation a été bâti. Face à ces évolutions, il est évidemment indispensable que la régulation se transforme et s’adapte.

Sur ce point, j’ai été frappé par le sous-titre que vous avez choisi pour ces rencontres, « pour une biodiversité des médias » : il fait écho à ce qui constitue depuis l’origine, un objectif central de la régulation : la diversité de l’offre, la diversité des opérateurs, le pluralisme en d’autres termes. Aujourd’hui, les différents objectifs qui fondent la régulation – tels qu’assurer le pluralisme, garantir le financement de la création ou encore placer les médias devant leurs responsabilités sociétales – restent d’actualité. Ce qui est appelé à changer, c’est, d’une part, le champ de la régulation : l’intégration de nouveaux opérateurs, comme les plateformes de partage de vidéos et, plus largement, de partage de contenus ou les réseaux sociaux. Et, d’autre part, naturellement, les modalités de cette régulation.

Depuis quelques mois, cette transformation est d’ores et déjà entrée en phase opérationnelle, puisque nous avons mis en œuvre, dès ce printemps, la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information en adressant des recommandations aux plateformes et aux réseaux sociaux, dans cet objectif, au terme d’une large concertation. La proposition de loi relative à la lutte contre les contenus haineux, en discussion au Parlement, prévoit également de nous confier de nouvelles missions, dans une optique de supervision des processus et des moyens mis en place par les plateformes pour lutter contre la diffusion des contenus haineux. Et, bien sûr, le projet de loi audiovisuelle représentera une étape décisive.

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C’est également pour cela, naturellement, que le moment est important, avec ce projet de loi qui se concrétise. Le ministre de la culture a eu l’occasion d’en évoquer ce matin les principaux enjeux et les principaux axes, je n’y reviendrai pas. Et le collège du CSA sera, dans les prochaines semaines, appelé à émettre un avis sur ce texte avant sa présentation au conseil des ministres, comme le veut la loi. Il exercera cette mission avec le souci d’éclairer au mieux le Gouvernement et le Parlement, en tenant compte des points de vue des différentes parties prenantes.

Mais je veux dès à présent souligner que la présentation prochaine au Parlement de ce projet de loi, très attendu, est un événement dont on ne peut que se réjouir.

Parce que de multiples voix se sont élevées, ces derniers mois, pour pointer la nécessité d’une réforme, du Parlement à l’Autorité de la concurrence en passant par les différents organismes professionnels. Pour souligner aussi que le statu quo n’était plus tenable. Je crois pouvoir dire qu’un large consensus se dégage désormais sur ce point.

Parce que ce projet de loi, aussi, est l’opportunité d’un réexamen d’ensemble de notre régulation. Un réexamen qui, nous le savons, n’est pas si fréquent et qui est d’autant plus nécessaire. Si la loi de 1986 a été modifiée à de très nombreuses reprises, on a rarement eu l’occasion, en vérité, de procéder à ce réexamen d’ensemble. Il faut en être conscient : c’est une occasion qui ne se représentera pas de sitôt.

Ce réexamen d’ensemble va notamment porter sur l’architecture de la régulation, avec le rapprochement entre le CSA et Hadopi, et des coopérations renforcées avec l’ARCEP. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : cette nouvelle architecture fait sens, tant les interlocuteurs qui sont les nôtres sont, de plus en plus, les mêmes. Le collège et les équipes du CSA, depuis 30 ans, ont développé une solide expertise, qui sera très utile pour mettre en œuvre les nouvelles missions que nous confie le législateur, et mener à bien cette transformation.

Ce réexamen d’ensemble va aussi porter, ensuite, sur la régulation elle-même. Ce sera l’occasion, en particulier, de transposer la nouvelle directive  européenne « services de médias audiovisuels », adoptée en 2018. Ce texte permet de faire participer les plateformes de partage de vidéo au financement de la création, en fonction du pays ciblé, c’est-à-dire en France. C’est une avancée très importante, qui va pouvoir être mise en œuvre dans le cadre du projet de loi : elle garantit la pérennité de notre modèle de financement de la création, dans le cadre de l’exception culturelle.

Ce sera aussi l’occasion de faire évoluer certaines règles qui étaient devenues, au fil du temps, obsolètes. Je pense, en particulier, à la règle des « jours interdits » de cinéma.

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Dans ce cadre, la législation et la réglementation publicitaires sont, elles aussi, appelées à évoluer, et je sais que vous êtes particulièrement attentif à cet aspect. Le ministre a eu l’occasion d’exposer ce matin les évolutions qui se dessinent : concernant les coupures publicitaires, concernant les secteurs qui font actuellement l’objet de limitations comme le cinéma et la distribution, ou encore concernant le développement de la publicité segmentée.

Sur ces différents sujets, mon sentiment est qu’il est devenu nécessaire de donner de l’oxygène aux diffuseurs, de leur redonner de la marge de manœuvre pour que la concurrence soit équitable alors que, pour la troisième année consécutive, en 2018, c’est la publicité en ligne qui a été le premier média investi par les annonceurs, et que c’est le segment des réseaux sociaux qui connait la croissance la plus importante [1].

Ces évolutions de la législation et de la réglementation publicitaires doivent naturellement veiller à ne pas fragiliser des secteurs tels que la radio ou la presse écrite : chacun est conscient des équilibres à préserver. Mais, en expérimentant le desserrement de certaines contraintes qui ne se justifient plus, ces évolutions seront utiles à l’ensemble du secteur, et bénéficier à l’ensemble de la filière, y compris les créateurs.

*

C’est ainsi que la régulation pourra, elle aussi, participer de ce « new deal media », qui était le fil rouge de la matinée. Une régulation synonyme d’opportunités, et pas seulement de contraintes : c’est l’état d’esprit dans lequel nous travaillons au CSA.

Merci de votre attention !

[1] Source : baromètre unifié du marché publicitaire de l’IREP, 2019